Les printemps pluvieux sont propices au développement des chardons. Ces plantes vivaces sont très préjudiciables aux rendements, et leur maîtrise nécessite de combiner plusieurs moyens de lutte.
Présent dans tous types de cultures et dans tous types de sol le chardon commun (Cirsum arvense) est une plante vivace de la famille des astéracées. Le principal problème posé par les chardons réside dans la perte de rendement, qui peut aller jusqu’à 60 % en céréales. Plus la densité de chardons est importante, et plus le préjudice est élevé. À titre de repère, 10 chardons/m² correspondent déjà à 20 % de pertes de rendement en céréales et 10 % en colza. Les printemps pluvieux qui maintiennent une humidité du sol importante sont des conditions propices à son développement. Le printemps 2024, comme celui des années 2016, 2021 et 2023 a donc été favorable à sa prolifération : les observations visuelles en cette période de moissons le confirment.
Bien connaître sa biologie
Bien comprendre la biologie particulière du chardon est indispensable pour lutter efficacement contre son extension. Morphologiquement, le chardon présente des tiges hautes pouvant atteindre jusqu’à 1,5 m, surmontées d’inflorescences en corymbes. Ses feuilles sont découpées et épineuses. La plante se multiplie par des graines, disséminées par le vent, mais ce n’est pas son mode de reproduction principal : moins de 5 % des chardons sont issus d’une reproduction sexuée. C’est en effet principalement grâce à ses organes souterrains que le chardon des champs s’étend dans les parcelles. Ce réseau racinaire se développe de plusieurs mètres chaque année et présente des bourgeons, à l’origine des pousses. Au printemps suivant, les bourgeons racinaires les plus proches de la surface du sol émergent. Les rhizomes traçants, porteurs de bourgeons à partir desquels se développent de nouveaux individus (drageons), peuvent progresser latéralement jusqu’à 2 mètres par an sous forme de cercle au milieu des parcelles. Sans contrôle du chardon, l’expansion racinaire est estimée entre 2 à 12 mètres par an. Un fragment de racine est capable de se régénérer dès qu’il mesure plus de 5 mm, avec un optimum de 2 cm. Vigilance donc, lors des opérations de travail du sol, car un petit fragment resté collé à un outil peut contaminer une nouvelle parcelle…
Combiner leviers agronomiques et chimiques
Le chardon stocke des réserves de nutriments et d’énergie dans ses racines et ses organes végétatifs. Celles-ci lui permettent de se régénérer après chaque destruction. Lorsqu’elles sont faibles, si les racines sont fragmentées, le chardon aura plus de mal à repartir. C’est le cas au stade 6-8 feuilles, et, dans une moindre mesure, à l’approche de l’apparition des bourgeons floraux. Ces deux périodes dont donc favorables aux interventions de gestion mécanique.
Au niveau de la rotation, l’intérêt de la luzerne est bien documenté pour réduire fortement l’infestation en chardons d’une parcelle, car cette culture a une forte capacité de colonisation racinaire et de couverture du sol : une luzerne fauchée deux fois par an et installée durant quatre ans permet de réduire la densité de chardon de plus de 99 %. Moins efficaces que la luzerne ou qu’une prairie temporaire, certaines espèces annuelles sont concurrentielles par leur effet étouffant : seigle, triticale, chanvre, avoine… Un couvert d’interculture dans la rotation peut jouer un rôle équivalent, pour peu qu’il soit composé d’espèces couvrantes, dont le développement rapide garantira une biomasse importante au moment du développement du chardon. Par exemple : sarrasin, crucifères, seigle, avoine, phacélie… Cette phase d’interculture peut aussi, en conditions sèches, être favorable à la destruction mécanique, en proscrivant les outils à disques (qui disséminent les fragments). Plusieurs interventions successives à 10 jours d’intervalle et de plus en plus profonds (ex : 5 cm, puis 10 cm, puis 15 cm) vont forcer le chardon à épuiser ses réserves racinaires. De même, le binage de l’inter-rang des cultures qui s’y prêtent fonctionne sur le même principe.
Broyer ou faucher plusieurs fois
Une autre alternative pour épuiser les chardons consiste à faucher/broyer ou écimer les chardons après le stade « bouton floral ». Attention, trop tôt avant ce stade, la dormance des bourgeons sur les racines est levée et il y a un risque de multiplier les drageons. Pour l’écimage, l’idéal est de sectionner le chardon juste avant une pluie afin que l’eau entre dans la tige et provoque un pourrissement ainsi qu’une destruction plus durable du chardon.
La lutte chimique vient compléter cet arsenal de mesures agronomiques, avec deux substances actives utilisables et efficaces sur les chardons en interculture : le glyphosate (1.080 g/ha) et le dicamba (Banvel 4S 0,6 l/ha). Le stade optimal d’application se situe entre 8 feuilles et apparition des boutons floraux (assez tardivement en fin d’été, le chardon fait alors 15-20 cm de haut). Après le stade bouton, la sève élaborée circule des parties aériennes vers les organes souterrains et reconstitue les réserves. Intervenir avec 80-90 % d’hygrométrie et avec des températures inférieures à 25°C. Utiliser un faible volume de bouillie (maxi 100 l et si possible à 50 l) en adjuvantant avec du sulfate d’ammonium. Ne pas travailler le sol pendant au moins 7 jours après l’application pour laisser le temps au produit d’agir.