Des agriculteurs conquis par les algorithmes et outils d’aide à la décision
En France, environ 18 % des exploitations agricoles utilisent déjà des solutions basées sur l’intelligence artificielle (IA). Ce chiffre pourrait même doubler d’ici 2030 grâce aux subventions et à l’essor de l’agriculture connectée. Sur le terrain, les producteurs qui ont déjà saisi ce tournant technologique, semblent satisfaits.

Guillaume Greter représente les producteurs de raisins de table à la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF). Installé au pied du mont Ventoux, dans le Vaucluse, l’arboriculteur, qui cultive également du vin, utilise des sondes tensiométriques, afin de ne pas surconsommer d’eau dans ses vergers.
Des sondes pour favoriser l’économie d’eau
« Les sondes sont connectées à des stations météo et à une application mobile capable de réfléchir sur 7 jours et de déclencher une irrigation lorsqu’elle est nécessaire, explique-t-il. J’ai 30 ans, et lorsque j’étais à l’école, on prenait pour des fous tous ceux qui s’intéressaient à ces sondes. » Leur déploiement à l’échelle de plusieurs producteurs d’une même coopérative a pourtant permis de négocier un coût plus que rentable. « Nous avons accès aux capteurs des uns et des autres. Nous pouvons savoir quand un orage arrive et adapter ainsi nos traitements et nos passages dans les vergers », déclare-t-il. Afin d’aller encore plus loin dans sa démarche, le jeune producteur souhaiterait que des pulvérisateurs plus précis émergent progressivement. L’idée ? Que ces outils se déclenchent plus précisément lors de la détection des symptômes d’une maladie.
Un simulateur d'assolement personnalisé
En Haute-Garonne, Sébastien Albouy a fait de l’intelligence artificielle (IA) une force, mais également son métier. En 2019, ce producteur de céréales et éleveur de vaches laitières a lancé Assolia, une start-up dédiée à la personnalisation de son assolement. « J’avais initialement créé un tableur Excel sur lequel je rentrais les cultures que j’intégrais à mon assolement, le volume d’eau nécessaire, leurs rendements et leurs besoins en intrants et en produits phytosanitaires, afin de trouver comment rallonger mes rotations, détaille-t-il. Mes associés m’ont incité à participer à un hackathon qui se tenait dans le Gers, que nous avons remporté. » Avec les 3 000 € de soutien obtenus, l’agriculteur a pu développer son idée, jusqu’à ce que des salariés et des développeurs le rejoignent en 2023, à la suite d’une levée de fonds. Concrètement, le logiciel récupère les données de Telepac, transmises par les agriculteurs via un contrat de confidentialité. « L’algorithme explore ensuite les millions de décisions possibles, afin de sélectionner les meilleures en fonction du rendement, des marges, du volume d’eau et d’irrigabilité, du prix d’achat et de vente, ou encore des contraintes telles que la gestion des adventices et même du respect des contraintes PAC… Il ne s’agit donc pas d’une IA qui apprend d’elle-même, mais qui explore des solutions grâce à des calculs. Le potentiel est énorme, mais il est encore difficile d’avoir les rapidités que le secteur industriel possède déjà », relate l’entrepreneur, le sourire aux lèvres. Il faut dire les services proposés par Assolia sont dorénavant distribués par une dizaine de structures et touchent 1 000 agriculteurs intéressés par cet outil d’aide à la décision. À commencer par son co-fondateur lui-même, qui a décidé d’intégrer plus de soja et de maïs sec non irrigué à son assolement après avoir consulté l’algorithme du logiciel à plusieurs reprises.
Léa Rochon
