Biotechnologies végétales
Le vide juridique bloque

Publié par Cédric Michelin
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Fait indéniable, l’émergence de nouveaux outils de sélection variétale est en train de révolutionner la recherche agronomique. L’arrivée sur le marché de la méthode Crispr/cas9, il y a déjà près de quatre ans, symbolise ce changement. L’Union européenne, bousculée par cette croissance exponentielle, continue de s’interroger sur la bonne législation à appliquer. Chercheurs et semenciers s’impatientent.
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Le flou sur le sujet reste entier. L’Union européenne n’arrive toujours pas à prendre de décision claire concernant l’interprétation à donner de la directive 2001/18 (régissant les OGM), relative aux plantes issues des nouvelles biotechnologies végétales (NBT). Côté semenciers et scientifiques du Vieux continent, le temps est compté car les innovations se multiplient à vitesse grand V de par le monde, aux Etats-Unis et en Chine principalement. La compétitivité des entreprises européennes est sérieusement mise à mal et risque de l’être davantage. Une centaine de publications ont déjà vu le jour. « La France, quant à elle, peine », déclare Alain Deshayes, président de l’Association française des biotechnologies végétales (AFBV) à l’occasion d’une conférence, le mardi 27 septembre.

La nécessité de nourrir la planète est l’argument traditionnel généralement avancé par les « pro-NBT », mais des gains de temps considérables dans la création des variétés pourraient également être permis. Les scientifiques, favorables au développement de ces techniques, expliquent que la lutte contre les maladies serait plus efficace, de même que la préservation de l’environnement ou l’adaptabilité face au changement climatique. En France, pour le moment, les variétés créées par ces technologies ne sortent pas des laboratoires parce que « le problème se pose une fois sorties », souligne le représentant de l’AFBV. Contrairement à la France, l’Allemagne et la Suède ont choisi d’autoriser un certain nombre d’expérimentations permises par la directive 2001/18.

Développement fulgurant



La propagation des NBT est exponentielle. En parallèle, leur coût connaît une chute colossale. En l’espace de cinq ans, le prix est passé d’environ 300.000 euros à une vingtaine d’euros seulement pour un outil de type « Crispr ». Les représentants de l’AFBV préviennent déjà que si ces techniques passent sous la réglementation OGM, la recherche européenne se délocalisera. Aux Etats-Unis, le ministère de l’Agriculture aurait, d’ores et déjà, autorisé plus d’une quarantaine de variétés issues de ces procédés. D’ici 2020, la plupart seront commercialisées. En plus du retard scientifique, les « pro-NBT » rappellent qu’un dossier OGM coûte près de 30 millions de dollars, un seuil trop élevé pour les petits sélectionneurs. Les représentants de l’AFBV demandent à ce que l’Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments (EFSA) se charge du dossier. « Il faut que la recherche publique puisse avoir accès à ces techniques. Sinon ce seront 4 ou 5 entreprises mondiales seulement qui s’en chargeront. Or, pour répondre à tous ces défis c’est impossible », analyse Philippe Dumont, membre de l’AFBV.

Des risques peut-être mais pas encore quantifiables



Si ces nouvelles techniques permettent d’entrevoir des avancées considérables sur le vivant, rien ou peu de choses, quant aux risques, sont évaluables à l’heure actuelle. Quid de la fréquence des mutations ? Celles-ci font clairement parties intégrantes du monde depuis sa création, mais surviendront-elles de manière plus récurrente par l’utilisation de ces procédés ? Les effets hors cible constituent, également, une autre zone d’ombre. Ces effets correspondent aux impacts indirects non souhaités par ces méthodes, mais qui surviennent lors des différentes étapes de manipulation. « En tant que scientifique et expert, intéressons-nous plutôt aux caractères qu’on travaille, plutôt qu’à la technique utilisée », indique Fabien Nogué, directeur de recherche à l’Inra. Une philosophie largement dominante au Canada.