La FNPF, fer de lance d’une production fruitière française plus compétitive
À l'occasion de son congrès, qui s’est tenu les 13 et 14 février dans le Rhône, la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) est revenue sur ses principales revendications : pesticides, emballages et plan de souveraineté.

Cette année, les producteurs de fruits n’ont pas eu l’honneur d’accueillir une visite ministérielle lors de leur congrès annuel. Mais l’envoi d’une vidéo montrant la ministre Annie Genevard exprimer son soutien à la filière aura suffi à faire décrocher quelques sourires. « Les dérogations pour l’arboriculture représentent environ la moitié des 120 dérogations annuelles que nous délivrons […] Je ne peux tolérer que la France prive ses agriculteurs des moyens de protection des cultures que nos voisins européens, dont nous partageons le même marché et le même destin, permettent l’usage à leurs propres producteurs », a-t-elle rappelé, en référence au texte réglementaire qui permet de mettre en marché des produits phytopharmaceutiques pour les situations d'urgence phytosanitaire.
En faveur d’une réhomologation de l'acétamipride
Par la voix de la présidente Françoise Roch et du secrétaire général Luc Barbier, la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) s'est félicitée de la récente suspension du non-renouvellement de l'herbicide Pledge. L’occasion de répéter la demande de réhomologation de l'acétamipride, pour lequel le Sénat a ouvert une possibilité d'usage dérogatoire dans le cadre de la proposition de loi Duplomb visant à « libérer la production agricole des entraves normatives », qui doit encore faire l’objet d’un compromis entre les députés et les sénateurs en commission mixte paritaire lors des prochaines semaines. Autorisé dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, cet insecticide est interdit en France en vertu de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ce texte proscrit l’usage de toutes les matières actives de la famille des néonicotinoïdes, quel que soit leur profil toxicologique.
Maintenir les subventions du plan de souveraineté
Ce 78e congrès a permis d’aborder d’autres sujets de tension. Les élus de la FNPF ont appelé à la vigilance sur le feuilleton politique de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire. Selon eux, son volet dédié à l’emballage et à l’interdiction progressive du plastique à usage unique a déjà fait perdre « 40 à 60 % des ventes sur certains produits » en fruits et légumes, alors que le décret d’application a été annulé par le Conseil d’État le 8 novembre. Producteur de cerises et président du conseil spécialisé de FranceAgriMer « fruits et légumes », Aurélien Soubeyrand a rappelé l’importance du lobbying, afin de maintenir les enveloppes promises dans le plan de souveraineté fruits et légumes. Gage de reconquête d’une autonomie de production, ce plan comporte un budget de 24 millions d’euros (M€) dédié à la rénovation des vergers, contre 4 M€ auparavant, mais également de nouveaux guichets comme celui des agroéquipements, sans réponse claire à date. Une table ronde a également mis en lumière la lutte contre la fraude à l’origine en étroite collaboration avec Interfel.
Léa Rochon (Apasec) et Florence Rabut (Agrapresse)

Françoise Roch (FNPF) : « Nous avons besoin d’un État partenaire et facilitateur »

Afin de clôturer ce congrès, quel message souhaitez-vous faire passer à l’État français ?
Françoise Roch : « Il faut qu’il soit avec nous, producteurs, et assume les décisions qu’il prend. Tandis qu’il adopte et impose des décisions politiques, comme la loi Agec ou encore la sortie des produits phytosanitaires, les producteurs sont laissés seuls sur leur territoire, sans solutions. L’État veut-il encore de nous ? Si oui, à quoi devons-nous ressembler ? Et quels systèmes devons-nous mettre en place pour y arriver ? Les aides physiques aux producteurs ont été énormément dégradées dans les années quatre-vingt. La lutte intégrée s’est améliorée avec la connaissance des auxiliaires et le piégeage aux phéromones, mais les réunions en bout de champ ont disparu, ce qui a éloigné la recherche des producteurs. Parallèlement, de nombreux moyens ont été supprimés aux instituts techniques et il a été demandé aux producteurs de payer la recherche et le développement. Or, les arboriculteurs ne sont pas une multinationale et ne peuvent pas tout gérer seul. Une partie doit incomber à l’État, surtout lorsque ce dernier exerce de fortes contraintes sur le secteur agricole. »
Dans ce contexte, comment le marché de l’export se comporte-t-il ?
F. R. : « La France est contraignante concernant les normes environnementales. D’autres pays européens ne rencontrent pas ces problèmes, alors que nous faisons partie du même système économique. Quand l’État nous met des poids aux pieds, nous ne pouvons pas courir aussi vite que les concurrents. Récemment, la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) m’a appelé afin de savoir pourquoi nous perdions des parts de marché à l’export, alors que nous expliquons chaque jour qu’à vouloir laver plus blanc que blanc, nous avons déjà perdu 45 % du verger français. Certains affirment que le Maroc et l’Espagne ne vont plus produire, car ils n’auront plus d’eau. En réalité, les institutions étatiques sont aux côtés des producteurs et cherchent des solutions. C’est de ça dont nous avons besoin, et c’est ce que nous ressentons avec certains sénateurs, députés, mais également avec l’actuelle ministre de l’Agriculture. Il est essentiel de nous redonner des moyens de production, afin que les futures générations aient envie de rejoindre notre belle filière. »
Quel regard portez-vous sur la proposition de loi du sénateur Laurent Duplomb (Les Républicains) ?
F. R. : « Nous ne pourrons pas nous battre molécule par molécule, c’est là que la proposition de loi Duplomb fait sens. Elle demande que le politique devienne l’arbitre entre les bénéfices et les risques concernant l’interdiction des substances, plutôt que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui devrait seulement donner ses préconisations. Nous avons besoin d’un État partenaire et facilitateur. »
Propos recueillis par Léa Rochon