EXCLU WEB / 400 €/t : le nouveau seuil pivot du prix du blé

La planète manque de blé. Les conditions de cultures se détériorent dans certains bassins de production. Or le Conseil international des céréales annonce d’ores et déjà une récolte mondiale en baisse de quatre millions de tonnes sur un an et déficitaire de cinq millions de tonnes. 

EXCLU WEB / 400 €/t : le nouveau seuil pivot du prix du blé

Ces dernières semaines, le prix de la tonne de blé n’a cessé d’augmenter. À Rouen, le seuil de 400 €/t a été franchi le 22 avril dernier. Mais après s’être stabilisé plusieurs jours autour de 396 €, le cours a rebondi le 12 mai dernier, dès la publication du nouveau rapport du ministère de l’Agriculture américain (USDA) (cf encadré).

Ces prix records n’enchantent, ni les producteurs, ni les pays importateurs. Ils relatent avant tout le niveau d’inquiétude dans lequel sont plongées les places de marché et leurs opérateurs. Mais les sujets de préoccupation ne manquent pas : prix des intrants, guerre en Ukraine, parité euro-dollar et dernier en lice, les conditions climatiques.

Météo et coûts de production

La France accuse, selon les régions, un déficit hydrique de 20 % à 50 % depuis plusieurs mois. Sans précipitations, une accélération de la fin du cycle végétatif des céréales d’hiver compromettrait les rendements à venir et, par conséquent, les résultats économiques des céréaliers. Or leurs charges ont entre-temps fortement augmenté.

Le 2 mai dernier, le potentiel de production était encore très prometteur. Selon Céréob’s, l’outil de FranceAgriMer qui note les conditions de croissance des céréales, celles du blé étaient bonnes ou très bonnes à 89 %. Pour l’orge d’hiver, le ratio était de 86 % alors que 52 % des surfaces plantées sont au stade d’épiaison. Mais la situation pourrait très vite se dégrader.

Quant au maïs, les semis ont pris du retard mais dans les régions où il est déjà implanté, la levée se déroule correctement. Cependant, la superficie de maïs grains (1,5 million d’hectares) reculerait de 6 % par rapport à 2021. Et là où la culture est possible, les agriculteurs s’apprêtent à implanter plus de tournesol, moins onéreux à produire (758.000 ha de tournesol, + 17 % par rapport à la moyenne quinquennale 2017-2021).

Exports en berne

Lors du dernier conseil spécialisé, le 11 mai dernier, FranceAgriMer a apporté quelques retouches à ses prévisions de campagne 2021-2022. D’ici la fin du mois de juin, la France n’exporterait que 9,25 millions de tonnes (Mt) de blé vers les pays tiers, soit 250.000 t de moins qu’escompté le mois passé. Les ventes au sein de l’Union seraient aussi réduites de 50 000 t à 8 Mt. La France achèverait ainsi la campagne avec un stock de report conforté à 3,22 Mt (+0,9 Mt sur un an).

La dégradation de la parité de l’euro par rapport au dollar (1 $=1,05 €, - 5 % sur un mois ; -12 % sur un an) rend les céréales plus compétitives à l’export mais elle renchérit considérablement les prix de l’énergie. En 2008, le pétrole brent valait déjà 140 $, le baril. Mais l’euro valait alors 0,62 $ si bien que le brent ne coûtait que 87,5 €. Alors que cette année, il revient à plus de 133 €.

La Russie et l’arme alimentaire 

La production mondiale de céréales 2022 sera non seulement déficitaire en blé mais aussi mal répartie. Les productions ukrainiennes, jusqu’à l’an passé exportées aux deux-tiers (environ 45 Mt par an), vont cruellement déséquilibrer les échanges commerciaux. Or, dans le même temps, la Russie s’apprêterait à produire 80 Mt de blé et 19,5 Mt d’orges (source USDA), si aucun accident climatique ne survient, et le disponible exportable serait alors de 45 Mt.

Les sanctions internationales prises à l’égard du pays ne portent pas sur les céréales russes, mais le pays pourrait brandir l’arme alimentaire et choisir ses partenaires commerciaux.

Le retour du Canada sur les marchés mondiaux de grains (24 Mt de blé ; 3,5 Mt d’orges potentiellement exportables) ne suffira pas pour combler le déficit mondial de grains. Mais le pays est attendu pour réapprovisionner le marché du blé dur. Il produirait 6,2 Mt exportables à 90 %. À l’échelle mondiale, 40,4 Mt de grains seraient alors disponibles pour être consommées (34,1 Mt ; +1,5 Mt) et exportées à travers le monde (8,6 Mt ; + 2,6 Mt). 

Vers un marché tendu, selon l’USDA

En 2022-2023, une production mondiale de céréales déficitaires de plus de 20 Mt

Dans un rapport paru le 12 mai, le ministère de l’Agriculture américain (USDA) mentionne une production mondiale de céréales, riz compris, déficitaire de plus de 20 Mt au cours de la prochaine campagne 2022-2023. Selon l’USDA, 775 Mt de blé seraient produites dans le monde entre les mois de juillet 2022 et juin 2023 alors que la consommation mondiale est estimée à 787 Mt. La production mondiale de riz (514 Mt) serait déficitaire de 4 Mt. Enfin, la récolte potentielle de maïs (1180 Mt) serait inférieure de 35 Mt (notamment aux Etats-Unis et en Ukraine) à celle de la campagne qui s’achève. Et le déficit serait alors estimé à 4 Mt. Seule la production d’orges serait à l’équilibre (148 Mt).