La filière végétale, entre espoir et interrogations
Le 14 février dernier, le 78e congrès de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) a accueilli plusieurs acteurs de la filière, afin d’échanger autour de l’usage de l’intelligence artificielle en arboriculture.

L’avènement de l’intelligence artificielle (IA) au sein du secteur agricole est bien souvent présenté comme synonyme d’innovation et de durabilité. L’agriculture connectée, qui intègre des outils comme les drones, les capteurs connectés et les plateformes de gestion des données, est en plein essor. À tel point qu’en 2023, le marché mondial de l’agriculture de précision, largement soutenu par l’IA, a été estimé à 10,1 milliards de dollars, avec une croissance annuelle prévue de 13 % jusqu’en 2028*. En France, ce sujet est pourtant loin de faire l’unanimité. Raison pour laquelle la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) a dédié une partie de son congrès à la question suivante : l’IA constitue-t-elle une réelle opportunité pour la filière végétale ?
L'utilisation des données
Sur l’estrade, Romain Faroux, directeur des opérations de la Ferme Digitale, a vanté l’utilisation des capteurs météorologiques et des sondes tensiométriques. « Plus nous aurons de mesures et de données, plus nous pourrons simuler des conditions hydriques et météorologiques ; l’objectif étant d’enrichir les modèles et de ne plus cumuler autant de stations physiques sur le terrain. » S’emparer de l’IA comme d’un outil, sans en avoir peur, tel est le mantra du jeune entrepreneur et fils d’agriculteur. Un discours auquel adhère Anthony Oboussier, producteur de fruits à Alixan, dans la Drôme. « Les sondes connectées me permettent de gagner du temps, puisque je peux connaître la teneur en eau de mon sol directement sur une application et gérer plus précisément mes irrigations. Depuis 2018, je ne sais plus m’en passer, et comme nous sommes de plus en plus nombreux à les utiliser, le coût est devenu intéressant. » Si l’aide à la décision est un atout majeur, la question des données collectées et de leur propriété a occupé une grande partie du débat. « Il ne faudrait pas qu’elles atterrissent dans les mains de n’importe qui, ou qu’elles servent à des organismes de contrôle, qui desserviraient les producteurs », a mis en garde l’arboriculteur. Une nuance également apportée par Luc Barbier, secrétaire général de la FNPF. « L’IA bien utilisée par les producteurs afin de ramener de la valeur ne me pose aucun problème, mais elle n’est pas à envisager dans le cas où des distributeurs pourraient récupérer les informations avant même que le producteur ne démarre la récolte… Si son utilisation fait baisser les prix et perdre de la valeur à la production, cela ne sert à rien », a-t-il affirmé, avant d’alerter sur « le loup » des « start-up qui veulent fournir du matériel gratuitement, sans même accepter de signer un contrat de confidentialité ». Un point aura néanmoins fini par faire l’unanimité : le besoin de formation à ces nouveaux outils et une meilleure prise en charge financière par le biais de subventions, comme le plan national souveraineté fruits. À noter qu’en Auvergne-Rhône-Alpes, le plan filière fruits a déjà permis d’aider financièrement des producteurs à hauteur de 50 % de l’investissement réalisé. Du côté de la recherche, la nouvelle directrice du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) Delphine Tailliez, a affirmé que les équipes avaient participé à plusieurs formations dédiées à l’IA et à ses enjeux.
Léa Rochon
* Markets and Markets (éditeur d'études de marchés)
