Plateforme Agrilocal
Plus de bio et de local dans l'assiette des collégiens

Florence Bouville
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Le 28 février, l’association Bio Bourgogne, en partenariat avec le Département, a organisé une journée de rencontres sous le thème Vendre à la restauration collective. Ouverte à tous les producteurs intéressés, cette journée s’est déroulée au collège du bois des dames à Saint-Germain-du-Bois. Objectif visé : favoriser les échanges entre agriculteurs locaux et le cuisinier de l’établissement, dans le cadre de la promotion de la plateforme nationale et départementale Agrilocal.

Plus de bio et de local dans l'assiette des collégiens
Au centre, Nicolas Huguenot, cuisinier du collège du bois des dames à Saint-Germain-du-Bois, entouré de producteurs et de productrices.

Pour celles et ceux qui n’auraient encore jamais entendu parler de cet outil, Agrilocal 71 est une plateforme Internet de mise en relation directe entre des acheteurs de la restauration collective et des fournisseurs du territoire cherchant à développer leurs débouchés commerciaux. Il s’agit d’un dispositif gratuit respectant l’ensemble des règles imposées par le code des marchés publics.

Le matin, les agriculteurs et agricultrices présents ont suivi une formation pour se familiariser avec le fonctionnement et les exigences des débouchés en restauration collective. L’après-midi a été dédiée à la visite de la cantine, menée par le cuisinier de l’établissement, Nicolas Huguenot. Avec Hélène Boy, adjointe gestionnaire, ils forment un duo très complémentaire, soucieux de fournir une alimentation de qualité aux élèves. Cette démarche du "mieux manger" est bien sûr vivement soutenue par la principale du collège, Madame Le Vent. Le collège compte 318 élèves pour un total de 297 demi-pensionnaires, avec en plus 25 repas "adultes" (professeurs, administratifs…). Le midi, quatre services se succèdent, en fonction des niveaux. Il n’y a pas de restauration le mercredi, ce qui permet d’anticiper les repas de fin de semaine. Nicolas Huguenot exerce le métier de cuisinier en restauration collective depuis 23 ans. Il n’aime d’ailleurs pas qu’on l’appelle "chef", son métier, c’est "cuisinier". Dans sa cantine, il cuisine à « 80 % maison », avec 15 % de volume en bio. Vous l’aurez compris, Nicolas a le goût de la bonne cuisine. Il fait mariner lui-même les pignons de poulet, fabrique les brochettes… Tous les quinze jours, au menu, c’est poisson frais. Sa journée type démarre dès 6 h du matin pour s’occuper des livraisons, environ jusqu’à 7 h 30. La première concerne généralement les fruits et légumes. Inconvénient majeur, les livraisons n’ont lieu que deux jours par semaine : le mardi et le jeudi.

Un bouleversement des pratiques alimentaires

Les habitudes alimentaires, comme tout comportement social, ont fortement évolué depuis quelques décennies. C’est encore plus visible chez les adolescents. Les collégiens ne sont plus du tout habitués à manger certains types d’aliments, et plats traditionnels, qui requièrent un long temps de préparation. « Avant les élèves mangeaient de tout, les parents cuisinaient », déclare Nicolas. « Aujourd’hui, ils trouvent le poulet de Bresse trop ferme » ajoute-t-il. La part de viande de bœuf dans les menus a déjà été réduite, mais cela n’empêche pas d’en jeter une partie. Par exemple, la semaine précédant notre rencontre, Nicolas a dû jeter 33 kg de viande ; il avait préparé un bœuf aux olives. La viande est plus ou moins mangée en fonction de l’accompagnement. Nous assistons à une véritable « américanisation des comportements alimentaires », explique Nicolas. Dans ce contexte, il joue parfois avec la dénomination des plats. Il écrit par exemple "wings" pour les ailerons de poulet parce qu’il sait qu’il aura beaucoup plus de succès. Il a également du mal à faire aimer aux élèves le menu végétarien hebdomadaire, obligatoire dans le cadre de la loi ÉGAlim. Même en proposant des plats innovants et en utilisant des légumes frais, cela reste très compliqué à faire avaler aux élèves.

Des contraintes inhérentes à la cuisine en restauration collective

Nicolas souhaiterait avoir plus fréquemment des retours de la part des élèves, mais c’est difficile. L’effet de groupe est très présent. Il suffit qu’un élève du premier service critique le plat servi pour que, malheureusement, les autres suivent. « Il n’y a pas la reconnaissance, derrière, de cuisiner des bons produits », déplore Nicolas. Ajouté à cela, le cruel manque de moyens financiers pour avoir de nouveaux équipements et adapter les locaux aux exigences réglementaires. La salle de stockage n’étant pas très étendue, cela restreint fortement les possibilités. Le Plan de maîtrise sanitaire (PMS), initialement appliqué dans les hôpitaux, nécessite, en parallèle, beaucoup de démarches administratives. Ces dernières se dédoublent lorsqu’on rajoute des fournisseurs.

Tous les prix ont augmenté à cause de l’inflation. Cette année, le collège a eu beaucoup de difficultés à proposer un repas de Noël digne de ce nom. En moyenne, le coût d’un repas ne doit pas dépasser 2,31 € par élève. Dans la pratique, si, un midi, Nicolas cuisine un poisson noble à plus de dix euros le kilo, le jour qui suit le plat sera plus "simple". Tout est une question d’équilibre. Souvent, en anticipant les menus, l’équipe cuisine passe à côté de promotions intéressantes. Au sein de l’équipe, la répartition des tâches est la suivante : Nicolas s’occupe de toute la partie chaude, une collègue prend en charge les fromages et les desserts, une dernière sert les entrées. Dès qu’il y a une absence, cela impacte toute l’organisation.

Une philosophie partagée du "manger local"

Dans un rayon de 20 km, il y a de plus en plus d’agriculteurs qui s’installent. Christophe Roux, un des trois maraîchers présents, produit en bio et en agroforesterie. Depuis qu’il a arrêté la vente directe, il ne livre plus que des restaurateurs privés en recherche de local. Il se dit tout à fait prêt à travailler avec le collège et à livrer ses produits, comme des patates douces. Selon lui, « la restauration collective est un métier à part entière ». Ce serait donc une bonne manière de diversifier ses circuits de distribution et de « ne pas mettre tous les œufs dans le même panier ». Marie-Christelle Ducrot, quant à elle, produit de la farine et des pâtes. Les pâtes sèches constituent un produit intéressant, car elles peuvent facilement être stockées. Pour elle, il est important de passer un « message de sensibilisation auprès des jeunes consommateurs », c’est une véritable « philosophie ». Elle perçoit la restauration scolaire comme un débouché qui garantit des volumes, d’où cette double volonté de travailler avec la collectivité.

Nicolas Huguenot se fournit déjà en produits locaux, notamment pour le porc bio, qu’il achète à un Gaec à Pierre-de-Bresse. « Je suis ouvert à tout, d’autant plus ce qui satisfait le local » dit-il. Nicolas avoue ne pas être très à l’aise avec tout ce qui touche à l’informatique, ce qui retarde aujourd’hui son inscription sur la plateforme Agrilocal. C’est toujours plus agréable d’échanger ensuite par téléphone. Bio Bourgogne se charge de réaliser les diagnostics afin d’estimer les besoins annuels et les quantités désirées. L’objectif est d’augmenter le nombre de marchés en bon de commande, plutôt que de continuer seulement en grès à grès. De riches collaborations naîtront sûrement de cette rencontre. Affaire à suivre…

« Il y a de l’espoir »

Il n’y a aucun doute, Nicolas aime son métier. « Je fais le menu en fonction de mes envies », confie-t-il. Par peur « de tomber dans la routine » et d’ainsi perdre toute notion de créativité, il change les menus tous les ans. Il arrive que, le matin même, il ne sache pas encore comment il va cuisiner le poisson. Il inscrit d’ailleurs "poisson en sauce", pour laisser plus de place à l’improvisation. « On est avant tout là pour leur faire plaisir » et « souvent, il y a une prise de conscience et un impact plus tard, quand ils partent au lycée et après, autour de la vingtaine ». C’est donc un travail à mener sur le long terme, en éduquant aussi les parents. Les producteurs peuvent être force de proposition pour des recettes à base de leurs produits, et ainsi intensifier les échanges avec le ou les cuisiniers. Pour pallier le problème de l’équilibre carcasse et amoindrir les coûts sur l’année, il faudrait instaurer une meilleure planification avec les abattoirs du territoire.

De nombreuses actions sont déjà menées en faveur d’une alimentation vertueuse. Les déchets organiques sont depuis plusieurs années compostés sur site et le tri sélectif est, en parallèle, effectué. Le collège est passé d’une commande de 55 flûtes de pain il y a dix ans, à seulement 25 aujourd’hui. Des silos transparents permettent aux élèves de visualiser le pain qu’ils jettent, ensuite donné à des animaux. Une "table antigasti" est installée pour permettre aux élèves qui ne veulent pas de leurs produits fermés (type yaourts) de les mettre à disposition de ceux qui ont encore faim. Sur tout le mois de janvier 2023, le cuisinier et la gestionnaire ont organisé un challenge : trouver l’ingrédient mystère de gâteaux faits maison. Il s’agissait de gâteaux aux légumes (à la carotte, aux courgettes etc.). Les élèves ont, pour la plupart, été très surpris du résultat et changeront peut-être leur regard sur cette étrange chose que sont les légumes. L’équipe ne baisse pas les bras.