Réchauffement climatique
Des perdants et des gagnants

Une étude rendue publique par l’Inrae, fin mars, analyse l’impact du réchauffement climatique sur la production viticole mondiale. De nombreuses zones devraient être touchées et si l’adaptation au changement reste le mot-clé, il dépendra d’un certain nombre de facteurs. Des régions aujourd’hui vierges de toute production pourraient, à terme, produire du vin.

Des perdants et des gagnants

« En cas de réchauffement global supérieur à 2 °C, environ 90 % des régions viticoles traditionnelles des régions côtières et des plaines en Espagne, Italie, Grèce et au sud de la Californie risquent de perdre leur aptitude à produire du vin de qualité à des rendements économiquement soutenables » d’ici 2100, indiquent des instituts français* dans une étude rendue publique le 26 mars. Les scientifiques de ces centres de recherche ont produit une carte du monde des productions viticoles à l’aune du changement climatique. Pour ce faire, ils se sont basés sur leur expertise et ont analysé l’existant : environ 250 publications sur le sujet produites depuis une vingtaine d’années. Ils se sont notamment penchés sur les relevés de températures, des précipitations, de l’humidité, du rayonnement et de la teneur en CO2 sur la culture de la vigne. Ces scientifiques ont confirmé que dans la plupart des vignobles, les vendanges commencent « deux à trois semaines plus tôt qu’il y a 40 ans ». Mais aussi que ces vendanges plus précoces ont « un impact sur la composition des raisins et le style de vin produit ». L’un de ces impacts est en particulier l’augmentation du taux d’alcool dans le vin observée dans de nombreuses régions telles que le Bordelais et l’Alsace. Ces mêmes chercheurs expliquent que le réchauffement climatique (augmentation des températures et sécheresse) va jusqu’à modifier le goût du vin, en particulier le profil aromatique, avec davantage d’arômes de fruits surmûris et cuits remplaçant les arômes de fruits frais ; des niveaux d’alcool excessifs ; une augmentation du pH, entraînant une diminution de la fraîcheur perçue des vins et un risque accru d’altération microbiologique.

Royaume-Uni, Danemark

Pour les auteurs de cette étude de 18 pages, les viticulteurs n’auront d’autres choix que de « s’adapter à un avenir plus chaud et plus sec […] pour produire des vins de qualité commercialisable et des niveaux de rendement garantissant une exploitation rentable ». Les chercheurs proposent notamment que les viticulteurs choisissent des cépages en fonction du climat local « par exemple des variétés à maturation précoce dans les climats frais et des variétés à maturation tardive dans les climats chauds ». La vigne est par nature, une culture résistante et tolérante… jusqu’à un certain point. « On manque encore de seuils climatiques concrets pour les pertes de qualité des fruits et du vin, ainsi que de connaissances sur la manière dont ces seuils varient en fonction de la variété, du porte-greffe et des pratiques de gestion », concèdent les scientifiques. Toujours est-il, selon eux, que si le sud de l’Europe devrait souffrir du réchauffement climatique, d’autres pays devraient pouvoir, en fonction de la nature de leurs sols, produire du vin dans les décennies qui viennent. C’est le cas du Royaume-Uni. Selon les chiffres de Business France, la plantation de vignes devrait y atteindre 7.600 hectares d’ici à 2032. En 2022, le Royaume-Uni a produit 8,3 millions de bouteilles de vin pétillant et 3,9 millions de vin tranquille, pour un total de 12,2 millions de bouteilles, témoignant de la croissance rapide du secteur viticole (+40 % depuis 2020). L’étude n’exclut pas que le nord de la France troque ses grandes cultures contre des vignes et qu’à terme la Belgique, les Pays-Bas et le Danemark deviennent aussi des producteurs de vin de qualité. « Certains producteurs situés dans les latitudes les plus élevées pourraient bénéficier de la hausse des températures en augmentant leur rendement et la qualité de leur vin », justifient les scientifiques. Le phénomène toucherait également le nord des États-Unis : Oregon, État de Washington, Colombie britannique et même Canada. Dans l’hémisphère sud, la Tasmanie pourrait supplanter l’Australie…

L’étude est disponible (en anglais) à l’adresse suivante : https://doi.org/10.1038/s43017-024-00521-5

(*) Inrae, Bordeaux Sciences Agro, CNRS, Universités de Bordeaux et de Bourgogne.