CAVB
Des vins en avance

Cédric Michelin
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Le 8 novembre, à Prissé et à Mercurey, la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB) réunissait une centaine de viticulteurs pour faire un point sur les déclarations post-vendanges. L’occasion de parler des sujets d’actualité du moment… et pas des moindres.

Premier des « quatre temps » de ces réunions, les déclarations de récolte sur le portail des Douanes à faire avant le 10 décembre, « en privilégiant le dépôt temporaire », conseillait Véronique Lacharme qui réexpliquait ensuite le principe des VCI. Un nouveau guide explicatif est disponible sur Internet (guide-viticulteur.com /rubrique VCI/gestion du VCI). Se réjouissant de ce millésime 2022 « généreux pour certains », la directrice Marion Sauquëre rappelait avoir obtenu « exceptionnellement » des pouvoirs publics d’augmenter les rendements butoirs et d’augmenter les mises en réserve. Après le gel 2021, le gouvernement et les assureurs ont bien compris la logique historique des viticulteurs qu’il n’y a « pas de meilleures assurances » que d’avoir des vins en cave. Soutenu par les Champenois, cet accord de « principe » du ministère de l’Agriculture est très « encadré ». La Cnaoc s’en satisfait et demande à l’avenir que ce décret soit pérennisé « pour pouvoir le mobiliser après une année de fort aléa suivi d’une année généreuse », résumait comme principe général Marion Sauquëre. Depuis l’an dernier, et à titre « expérimental » pendant trois ans, les Douanes et l’INAO ont autorisé le conditionnement de 10 hl de VCI par appellation, évitant ainsi des « fonds de cuves de VCI » et permettant de « tout » conditionner en une seule fois si besoin.

Avancer la commercialisation des vins

Autre nouveauté, les appellations mâcon et chablis ont également rouvert leurs cahiers des charges pour « augmenter leurs rendements butoirs ». L’Upecb, pour les crémants de Bourgogne, a également demandé un déplafonnement du rendement butoir de 6 hl allant jusqu’à 96 hl/ha « pour les plus gros rendements ». Après les faibles volumes 2021, suivis d’une forte demande commerciale, les stocks de vins à vendre sont au plus bas. Une demande de dérogation va réduire la durée entre le dégorgement et la commercialisation, normalement d’une durée de trois mois à zéro, pour pouvoir commercialiser les crémants directement après dégorgement. Progressivement, cette durée de trois mois reviendra à « la normale » dans trois ans. Une autre appellation, saint-véran, a également obtenu d’avancer la commercialisation de ses 2022 au 15 décembre et au 15 février pour les saint-véran avec nom de climats.

La flavescence menace le Beaujolais

La deuxième partie de la réunion était ensuite consacrée à la vigne. Pour débuter, la directrice technique Charlotte Huber appelait tous les vignerons à répondre à l’observatoire annuel des pratiques viticoles, en lien avec les chambres d’agriculture. Environ 300 réponses ont été reçues mais il en faudrait « 800 pour des statistiques fiables, pour un bon suivi collectif et pour avoir des éléments fiables et robustes pour redonner la vérité aux journalistes », qui ne manquent pas d’être influencés par des opinions biaisées. Et en 2023, le délicat sujet des traitements phyto va certainement faire la une de l’actualité avec la première campagne printanière avec les nouvelles Chartes départementales ZNT. Côté application, avec les AMM (autorisation de mise sur le marché) des produits avec zone de non-traitement, « les distances de sécurité seront incompressibles, même en bio ». Les chartes départementales viennent apporter « quelques possibilités de réduire » ces distances par rapport aux riverains, « essentiellement si le pulvé est équipé d’un système anti-dérive ou s’il s’agit d’un produit de biocontrôle ». Les services de l’État se déchargeant de plus en plus de prérogatives, échouant régulièrement sur les services des chambres d’agriculture faute d’autres volontaires, la loi instituant la séparation vente/conseil des phytos a rendu également le conseil stratégique obligatoire, « sauf en AB ou HVE niveau 3 ».

Lutte à renforcer face à la flavescence

Le Sraal va pouvoir pleinement se concentrer sur la flavescence dorée qui suscite de vives inquiétudes au sud de la Saône-et-Loire, dans la partie beaujolaise, « avec des parcelles à arracher », prévenait la CAVB. Le 8 novembre, deux-tiers des prélèvements des pieds suspects lors des prospections avaient été analysés par le laboratoire départemental Agrivalys, révélant que la flavescence dorée ne menace pas plus que les autres années la Côte chalonnaise, malgré de plus en plus de pieds positifs en Côte-d’Or. La CAVB invitait déjà tous les vignerons à venir « aux réunions de printemps 2023 pour vraiment endiguer la recrudescence », car un nouveau plan de lutte au national va voir le jour d’ici là.
Charlotte Huber ne perd pas espoir qu’un jour la prospection par imagerie soit accessible. Si les drones ont été abandonnés, « des caméras embarquées sur enjambeur donnent de meilleurs résultats. Par contre, le matériel est très onéreux », et les drones auraient justement permis de mutualiser sur de larges surfaces.

Dix ans après, Qanopée bientôt lancé

Dans la continuité, le troisième thème du jour était sur un autre aspect du matériel végétal : l’adaptation au changement climatique. Le président de la CAVB et vigneron à Meursault, Thiébault Huber, indiquait que l’ODG s’est lancée dans l’expérimentation de plusieurs cépages. Des réflexions qui sont également à l’ordre du jour du côté du syndicat des bourgognes et de l’UPVM pour les Mâcon. Mâcon étant également dans l’étude d’agroforesterie pour savoir comment l’intégrer peut-être dans son cahier des charges.
Mais le principal volet pour adapter la Bourgogne au changement climatique reste la sélection du matériel végétal. Dix ans après le projet avorté à Ciel (dans les anciens locaux D’Aucy), la CAVB mise surtout sur le projet Qanopée. Découlant de Défigreff, il s’agit d’une serre bioclimatique pour la prémultiplication des plants « en pots » de vigne « certifiés par l’IFV ». Le projet n’est pas que bourguignon, il intègre le Beaujolais, la Champagne et peut-être bientôt le Jura. L’Alsace s’est retirée. Thiébault Huber ne cachait pas en effet que « l’ampleur financière est importante » malgré la dotation du terrain « sur la Côte des blancs à Oger » en Champagne. L’analyse des derniers devis ainsi que la décision sont prévus ce 17 novembre. Une enveloppe Feader apporterait 5 millions d’€ sur les 8 M€ devisés. Qanopée doit permettre dès 2025 « de sortir des plants et des porte-greffes adaptés » aux climats futurs. Il s’agira là de sélection clonale. Plantée à moitié en massale, la Bourgogne n’en délaissera pas pour autant cette autre voie de sélection vigneronne, rassurait la CAVB qui entend « protéger » ses précieux cépages.

Douanes : Vérifier vos surfaces plantées

Le dernier sujet était sensible puisqu’il s’agissait des contrôles douaniers sur les contours de vigne, « par définition peu précis », alertait Mélanie Grandguillaume. La juriste de la CAVB rappelant la législation qui « part au ras des souches » pour calculer les surfaces réellement en production, c’est-à-dire aussi sans les talus, fossés, haies, arbres… Un sacré puzzle donc pour les vignerons qui sont invités à vérifier leurs surfaces en production en utilisant dans un premier temps le site web de Geoportail (IGN). Reconnaissant que cela reste encore trop imprécis, Armelle Gautheron, des Douanes justement, ne parlait pas de « moratoire » mais plutôt de la mise en place d’un temps « d’adaptation à la réglementation pour l’appliquer et se mettre en conformité ». « Si vous avez des doutes, il ne faut pas avoir peur même si notre travail est d’aller sur le terrain pour faire un dossier prouvant votre bonne foi », indiquait-elle, avant d’inviter à régulariser au plus vite ces contours de vigne pouvant mesurer entre cinq et sept mètres parfois, selon le matériel qui tourne sur la parcelle.