EXCLU WEB : L’ONU veut réorienter les subventions agricoles

Trois agences de l’ONU ont tiré, le 14 septembre, le signal d’alarme sur les subventions versées aux agriculteurs. Elles sont, selon elle, trop importantes et pas assez ciblées sur le social, l’environnement et les systèmes alimentaires.

EXCLU WEB : L’ONU veut réorienter les subventions agricoles

Le titre du rapport de 28 pages que trois agences de l’ONU ont publié le 14 septembre est évocateur : « Un opportunité de plusieurs milliards de dollars. Réutiliser le soutien agricole pour transformer les systèmes alimentaires ». Très clairement, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) reprochent aux 470 milliards de dollars (Md$) versés par les États aux agriculteurs, de générer des « distorsions de prix » et d’être « dommageables » aussi bien d’un point de vue environnemental que social. Ces 470 Md$ représentent 85 % des 540 Md$ versés peu ou prou chaque année, aux agriculteurs, pour l’ensemble des 88 pays qu’elles ont étudiés.

 

Aides couplées

 

« Le soutien aux producteurs agricoles favorise aujourd'hui des politiques qui ont des effets de distorsion et nuisibles à l'environnement et à la santé humaine », indiquent les trois agences onusiennes. « Seuls 110 Md$ ont été utilisés pour financer les transferts au secteur agricole de manière collective, sous forme de services généraux ou de biens publics » quand «  environ 245 Md$ ont été versés aux agriculteurs sous forme de subventions fiscales, la majorité (70 %) est liée à la production d'un produit de base spécifique », regrettent-elles. Dans leur ligne de mire, les « aides couplées » qui poussent à « l’utilisation excessive de produits agrochimiques » et qui « promeuvent la monoculture ». D’une manière plus globale, les aides couplées « entravent le développement durable du marché » mais aussi « déclenchent des chocs de prix à l'échelle mondiale » et « incitent à la production de produits à forte intensité d'émission » de gaz à effet de serre, souligne le rapport.

 

Améliorer la nutrition

 

C’est pourquoi les trois agences prônent, non pas la suppression ou l’élimination des subventions mais leur « réaffectation (…) à des moyens plus sains, plus durables, plus équitables et plus efficaces de soutenir l'agriculture ». Cette réaffectation pourrait s’effectuer en six étapes (lire encadré). Pour ces agences, cette réorientation « contribuera à mettre fin à la pauvreté, à éradiquer la faim, à assurer la sécurité alimentaire, à améliorer la nutrition, à promouvoir l'agriculture durable, à favoriser la consommation et la production durables, à atténuer la crise climatique, à restaurer la nature, à limiter la pollution et à réduire les inégalités ». Ce qui est une manière comme une autre de dire que les subventions font désormais partie du paysage économique agricole et qu’il est difficile pour les agriculteurs, dont le niveau de vie reste faible, de s’en passer.

 

Sommet alimentaire

 

Ce n’est pas la première fois que l’ONU et d’autres organisations se penchent sur le système des subventions agricoles. C’est une demande récurrente depuis plusieurs années. En juillet dernier, Qu Dongyu, directeur général de la FAO avait exhorté, avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) les pays à « transformer leurs systèmes agroalimentaires pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD) que l’ONU s’est fixés à l’horizon 2030 en particulier l’ODD 1 (pas de pauvreté), l’ODD 2 (Faim « zéro ») et l’ODD 10 (inégalités réduites) ». Ce rapport est publié à quelques du Sommet sur les systèmes alimentaires qui est convoqué le 23 septembre 2021, par le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, dans le cadre de la Décennie d'action pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030. Le Sommet lancera de nouvelles actions pour faire progresser les 17 ODD, dont chacun repose dans une certaine mesure sur des systèmes alimentaires plus sains, plus durables et plus équitables

 

 

 

Les six étapes pour réaffecter les aides

Étape 1 : Estimer l'aide déjà fournie

 

Étape 2 : Identifier et estimer l'impact du soutien apporté

 

Étape 3 : Concevoir l'approche pour la réorientation du soutien aux producteurs agricoles.

 

Étape 4 : Estimer l'impact futur de la stratégie de reconversion.

 

Étape 5 : Réviser et affiner la stratégie de reconversion avant sa mise en œuvre.

 

Étape 6 : Suivre les résultats du nouveau soutien aux producteurs agricoles

1.800 milliards de dollars en 2030

Selon la FAO, le PNUD et le PNUE, le soutien mondial aux agriculteurs devrait atteindre près de 1 800 milliards dollars américains (Md$) en 2030 dans le cadre d'un scénario de statu quo tenant compte de la reprise économique attendue. Environ 73 % de cette somme (1 300 Md$) prendrait la forme de mesures à la frontière, qui ont une incidence sur le commerce et les prix du marché intérieur. Les 27 pour cent restants (475 Md$) prendraient la forme de subventions fiscales qui soutiennent les producteurs agricoles et pourraient continuer à favoriser la surutilisation des intrants et la surproduction.