Agriculture de Saône-et-Loire
Bientôt un grand krach ?

Cédric MICHELIN
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La semaine dernière fut chargée en rendez-vous syndicaux. Lundi 9 mai débutait par un conseil d’administration FDSEA, suivi par le Conseil de l’Agriculture de Saône-et-Loire, le soir même et toujours à Jalogny. L’occasion de préparer la venue à Saint-Léger-sous-Beuvray de la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, qui a répondu aux questions chaudes du moment.

Bientôt un grand krach ?
De g. à d., Bernard Lacour, Christian Bajard, Christiane Lambert et Marine Seckler, le 11 mai à Saint-Léger-sous-Beuvray.

« Les sources de notre réseau, ce sont nos liens ». Derrière cette phrase prononcée au Conseil d’administration de la FDSEA, se cache une énième traduction dans la réalité, de proposer au Conseil de l’Agriculture de Saône-et-Loire – réunissant les principales organisations professionnelles – d’organiser une rencontre avec les candidats à la législature « pour porter les propositions de la ruralité », dévoilait Christian Bajard, président. Autour de la FNSEA, 40 partenaires au national ont déjà signé un « manifeste pour des ruralités vivantes », autour de six thèmes et 30 propositions. Les candidats de Saône-et-Loire devront ainsi se positionner le 1er juin dès 9 h à la salle des fêtes Malraux à Blanzy.
Agriculture et loi sont de plus en plus liées à l’image de l’éleveur dans l’Oise condamné en appel pour « mauvaises odeurs » (lire notre précédente édition), et « les dossiers vont se judiciariser de plus en plus », rajoutait Louis Accary, ancien éleveur et maire de Versaugues qui a connu pareil déboire pour avoir entretenu un fossé.

Contractualisation : empêcher de tomber

Venue à Saint-Léger-sous-Beuvray pour remettre le premier prix du concours "Les Agris aiment le Tour" de France (lire notre précédente édition), la présidente de la FDSEA saluait le syndicalisme de Saône-et-Loire pour faire partie des toutes premières fédérations de France, en nombre et en implication au national.
Dans ce fief de l’élevage autunois, la présidente des JA71, Marine Seckler, l’avertissait toutefois sur « le peu de contrats ÉGAlim signés et les craintes d’une chute » violente, en cas de retournement de conjoncture. Jugeant « ÉGAlim2 être une loi positive », Christiane Lambert lui demandait d’être patiente avec cette loi votée en octobre, vécue comme un « véritable choc de culture » dans le secteur de l’élevage. Productrice de porcs, elle prenait son exemple : « je suis libérale mais j’ai contractualisé 50 % de ma production avec des indicateurs de coûts de production objectivés par l’Interprofession car je ne suis pas joueuse, je dois sécuriser l’annuité de mon bâtiment ». Comme le résumait Luc Jeannin, secrétaire général FDSEA et élu FNSEA, les « contrats n’empêchent pas les prix de monter mais cela va les empêcher de retomber plus bas ».

Des hausses en trompe-l’œil

« Tout le monde se réjouit de vaches à 5 € alors que pourtant, l’éleveur ne gagne pas d’argent avec les hausses de charges », notait plus tôt dans la semaine, Jean-Pierre Bon, de la section bovine de la FDSEA. La raison n’est pas à chercher sur une soudaine prise de conscience des centrales d’achats de la grande distribution mais à la « décapitalisation des cheptels allaitants et laitiers ». « Cela touche toute l’Europe. L’Allemagne ou la Pologne ont des cours plus élevés », observe Yves Largy, pour la coopération animale devant le Conseil de l’agriculture. Le président des négociants en bestiaux, Paul Pacaud, sait aussi que la guerre des prix va revenir avec des viandes Labels, Bio ou de catégories supérieures, « qu’on n’arrive pas à valoriser ». Le manque de viandes étant en effet plus sur les morceaux destinés aux steaks hachés.

Effet ciseaux sur les trésoreries

Le Crédit Agricole craint donc que « les tensions de trésoreries arrivent », avec les hausses des prix des intrants ou même l’incapacité à les avoir… et donc de pouvoir produire ou même vendre. « Il y a des délais énormes pour être livré en matières sèches ou bouteilles », témoignaient les caves coopératives, « pas avant février 2023 pour les capsules-congés » par exemple.
PGE, plan de Résilience, MSA… sont d’ores et déjà sollicités. Personne ne sera épargné, « pas même les viticulteurs qui ont connu plusieurs années compliquées » avec le gel 2021 notamment, rajoutait Vincent Landrot du CERFrance 71. « C’est l’année de tous les dangers pour les viandes blanches avec le ciseau des charges (aliment et énergie) ». En grandes cultures, l’urée a déjà triplé et les approvisionnements ne sont pas finis…

Miser sur ses atouts

Président de la chambre d’Agriculture, Bernard Lacour ne contredisait pas ces constats et cherchait des solutions, à travers le développement des circuits courts, des audits ou des crédits carbone. Évidemment aussi avec la recherche de l’autonomie, des économies d’intrants, de la gestion de l’eau, de la prochaine assurance climatique Pac… Pour nos zones intermédiaires, Christiane Lambert notait les solutions actuelles à activer facilement : couverts végétaux, fertilisation animale…
En conclusion, face à tous ces risques, rajoutant l’éventualité d’une nouvelle sécheresse, Christian Bajard le redisait : « il faudra accompagner les agriculteurs ». Message reçu à tous les échelons. Reste maintenant à les partager avec le nouveau gouvernement et les candidats députés ce 1er juin à Blanzy.

Le dilemme de l’agrivoltaïsme

Rien n’est simple. Si la profession est pour le photovoltaïque sur les toitures, notamment des bâtiments agricoles, et si la profession est contre le photovoltaïque au sol (justement pour privilégier sur toitures), la question se pose pour l’agrivoltaïque permettant une certaine ou nouvelle forme d’agriculture en dessous de panneaux non posés directement au sol. « La pression est forte et les enjeux aussi pour l’agriculture », ne tranchait pas Christian Bajard, qui entend les arguments des uns et des autres. Économique, énergie, foncier, installation, fermages, compétitivité… l’équilibre est difficile à trouver « pour pouvoir dire oui à des projets, tout en gardant la possibilité de dire non à d’autres, avec les mêmes règles pour tous ». La profession a lancé un peu partout en France des essais pour déjà voir les avantages et inconvénients pour la partie production agricole, que ce soit pour des ombrières en volailles, des panneaux verticaux qui suivent le soleil, des panneaux en suspension laissant passer la pluie… Derrière l’agrivoltaïsme se cachent en effet des centaines de solutions techniques différentes… Pour l’heure, « c’est le préfet qui a le dernier mot », rappelait Christian Bajard qui regrette « la non-décision des politiques qui devraient obliger l’installation sur tous les toits de France d’abord ». L’Europe l’envisage actuellement pour 2026.
Cette position départementale était portée à la connaissance de la présidente de la FNSEA. Pour Christiane Lambert, « l’État cherche à financer 100.000 ha de photovoltaïque », encore plus depuis la guerre en Ukraine. Mais elle rappelait que « c’est à chaque conseil de l’agriculture départemental de définir ses propres règles en local ». Présidente des JA71, Marine Seckler insistait néanmoins sur les risques de voir les propriétaires terriens « préférés des panneaux aux installations » de jeunes. Christiane Lambert lui rétorquait « être pragmatique, posons les règles, sinon ils ne demanderont pas notre avis. Même si ce n’est pas parfait, ce serait alors pire », rajoutant vouloir évidemment que la « production agricole reste prioritaire » à la production d’électricité.

La profession continue donc d’avancer prudemment sur ce dossier et veut maintenant en discuter avec les élus des territoires (Département, Comcom, maires ruraux…) afin de prendre une position la plus commune possible.

Christiane Lambert, présidente de la FNSEA
Christiane Lambert, présidente de la FNSEA.