Influenza aviaire
La Bresse refuse de confiner ses volailles

Malgré le risque accru d’influenza aviaire, les producteurs de volailles de Bresse AOP refusent de claustrer leurs volailles. Les éleveurs bressans défendent leur produit haut de gamme par honnêteté envers leurs clients qui veulent déguster une volaille AOP qui a gambadé en plein air. Explications.

La Bresse refuse de confiner ses volailles
« Il y a une volonté des éleveurs de ne pas modifier le cahier des charges » de l’AOP Volailles de Bresse, martèle le président des JA de l’Ain, au nom de la différenciation du produit.

Alors que la France est de nouveau en alerte face à l’influenza aviaire, l’application des nouvelles règles sanitaires provoque des premiers remous sur le terrain. En Bresse, les producteurs de volailles refusent d’appliquer l’obligation de mettre leurs animaux à l’abri, effective depuis le passage le 5 novembre en niveau de risque « élevé ».

Risque de dévalorisation

Une première pour une filière organisée. « C’est une décision de filière », explique-t-on au CIVB (interprofession des volailles de Bresse). « Si on supprime l’accès au parcours, nos volailles ne répondront plus au cahier des charges AOP (Appellation d’origine protégée, N.D.L.R.) », explique Morgan Merle, éleveur et président des JA de l’Ain. Les règles de l’appellation prévoient que les animaux « doivent avoir libre accès à un parcours herbeux de 10 mètres carrés minimum par volaille ». Produit haut de gamme, « la volaille de Bresse se vend 14 €/kg, contre 2 €/kg pour la volaille standard », précise le responsable syndical.

Proposition d’alternatives au confinement


Un arrêté du 17 septembre a supprimé la possibilité de déroger à l’obligation de claustration jusque-là utilisée à chaque épisode d’influenza par les volailles de Bresse. Prévue par l’arrêté du 16 mars 2016, cette dérogation devait être demandée individuellement par chaque exploitation, et validée par les services vétérinaires. Le CIVB indique avoir envoyé courant octobre un courrier au ministère de l’Agriculture pour demander le rétablissement de cette dérogation. À cette occasion, la filière a proposé des « alternatives au confinement : réduction du parcours au minimum permis par le cahier des charges, ouverture des trappes différée dans la matinée, allongement de la phase de démarrage ». Une requête à laquelle la Rue de Varenne n’a pas encore répondu, selon le CIVB. « Cela fait plus d’un mois et demi qu’on échange avec les services de l’État (DGAL), et au département (DDPP…), pour des alternatives aux dérogations qui ne sont plus en vigueur cette année et une alternative à ce confinement. Le décret est sorti sur la claustration des volailles sur tout le territoire mais on attend encore la notice du décret », insiste Katy Molière, déléguée du CIVB qui espère voir « des conditions spécifiques dans cette notice concernant l’AOP volailles de Bresse ».

Sentiment de vilain petit canard

Avec 140 exploitations pour quelque 820.000 poussins mis en place en 2021, les volailles de Bresse sont certes les seules à bénéficier d’une AOP mais reste une petite organisation qui se sent un peu « comme les vilains petits canards » dans cette histoire. « Nous avons un cahier des charges stricts depuis 1957, qui évolue, mais on a des conditions d’élevage qui nous sont propres, avec une espèce Bresse-Gauloise qui ne supporte pas d’être enfermée, nos poulets vont se battre, se griffer, se piquer, se tuer, avec derrière la question du bien-être animal, sans compter que si on les enferme l’alimentation ne sera plus adéquat pour la claustration, le parcours est obligatoire pour atteindre notre qualité et il y a aussi la promesse qualité aux consommateurs lorsqu’il achète un poulet de Bresse AOP, demain, on va lui mentir ?… ». Les éleveurs bressans sont pris au piège, pris « dans l’étau » entre la réglementation nationale sanitaire et les conditions de l’appellation. Ils réclament donc une solution, sans pour l’heure avoir de garanties ou de délai pour obtenir une réponse de la DGAL et les services du Ministre qui vont devoir trancher pour sortir de ce « flou ». Une clarification nécessaire également pour l’Inao, les organismes certificateurs (contrôle externe) et même pour les contrôles internes futurs.

L’emblème qualité d’un territoire

Le CIVB est en train de faire un recensement de tous les lots en place actuellement en extérieur ou qui devront l’être « jusqu’en mars », date espérée de la levée totale des risques annuels de grippe aviaire. Certes le risque zéro n’existe pas et le CIVB le sait, suite au trois semaines de confinement en 2006 lorsque l’influenza avait frappé l’Ain, « mais le risque est quand même amoindri par nos élevages de petites tailles : on a des petits lots de 500-700, pas de transfert d’animaux entre exploitations (démarrage, croissance, finition), nos poussins arrivent à 1 jour et repartent à 5 mois, voir sont abattus sur place par la moitié des éleveurs qui ont un abattoir à la ferme », conclut le CIVB qui fait valoir tous ses arguments à la DGAL.

Seule bonne nouvelle, il n’y aura pas d’impact pour les fêtes de fin d’année puisque les volailles sont déjà en épinettes, pour leur finition. « Derrière nos 140 éleveurs, il y a toute une filière, une économie, une image de l’agriculture régionale, l’emblème de notre territoire… nous peinons déjà à recruter alors si les crises sanitaires s’enchaînent, cela va devenir compliqué », plaide Katy Molière en garante d’une histoire centenaire et d’une filière de tradition et de qualité.

 

Et en label Rouge ?

Dans la foulée du passage en risque « élevé », le gouvernement a publié le 9 novembre un arrêté autorisant les producteurs Label rouge à « conserver les [volailles] à l’intérieur », temporairement et « par dérogation ». Un texte qui concerne les principales productions avicoles sous label : volailles de chair, poules pondeuses et palmipèdes à foie gras. « Le même dispositif de modification temporaire existe en AOP », affirme l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao). Mais les éleveurs de Bresse défendent leur singularité bec et ongles. « En Label rouge, les poulets reçoivent un aliment complet dans leur cabane, explique Morgan Merle. Les volailles de Bresse, elles, sont carencées en protéines, elles ont besoin d’aller dehors sous peine de dépérir ».