Assises de la Fédération nationale des producteurs de lait
La rémunération au cœur des débats

Entouré d’un conseil d’administration rajeuni, Thierry Roquefeuil a souhaité donner une nouvelle impulsion aux réunions annuelles des producteurs laitiers. Désormais, ces « assises » seront l’occasion de concertations en ateliers pour mieux faire remonter les préoccupations du terrain et les enjeux de la filière. Pour cette première édition, qui s’est tenue les 1er et 2 décembre aux Sables d’Olonne, le fil conducteur des débats a été la rémunération des producteurs.

La rémunération au cœur des débats

« C’est par le prix du lait que nous conserverons des producteurs », a déclaré Thierry Roquefeuil, « Les charges mais aussi des prix trop bas grèvent la compétitivité. Or le prix du lait est le même qu’il y a vingt ans et les charges ont été multipliées par deux ». C’est dans cette conjoncture difficile que la filière va devoir s’adapter aux nouvelles règles de la Pac. Sophie Hélaine, chargée de l’évaluation des politiques à la Direction générale de l’agriculture de la Commission européenne (DG Agri), a rappelé les principaux objectifs du programme Farm to Fork, "de la Ferme à la Fourchette" : réduction de moitié des antibiotiques et des pesticides, réserver un dixième des terres à la biodiversité, atteindre 25 % de production bio. Malgré les résultats encourageants réalisés depuis 2012 en matière de baisses des intrants et des émissions de gaz à effet de serre (GES), les efforts doivent se poursuivre. Il faudra aussi, a-t-elle ajouté, « améliorer le bien-être animal, garantir des prix abordables aux consommateurs, intégrer des critères de durabilité dans les cahiers des charges des AOP ». Un véritable tour de force qui s’accompagnera « d’un soutien au revenu car la rémunération des agriculteurs doit être plus équitable ».

Convaincue qu’il existe encore des marges de progrès, la DG Agri pense qu’il est possible de produire plus avec moins d’intrants. Face aux questions sur la baisse de production et la perte de souveraineté alimentaire Sophie Hélaine a tenu à rassurer : « Notre ambition n’est pas la décroissance ». Même si, pour lutter contre le réchauffement climatique, « il faudra réduire la consommation avant de réduire le cheptel ».

Les prévisions présentées par Benoît Rouyer du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel), sur la France laitière à l’horizon 2030, sont moins optimistes. Le constat déjà : depuis 2015, date de la fin des quotas laitiers, la collecte a baissé de 3 %. La moitié des éleveurs ont plus de 50 ans. La filière est particulièrement concernée par le renouvellement des générations en raison des contraintes du travail et des aspirations des jeunes candidats à l’installation.

« Innover pour faciliter l’installation »

Des différents scénarii présentés, l’un envisage un « délitement progressif » avec une demande en baisse, une chute de production de 20 % en dix ans et un délaissement de l’élevage. Les autres prévoient une réduction des points de collecte, un agrandissement des exploitations et un développement du salariat.

Pour maintenir une activité laitière dans les zones rurales, il est impératif, selon Benoît Rouyer, « d’innover pour faciliter l’installation, en partageant le foncier, en adaptant les Gaec. Nécessité aussi de bâtir des synergies avec la filière végétale, pour produire du soja et des protéagineux localement ».

Les différents ateliers constitués pendant ces assises ont fait une série de propositions pour regagner de la valeur.

– Renforcement du rôle des producteurs dans les négociations commerciales ÉGAlim, d’où la nécessité pour les éleveurs de se former à l’environnement économique.

- Multiplier les marques de producteurs à l’image de « Juste et Vendéen » qui fournit un « lait de territoire » mieux valorisé.

- Attirer des jeunes pour assurer le maintien de l’élevage laitier dans les zones rurales. Pour cela promouvoir ce métier « d’homme et d’honneur » dans les lycées et les écoles.

- Faciliter les entrées et sorties de Gaec. Ouvrir les comptes et le cœur des exploitations pour faire une place aux jeunes.

- Séparer les services indirects, comme le carbone capté, l’entretien des haies, du prix du lait.

- Recenser tous ces services et mieux le faire connaître aux élus politiques.

Le consommateur comme un allié

Sur les enjeux climatiques, alors que la filière lait a été à l’avant-garde du stockage du carbone avec la mise en place du programme « France Carbone Agri » sous l’impulsion de Marie-Thérèse Bonneau, qui a quitté le bureau de la FNPL, les efforts se poursuivent, notamment sur l’alimentation et les effectifs du troupeau pour réduire les GES. De plus, la FNPL souhaite mieux valoriser la viande en renforçant la contractualisation, en développant des ateliers d’engraissement. Elle entend aussi considérer le consommateur comme un allié. L’élevage laitier a une bonne image mais il faut mieux expliquer son rôle dans les enjeux climatiques et valoriser les bienfaits des produits laitiers pour la santé. Enfin, pour renforcer la liberté d’entreprendre, les éleveurs préconisent de renforcer la « transversalité » des organisations de producteurs. Ces dernières doivent s’occuper de la gestion des volumes et devenir propriétaire des tanks à lait. Les producteurs demandent aussi la levée de l’apport total aux organisations de producteurs. Ces propositions constituent des pistes de travail de la filière pour les trois ans à venir.

Témoignage de Stéphane Convert, président de la section laitière de la FDSEA 71

Pourquoi avez-vous fait le déplacement aux assises du lait ?
Stéphane Convert : J’ai tenu à ce que la Saône-et-Loire soit représentée à ces assises pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nous sommes à jour de nos cotisations nationales FNPL, nous avons donc un représentant de la Bourgogne en la personne de Samuel Bulot (éleveur en Côte-d’Or), il me semblait donc important que la Saône-et-Loire participe aux débats.
Ensuite, nous n’avons jamais vu autant de changements, que ce soient politiques, économiques, sociétaux et environnementaux, et de discussions autour de l’avenir de l’agriculture et notamment de la production laitière. La loi ÉGAlim 2 doit également nous permettre de mieux répercuter nos coûts de production (soit 405 euros des 1.000 litres en zone de plaine) sur les volumes de lait commercialisés en France. Ces assises étaient donc l’occasion de s’informer sur les solutions qui existent pour qu’un maximum de producteurs puissent voir leur revenu augmenter. L’occasion également d’échanger avec des éleveurs venus de toute la France.
Ces assises du lait nous ont permis d’intervenir dans les débats et de porter nos demandes au niveau national, car c’est au Cniel que les décisions se prennent pour se décliner ensuite en région.
L’occasion également pour moi de saluer le travail de la FNPL pour défendre l’avenir de la production laitière, en particulier à travers le plan de filière France Terre de lait soutenu par l’interprofession.