Accès au contenu
AOC Bourgogne et AOC Beaujolais

Bourgogne-Beaujolais : « On respecte la décision du Conseil d’État »

Olivier Bosse-Platière, président de l’Association des producteurs de bourgogne en Beaujolais (APBB), a réagi à l’annonce de la décision du Conseil d’État de rejeter le recours de l’association. Interview.

Par Publié par Cédric Michelin
Bourgogne-Beaujolais : « On respecte la décision du Conseil d’État »

Le 9 janvier 2018, l’APBB avait demandé l’annulation, par un recours au Conseil d’État, de l’arrêté du 30 octobre 2017 qui homologuait le nouveau cahier des charges modifié de l’AOC bourgogne. Pouvez-vous rappeler les raisons de cette requête ?
Olivier Bosse-Platière : Depuis 2014, et la décision du Conseil d’État, il y avait une divergence d’interprétation de la décision entre l’Inao et l’APBB. Nous savions que la délimitation était annulée et avec elle, l’ensemble des dispositions contraignantes pour les viticulteurs du Rhône. Mais qu’en était-il pour les crus du Beaujolais qui se repliaient en bourgogne rouge ? Le cahier des charges de 2011 prévoyait pour les crus un repli en bourgogne gamay et non plus en bourgogne rouge. Jusqu’à 2017, aucun texte ne formulait ce qui était possible de faire ou pas. Le cahier des charges n’avait pas été réécrit depuis 2014, donc nous avions une interprétation différente et nous ne savions pas nous positionner. Lors de la rédaction du cahier des charges de 2017, l’Inao a dû prendre en compte la décision du Conseil d’État et écrire la lecture qu’ils en avaient. On s’est appuyé sur le nouveau cahier des charges pour faire un recours et demander l’annulation des dispositions prises pour les crus du Beaujolais.


Votre requête au Conseil d’État a finalement été rejetée le 27 décembre. Quelle est votre réaction ?
O. B-P. : On pensait que nos arguments étaient fondés mais le Conseil d’État a suivi les recommandations du rapporteur public et a donné raison à l’Inao. C’est une forte déception parce qu’historiquement, depuis 1937, les crus ont replié des volumes importants en bourgogne rouge. Ils ont participé à la valorisation et l’amélioration qualitative des bourgognes rouges, tout en approvisionnant le marché. Autrefois, lors des années où les replis étaient très importants, cela représentait jusqu’à 25.000 voire 30.000 hl.


Suite à cette décision du Conseil d’État, quelles sont les conséquences pour les producteurs du Rhône ?
O. B-P. : Avant, on pouvait faire un bourgogne rouge 100 % gamay. Mais le texte actuel n’autorise que 30 % de bourgogne gamay dans un bourgogne rouge et 15 % de bourgogne gamay dans un bourgogne rouge pinot noir. Cette décision fera date, en ce qu’elle ferme désormais, la possibilité de faire un Bourgogne rouge uniquement avec des crus du Beaujolais. La lecture est claire pour l’avenir. Désormais, si un producteur envisage donc un repli, c’est uniquement en bourgogne gamay. Depuis 2011, ce marché s’est peu développé et reste confidentiel. On pense que c’est préjudiciable pour les crus du Beaujolais qui ont perdu un débouché qu’ils avaient à travers l’appellation bourgogne rouge. Les crus sont pour nous des appellations communales de bourgogne et c’est dommage pour elles de perdre ce droit qu’elles avaient historiquement.

« Aucun moyen de contester cette décision »

Maintenant que la décision a été rendue, que comptez-vous faire au sein de l’APBB ?
O. B-P. : La décision s’impose à tout le monde et on la respecte, de la même manière que si elle avait été favorable. Elle est irréversible et nous n’avons plus aucun moyen de la contester, ni la possibilité d’engager d’autres procédures. Et on imagine difficilement l’ODG bourgogne revenir en arrière. Pour rappel, il n’y a pas de lien direct entre cette décision défavorable et le travail de délimitation en cours que conduit l’Inao et qui doit permettre de définir la liste des communes du Beaujolais ayant le droit de produire les appellation bourgognes blanc et bourgogne rouge pinot noir.


Justement, l’Inao poursuit ce travail de délimitation de l’aire géographique de l’appellation Bourgogne sur le territoire de la Grande Bourgogne. Pouvez-vous en rappeler les différentes étapes ?
O. B-P. : Le travail de délimitation passe par trois étapes successives. La première consiste à valider les principes généraux de la délimitation, ce qui a été fait en novembre 2017. La commission des experts qui a conduit ce travail a démontré l’historique des liens qui unissaient le Beaujolais au bassin bourguignon et la légitimité que nous avons à produire les appellations bourgognes. La deuxième étape consiste, à l’aide de critères, à lister l’ensemble des communes qui pourront, demain, prétendre aux appellations bourgognes. Enfin, la troisième étape vise à définir des critères techniques qui permettent de déterminer les parcelles dans chacune des communes retenues.

Le 6 décembre, vous avez pu rencontrer la commission d’enquête de l’Inao, pour en savoir plus sur les critères de délimitation. Quels sont-ils et en êtes-vous satisfaits ?
O. B-P. : Ce travail se fait sur l’ensemble de la bourgogne viticole et pas uniquement pour le Rhône. Cela concerne 386 communes. Parmi les critères évoqués, les ingénieurs délimitation et la commission des experts croisent des critères techniques, de nature de sol, notamment substrat-calcaire, et des critères d’usage de revendication de l’AOC bourgogne sur la période 2010-2017. L’Inao ne délimitera qu’une seule aire géographique pour les appellations bourgogne blanc et bourgogne rouge. Ce travail est assez proche de ce que nous avons réclamé depuis le début, c’est-à-dire un traitement du Beaujolais qui soit à l’identique des autres sous-régions de la bourgogne viticole.

Quid des futures communes retenues ?
O. B-P. : On n’a pas encore connaissance avec précision de la liste des communes retenues. Il y aura certainement des cas particuliers à défendre. Mais ce travail a créé un émoi dans une partie de la bourgogne car des zones comme Chablis, le Châtillonnais et le Grand Dijon pourraient être exclues sur la base des critères d’usage. C’est pour eux difficilement compréhensible, il serait souhaitable que l’Inao puisse réintégrer ces zones historiques. À ce jour, nous savons que le conseil d’administration de l’ODG bourgogne a porté un avis défavorable au travail de la commission d’enquête et nous ne savons pas si ce travail sera présenté au comité national Inao en février 2020 comme prévu. L’APBB reste mobilisée sur le dossier pour lequel nous avons deux messages de fond à faire passer. On ne peut pas utiliser la délimitation pour gérer le potentiel de production et les plantations à venir. La délimitation doit se faire en fonction du potentiel de nos terroirs et pas en fonction des marchés actuels. Ensuite, les adhérents de l’APBB sont très fiers d’être des viticulteurs du Beaujolais et de produire des appellations beaujolaises. C’est parce que l’on considère que le Beaujolais est un vignoble de la Bourgogne viticole que l’on est aussi légitime à produire des appellations régionales de Bourgogne. Il ne s’agit pas renier notre identité beaujolaise mais de trouver notre place au sein de l’identité bourguignonne.


Nous avons l’impression qu’un rapport de force s’installe autour de ce dossier. Partagez-vous cette idée, alors que l’on parle de complémentarité entre le Beaujolais et la Bourgogne ?
O. B-P. : Ce n’est pas normal que l’ODG bourgogne ait une attitude aussi discriminante vis-à-vis des viticulteurs du Rhône car nous partageons la même ODG et nous y versons nos cotisations. Plutôt que de parler de rapport de force, on peut évoquer un jeu d’influence. Cependant, l’APBB n’est pas l’interlocuteur officiel de l’Inao, ni de la commission d’enquête. Certes, le dossier nous a été présentés mais nous n’avons aucun moyen d’influence. Pour autant, l’APBB est prise au sérieux car la commission d’enquête a reçu notre association. On défend le dossier délimitation du mieux que possible avec les moyens qui sont les nôtres. Nous avons besoin d’une viticulture beaujolaise unie et qui parle d’une seule voix.
Propos recueillis par David Duvernay