Jérôme Beauchamp à Chambilly
Faire en sorte d’être mieux armé contre le changement climatique

Marc Labille
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Depuis son installation en 2016, Jérôme Beauchamp a fait prendre un grand virage à son exploitation familiale. Gain de productivité, autonomie alimentaire et valorisation des surfaces ont abouti à un système qui devrait être plus résilient face au changement climatique. 

Faire en sorte d’être mieux armé contre le changement climatique
Désormais, Jérôme Beauchamp engraisse tous les animaux qui naissent sur son exploitation.

Jérôme Beauchamp s’est installé en 2016 sur l’exploitation familiale à Chambilly où il s’est associé avec son père Guy en retraite depuis le 1er janvier dernier. Du temps de ses parents, la ferme couvrait 160 hectares conduits suivant un système herbager extensif assez classique, avec de l’ensilage d’herbe de fauche tardive, des animaux très soignés, pour des ventes de broutards et de reproducteurs, décrit Jérôme. Marqué par son BTS dans le Rhône et des stages auprès d’éleveurs qui l’ont beaucoup inspiré, Jérôme voulait à son installation revoir la conduite technique de la ferme familiale. Son projet était d’engraisser ses mâles en babys tout en cessant la sélection et la vente de reproducteurs. Un virage qui s’est accompagné par l’usage de taureaux choisis en station sur le lait et les valeurs maternelles. « Mes vaches sont plus petites que les vaches lourdes de mon père. Mais mes veaux naissent à 380 jours maxi d’intervalle vêlage/vêlage », confie le jeune éleveur.

Assolement diversifié

Pour accompagner ce changement d’orientation, Jérôme a complètement revu l’exploitation des terres de la ferme qui couvre désormais 221 ha. « J’ai labouré tous les prés fauchables pour atteindre une surface de terres arables de 100 ha », présente-t-il. S’inspirant de ce que lui avait enseigné l’un de ses maîtres de stage, le jeune éleveur a mis au point une rotation basée sur la remise en culture de sept hectares de prairie chaque année. L’assolement comprend ainsi 24 hectares de maïs (dont 10 ha sont vendus sur pied) complété de 4 ha de betteraves fourragères. Suivent ensuite dans la rotation 21 ha de blé dont le grain est valorisé sous contrat et 21 ha de triticale. Puis Jérôme ressème de l’herbe ; soit du ray-grass six mois avant de semer du maïs ; soit un mélange de ray-grass hybride et de trèfle violet pour plusieurs années… Dans les deux cas, la prairie temporaire précède du maïs ou de la betterave fourragère. Pour se protéger des sécheresses, outre les betteraves connues pour être plus résistantes que le maïs, l’éleveur sème aussi du maïs précoce au mois d’avril. Entre le blé et le triticale, Jérôme a pris l’habitude de semer des couverts d’interculture en dérobées pour un pâturage fin septembre début octobre. L’an dernier, il est parvenu à faire pousser de la luzerne sur des terrains qui n’ont pourtant pas la réputation d’être favorables à cette légumineuse.

Fauche précoce et pâturage tournant

Grâce à cette conduite pointue de ses terres, Jérôme Beauchamp parvient à atteindre l’autonomie fourragère en remplissant un silo de 600 tonnes d’ensilage d’herbe à 15 points de matière azotée et 30 % de matière sèche. Cette récolte de qualité est fournie par 30 ha de fauche précoce de fin avril (800 degrés), fait valoir le jeune éleveur qui peut compter sur sa Cuma pour les chantiers de récolte.

L’autre levier d’autonomie herbagère est le pâturage tournant auquel la quasi-totalité de l’exploitation a été convertie en cinq ans. Outre le fait d’optimiser les stocks, le pâturage tournant permet, pour les veaux, d’atteindre des performances sans complémentation, fait valoir l’éleveur. Comme les broutards restent sur l’exploitation, il est possible de les sevrer « plus légers (à 360 kg), bien frais et pas brûlés », confie l’intéressé. Trois semaines avant le sevrage, ils reçoivent un aliment fermier fait de foin de luzerne, de céréales, de tourteau et de pulpe. Leur ration humide d’engraissement est composée d’ensilage de maïs (11 kg), d’ensilage d’herbe (11 kg), de betteraves (11 kg), triticale (1,5 kg), tourteaux (1,5 kg), paille (1 kg). La même ration mélangée est distribuée aux femelles en finition. Les vaches en lactation et les génisses d’élevage reçoivent quant à elles 28 kg d’ensilage d’herbe, 10 kg d’ensilage de maïs, 10 kg de betteraves, 3 kg de paille.

Betteraves fourragères

L’introduction de la betterave dans les rations est un héritage de l’engagement de Jérôme aux JA de Saône-et-Loire. C’est en effet au sein des JA qu’il a fait la connaissance de deux autres jeunes agriculteurs avec lesquels il s’est lancé dans la culture de betteraves fourragère. Ils sont aujourd’hui cinq à détenir en commun tout le matériel de culture et de récolte acheté d’occasion. « C’est une culture très pointue », reconnaît le jeune éleveur qui informe que les semis (fin mars) et les récoltes (fin octobre) se superposent à d’autres travaux de la ferme. Mais « la betterave sécurise les rations des animaux. Riche en énergie quel que soit son rendement, elle fait toujours 1,2 UF par kilo de matière sèche », souligne Jérôme qui poursuit : « avec les betteraves, 60 vaches mises à la reproduction sans concentré ont toutes été inséminées en 60 jours ! ».

Pas plus de 150 kg de concentrés par jour

Alors que son père misait sur « des grosses performances en soignant beaucoup », Jérôme profite de la valeur des fourrages de fauches précoces pour limiter les achats de concentrés. « Il faut du temps pour trouver le juste milieu entre performance et rentabilité économique », commente le jeune éleveur qui a fait le choix de limiter les concentrés à 150 kg par jour. Quitte « à se détacher de l’optimum préconisé dans le calcul de ration », précise-t-il avant de compléter : « ceux qui profitent sont ceux qui optimisent le mieux l’alimentation ». Aujourd’hui, la ration journalière des babys est de 1,55 € pour un GMQ de 1,5 kg, indique l’éleveur.

Avec sa nouvelle gestion fourragère, Jérôme Beauchamp dispose d’un silo d’avance en été. En année normale, il n’a besoin d’acheter que 60 tonnes de tourteau pour les bovins. « Cette nouvelle approche devrait aider l’exploitation à être plus résiliente face au changement climatique », conclut-il.

Deux périodes de vêlages distinctes

Le troupeau de 140 vaches est aujourd’hui conduit en deux périodes de mise aux taureaux de 70 jours chacune. Il en résulte deux périodes de vêlage distinctes de mi-septembre à mi-novembre et de mi-février à mi-avril. Cette conduite rigoureuse, accompagnée des cures de minéraux adéquates, contribue à optimiser les IVV, fait valoir Jérôme Beauchamp. Ces deux périodes de vêlage assurent un étalement des ventes. En cas de sécheresse estivale, cette double conduite permet aussi de sevrer précocement une partie des vaches, fait valoir l’éleveur.

En plus des bovins, Jérôme Beauchamp a conservé un atelier ovin qui compte aujourd’hui 160 brebis moitié charollaises, moitié grivette par Île-de-France.

 

Litière 100 % déchets verts

Pour abaisser la charge en paille, Jérôme Beauchamp avait contracté un partenariat avec une jeune agricultrice du Val de Saône. Dans le même temps, l’éleveur s’est mis à racler les couloirs bétonnés de ses stabulations chaque semaine. Cela lui a fait économiser un tiers de sa consommation de paille. L’exploitation a pour coutume de récupérer des déchets verts issus de la communauté de communes dont le stockage voisine la ferme. Avec ce matériau recyclé, Jérôme est parvenu à réaliser une litière 100 % déchets verts. Après un séchage en tas de deux mois, le matériau est épandu sous les stabulations à l’aide d’un épandeur tous les cinq jours sur une couche de 5 cm. L’opération est assez chronophage, reconnaît Jérôme qui compte six heures de travail tous les cinq jours, auxquelles il faut ajouter trois journées par an consacrées à rapatrier à la ferme les copeaux issus du broyage des déchets verts. Mais le matériau semble convenir aux bovins. L’incorporation de ces déchets verts libère de la paille pour l’alimentation des animaux, laquelle est indispensable avec de l’herbe de fauche précoce, souligne l’éleveur. Et ce sont 20 tonnes de compost qui sont ainsi fournies aux champs ! Une fertilisation conséquente qui contribue aux rendements, conclut Jérôme.

Toitures photovoltaïques

Les babys à l’engraissement sont logés sous un bâtiment spécifique à toiture photovoltaïque. L’agriculteur loue son toit à un producteur d’électricité solaire avec un bail emphytéotique, ce qui revient à financer intégralement le bâtiment.