Conduite d’élevage
Confort thermique et rations d’été

Alexandre Coronel
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Les températures élevées sont synonymes d’inconfort pour les vaches : elles diminuent l’ingestion, les fonctions reproductrices et les performances laitières… Des mesures de conduite du troupeau et des adaptations de la ration atténuent l’impact du stress thermique.

Confort thermique et rations d’été

Quand la température dépasse 25°C, la vache sort de sa plage de confort thermique : elle modifie fortement son comportement alimentaire et des troubles métaboliques plus ou moins marqués peuvent survenir, variables selon le stade de lactation, la température ambiante, l’hygrométrie, les conditions de confort général du bâtiment… et la durée de l’épisode de chaleur. C’est en effet en pénalisant l’ingestion que l'inconfort thermique impacte principalement les fonctions de production et de reproduction des animaux. De 5 à 6% des calories ingérées y sont perdues sous forme de chaleur lors des fermentations ruminales. C'est la combinaison de la chaleur et d’une hygrométrie élevée qui a l’impact négatif le plus important sur le confort de l'animal, car dans ces conditions, la dissipation des calories excédentaires par la transpiration est peu efficace, et le seul levier pour éviter l’hyperthermie reste la réduction de la prise alimentaire. De 10 à 25 %, celle-ci peut même atteindre 55 % dans des conditions climatiques extrêmes (au-delà de 38°C et de 80% d’hygrométrie).

Mesures conjoncturelles

Dans le troupeau laitier ce sont les vaches fraîches au lait qui sont les plus sensibles au stress thermique, car celles-ci auront plus de mal que leurs congénères à mobiliser leurs réserves adipeuses. La perte de production ira de pair avec une baisse de l’immunité, une moindre expression des chaleurs, et des problèmes de fécondité…
Dans le cas de pics de chaleurs ponctuels, certaines mesures conjoncturelles peuvent être prises sans tergiverser. Par exemple, rentrer les animaux au bâtiment pendant les heures les plus chaudes de la journée, s’ils n’ont pas accès à des zones ombragées. Rester à l’ombre d’un bâtiment bien ventilé, avec un courant d’air, pour pâturer à la faveur de la fraîcheur de la nuit. Outre une bonne ventilation naturelle, l'utilisation de brumisateurs et de ventilateurs, ainsi que la diminution de la densité en animaux peuvent contribuer significativement à l’amélioration de l’ambiance thermique. La ventilation mécanique contribue à limiter, pour les animaux, la sensation d’oppression par la chaleur, sans réduire la température ambiante. Les ventilateurs doivent être suffisamment nombreux, en fonction de la taille de la stabulation et puissants pour assurer un flux d’air de 0,47 m³/s. Il faut compter un ventilateur pour 10 vaches ou 13 m² de surface de stabulation, incluant aires d’exercice, d’alimentation et de couchage. Ils doivent être inclinés à 30° par rapport à la verticale. Ils peuvent efficacement être remplacés par des brasseurs d’air : véritables pales d’hélicoptère, d’un diamètre de 7 m, ils tournent beaucoup moins vite qu’un ventilateur mais assurent un brassage optimal et permanent de l’air ambiant, faisant ressentir une chute de la température de plusieurs degrés (expérience vécue). La vitesse de l’air doit pouvoir, dans tous les cas, atteindre 20 km/h et leur mise en route s’effectuera dès que la température aura atteint 22°C.
Dans les systèmes en ration mélangée, on peut aussi augmenter la fréquence de distribution tout en réduisant les quantités distribuées à chaque passage (70% le soir) pour éviter les phénomènes de refermentation à l’auge et de perte d’appétence… Enfin, rappelons ici que l’avancée du front d’attaque des silos doit aussi être suffisante pour éviter trop de pertes. Idéalement, il faudrait avancer d’une trentaine de centimètres par jour. Certains éleveurs prévoyants construisent un silo d’été plus étroit, et situé à l’ombre des bâtiments.

Minéraux

Côté ration, pour pallier la diminution de l’ingestion, on peut augmenter la densité énergétique par un apport d’amidon by pass tels que le maïs grain sec ou humide ou l’ensilage de maïs épi. Sans oublier de surveiller l’équilibre en azote, car les protéines limitent les risques d’acidification du rumen, en libérant des ions bicarbonate. Idéalement : plus de 95 g de PDIE/UFL. La BACA est aussi un indicateur minéral pertinent ((sodium + potassium) - (chlorures + soufre)). Pour le maintenir au-delà de 250, l’herbe, la luzerne, les trèfles, la betterave, les pommes de terre et le bicarbonate de soude sont intéressants. Enfin, ne pas oublier d’augmenter les quantités de sel. 

 

Pâturage : Surveiller les abreuvoirs

L’eau de boisson est un facteur de production aussi indispensable que le fourrage… L’eau d’abreuvement des bovins mérite donc une attention régulière : elle doit être facilement accessible et de bonne qualité sanitaire.
À plus forte raison lors des périodes de fortes chaleurs, l’eau est indispensable à la santé et aux performances zootechniques des animaux (lait, reproduction…), ce qui nécessite pour l’éleveur une vigilance dans le contrôle de la quantité et de la qualité de l’eau mise à la disposition des animaux. Première règle : la distance ! Donnez à vos animaux la possibilité de s’abreuver à une distance maximum de 200 mètres. Au-delà, les performances diminuent (jusqu’à 0,250 kg de GMQ pour des génisses). Lorsque le troupeau accède à de l’eau à proximité, il peut boire à sa soif. Cela permet aussi de minimiser les bousculades concurrentielles. La capacité des points d’eau est aussi un facteur à prendre en compte : l’augmentation de la taille des troupeaux n’a pas toujours été accompagnée par celle du nombre d’abreuvoirs. Si les normes prévoient au minimum 5 cm d’accès linéaire par bovin présent dans le lot, et au moins un abreuvoir d’une centaine de litres pour une quinzaine de bovins adultes, c’est l’observation du comportement des animaux qui reste le meilleur moyen de vérifier la bonne adéquation entre l’eau disponible et les besoins. Les génisses et vaches viennent souvent boire en groupe. Les meneuses, premières à s’être rassasiées, repartent et entraînent avec elles les dernières. Bacs insuffisants ou mal disposés, débit de réapprovisionnement trop faible, accès bloqués, les vaches qui accèdent aux bacs en dernier n’ont pas toujours la possibilité de boire à satiété, et peuvent alors “manquer d’eau” !

Observations régulières des animaux

Le volume de la réserve d’eau mise à disposition et la capacité de réapprovisionnement sont d'autres facteurs à surveiller. Après la traite, une vache peut ingurgiter facilement une vingtaine de litres d’eau. Mais il ne faut pas pour autant négliger les buvées “intermédiaires” spontanées, plus d’une dizaine tout au long de la journée, et d’environ 8 à 10 litres chacune.

La qualité sanitaire de l’eau d’abreuvement est également une donnée importante. Rarement directement responsable de la contamination des animaux par des germes ou des microbes, elle constitue un vecteur de choix pour ceux-ci : le ruissellement entraîne sur son passage débris, déjections, cadavres de petits animaux, et assure ainsi la transmission de nombreuses maladies aux animaux qui boivent une eau souillée. En outre, les zones humides sont favorables à la multiplication de nombreux animaux, dont de petits mollusques, les limnées qui sont les hôtes de deux parasites majeurs : la grande douve et le paramphistome. Les violents orages d’été sont susceptibles de contaminer les réseaux d’eaux d’abreuvement par entraînement de germes pathogènes présents en surface.
Les analyses permettent d’évaluer la qualité sanitaire d’une eau, mais elles ne peuvent s’interpréter qu’en tenant compte de l’environnement et des conditions météorologiques. Elles sont souvent réalisées après des problèmes cliniques quand on suspecte que l’eau a été le vecteur d’une contamination. La méthode consiste alors, avant toute analyse, par d’abord faire le point sur l’environnement : origine de la source, nature du captage, l’historique…
Sauf quelques cas particuliers, ce que l’on va rechercher avec les analyses d’eau, ce ne sont pas des agents directement responsables de maladies ou de troubles. Les analyses d’eau ont pour objectif de mettre en évidence la présence de “traceurs” qui permettent d’évaluer les risques de contaminations de l’eau. On distingue les germes d’origine fécale (issus du tube digestif des mammifères), les germes d’origine tellurique (présents dans la terre) qui marquent une dissolution dans l’eau d’éléments du sol et des éléments minéraux dont vérifiera qu’ils ne sont pas en excès.