Crémants de France et du Luxembourg
De nombreuses pistes pour évoluer

Régis Gaillard
-

Lors de la table ronde des crémants de France et du Luxembourg consacrée au changement climatique, Nicolas Secondé s’est attaché à présenter les multiples solutions et pistes de réflexion qui s’offrent à la profession.

De nombreuses pistes pour évoluer

Intervenant pour le compte d’AEB Groupe Œnolia, Nicolas Secondé a précisé, en préambule de son intervention, que « le réchauffement climatique est devenu mon quotidien ». Et de partir d’un constat : le niveau d’alcool a augmenté de 1° à 1.5° en 20 ans, avec un niveau d’acidité qui a baissé, en contrepartie, d’environ 25 %. Alors que les cations augmentent, la stabilité diminue et les protéines instables sont en hausse. Sans oublier l’augmentation constante du pH depuis 25 à 30 ans. Par conséquent, il y a un écart de plus en plus important entre maturité technologique et maturité phénolique. « L’évolution climatique agit sur la date des vendanges. Des vendanges qui se déroulent de plus en plus tôt, qui sont de plus en plus chaudes avec des fenêtres de vendanges de plus en plus courtes ». Avec, à la clé, un produit héliothermique qui augmente et une obligation de prioriser les choix techniques.

Changement à tous les étages

Du fait du changement climatique, la récolte, de plus en plus précoce, oblige à revoir les pratiques culturales. C’est-à-dire revoir la nutrition hydrique, l’enherbement qui peut être concurrentiel, la date de taille… Quant au terroir, il faut peut-être désormais préférer des terroirs moins bien exposés et/ou en altitude. Il y a évidemment un impact sur le matériel végétal. « Cela va agir fortement sur la typicité des crémants ». Ceci donne aussi une récolte de plus en plus chaude. Avec, pour conséquence, la mise en place d’une nouvelle gestion du transport du raisin. On pense ainsi à la couverture des raisins à la vigne avec des bâches blanches et au transport en camion frigorifique. Quant aux caisses de transport, il convient de préférer des caisses petites et ajourées. On peut aussi envisager de conserver les raisins en entrepôt réfrigéré. Cela entraîne également des pressoirs plus petits pour avoir de meilleures rotations.

Inévitablement, cette modification du temps a pour conséquence une évolution de la structure des jus. Il y a des degrés moyens à la hausse. Ce qui impose des moyens techniques lourds pour faire face à cela. Mais aussi une évolution de l’approche législative et un travail sur les souches levuriennes. Face à l’évolution de la structure polyphénolique des jus, « il y a des réponses viticoles avec la gestion de la nutrition hydrique et la maîtrise de la température de la récolte. Mais aussi des réponses œnologiques avec la maîtrise des cycles de pressurage et la maîtrise des fractionnements. Dans le cas des crémants rosés, il y a des couleurs de plus en généreuses, des acidités en baisse et plus d’extrabilité des polyphénols. Il faut donc bien maîtriser les temps de macération et les triturations ». Alors que l’on avait hier des vins sur la fraîcheur et sur des arômes primaires, il y aura demain des vins plus vineux, davantage sur les arômes secondaires voire tertiaires. Avec un vrai questionnement concernant la capacité de vieillissement.

Inévitable adaptation

À chaque étape, Nicolas Secondé estime qu’il y a non seulement moyen mais aussi obligation de s’adapter. Au moment des vendanges, on peut aller dans les vignes de 6 h à 13 h pour profiter de la fraicheur de la nuit. Mettre les raisins en caisses blanches de 15 kg ajourées et stocker les raisins en camion frigo. Au pressoir, il s’agit de disposer de pressoirs adaptés à la capacité de récolte et de chargement, avec un programme en adéquation avec le cépage et la maturité et une diminution du taux d’extraction. Pour la gestion des jus, il faut une stabilisation des cations et des acidités ainsi que des fractionnements réfléchis en fonction de l’acidité et de la richesse polyphénolique. Côté fermentation, il y a plusieurs pistes à explorer : fermentation alcoolique partielle, fermentation malolactique intégrée, gestion microbiologique avec des levures non saccharomyces ou encore désalcoolisation. Pour ce qui est de l’élevage, Nicolas Secondé parle des stabilisations intégrées (protéiques, tartriques et calciques) et des réflexions à avoir sur l’utilisation de glutathion. Alors que pour les prises de mousse, il évoque l’utilisation de moûts stabilisés et de vins partiellement fermentés, il cite, pour le dégorgement, la généralisation du jetting* ainsi que des notions de dosage en lien avec l’acidité et pas seulement la sucrosité.

« Le changement climatique s’impose à nous et nous devons nous adapter. Cela passe par une adaptation du matériel végétal, une modification de nos pratiques culturales, une évolution de notre approche technique, une ouverture législative des pratiques culturales et œnologiques et une adaptation des discours commerciaux. Nous sommes tous interdépendants et donc tous impactés ».

 

* le "Jetting" est le fait de "projeter" une microgoutte qui vient frapper la surface du vin dans la bouteille provoquant une formation de mousse chassant ainsi l’air présent dans le goulot et ce, juste avant le bouchage. Cela permettant de se passer de sulfites dans la liqueur d’expédition.