Élevage bovin viande
Des scientifiques internationaux à la découverte du Charolais

Marc Labille
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Le 1er septembre, un groupe de scientifiques, "échappé" du Congrès mondial des sciences animales à Lyon, est venu découvrir, comprendre et goûter le Charolais.

Des scientifiques internationaux à la découverte du Charolais
Pris en charge par l’Institut Charolais, le groupe de scientifiques a eu droit à une balade axée sur la thématique de « la viande charolaise du pré à l’assiette »

En marge du congrès mondial des sciences animales, qui s’est tenu du 26 août au 1er septembre à Lyon, un groupe de scientifiques est venu à la découverte du Charolais. En partenariat avec l’Inrae, l’Institut Charolais a organisé cette excursion prévue pour quarante scientifiques de douze nationalités différentes. Axé sur la thématique de « la viande charolaise du pré à l’assiette », le programme devait débuté par une visite de l’abattoir Charollais Viandes, à Paray-le-Monial. Une étape annulée en raison d'un contretemps de dernière minute. En revanche, le groupe a pu se rendre sur l’exploitation de Dominique Gateau, à Viry. Accueillis sur place par l’agriculteur et le directeur de l’Institut Charolais, Frédéric Paperin, les scientifiques ont eu droit à une balade en char dans les prairies classées AOP Bœuf de Charolles.

29 scientifiques de tous âges, mais en majorité très jeunes, sont montés sur les deux remorques attelées pour l’occasion par des exploitants. Une interprète, guide conférencière au marché de Saint-Christophe-en-Brionnais, s’est chargée de la traduction en anglais pour ces visiteurs originaires du Brésil, d’Australie, d’Indonésie, ou encore du Japon…

« Au cœur de prairies centenaires… »

« Nous sommes sur des prairies centenaires. Ici tout est naturel : les arbres, les haies (70 km de linéaire sur la ferme), les bosquets… Nous vivons avec la nature », annonçait d’emblée Dominique Gateau. Face à des chercheurs en provenance de tous les continents, lesquels venaient d’assister, parmi 2.000 confrères, à six jours de conférences savantes et théoriques, Dominique Gateau et Frédéric Paperin proposaient à leurs hôtes une sorte de retour sur terre ; immersion dans le réel d’une ferme du bocage charolais.

Sur une exploitation agréée en filière AOP Bœuf de Charolles, Dominique Gateau s’est attaché à expliquer l’importance du lien au terroir dans la production de viande de qualité. Il a notamment évoqué la présence de prés d’embouche, tous référencés par l’INAO, et qui font partie de l’itinéraire de production d’un bœuf de Charolles. Décrivant un système herbager très répandu en Saône-et-Loire et que l’appellation d’origine protégée a, en quelque sorte, consacré dans son excellence, Dominique Gateau a vanté les vertus des prairies permanentes : fertilisation avec les effluents de ferme, régénération naturelle d’une flore herbacée riche d’une trentaine d’espèces différentes… Tout cela rendu possible par le savoir-faire et l’expérience des éleveurs, complétait Frédéric Paperin qui évoquait ainsi la maîtrise de la conduite technique de ces prairies : date de fertilisation, date de lâcher et de retrait des animaux, conduite au pâturage… « Autrefois ringardisées, nos prairies naturelles sont devenues aujourd’hui un véritable patrimoine que l’on souhaite protéger à travers le projet de reconnaissance par l’UNESCO », poursuivait Dominique Gateau.

Carbone piégé et effet Albedo

Face à des scientifiques dont l’objectivité ne devrait pas faire de doute, les deux guides saône-et-loiriens ont tenu à rappeler le rôle de stockage du carbone joué par de telles prairies. « La production de gaz à effet de serre de l’élevage est compensée à presque 75 % par le stockage en carbone des prairies », faisait valoir Frédéric Paperin qui citait aussi l’effet Albedo de ces mêmes prairies, aptitude qu’elles ont à mieux réfléchir l’énergie solaire que d’autres surfaces.

Devant des experts venus pour certains d’Amérique du Sud, casquette « Cargill » vissée sur la tête, Dominique Gateau insistait sur le niveau d’autonomie de son exploitation qui n’achète que le strict minimum de matières nobles pour la finition de ses animaux et qui n’utilise donc ni soja, ni hormone, ni ensilage…

Dégustation champêtre

Après un petit circuit qui les a conduits près d’un troupeau de mères charolaises suitées de leurs veaux, puis à travers quelques belles prairies où les passagers ont pu assister à un affouragement en direct, le groupe s’est vu proposer une dégustation de viande charolaise AOP. La plaque de cuisson avait été installée sur un ancien chemin ombragé, surplombant un étang construit par les moines de Cluny, au pied d’un magnifique corps de ferme datant du XVIe-XVIIe siècle. Un échantillon typique du patrimoine bâti de Charolais-Brionnais. Cette dégustation champêtre était l’occasion pou Frédéric Paperin d’évoquer les trois grandes étapes de la qualité d’une viande à savoir « le travail de l’éleveur, le travail du boucher et la cuisson ». L’expert de l’Institut Charolais rappelait qu’en France, chaque muscle a une destination culinaire précise et que pour une carcasse de 450 kg, 60 % était destiné à une cuisson rapide tandis que 40 % allait aux cuissons lentes, mijotées. Devant les congressistes, Frédéric Paperin a fait griller une pièce de cœur de rumsteak ainsi que de l’araignée et de la poire… Cette viande provenait d’une vache AOP de cinq ans, élevée à quelques kilomètres de Viry et abattue à Paray-le-Monial il y a un mois. De quoi s’assurer d’un temps de maturation respecté : au moins 15 jours. Au-delà de trois semaines, c’est encore mieux, tant le charolais se prête bien à une maturation longue, plaidait Frédéric Paperin. Et Dominique Gateau d’ajouter le rôle indispensable du gras dans le goût. Au moment de remonter dans le bus, les scientifiques semblaient ravis de leur excursion ensoleillée. Ils reprenaient la route pour un déjeuner à la Maison du Charolais suivi d’une escale au Château de Pierreclos.

La sécheresse et les loups comme défis

À la question d’un conférencier « quel est votre plus gros défi à relever ? », Dominique Gateau a répondu sans hésiter « la sécheresse ». La première grosse sécheresse qu’il a connue est celle de 2003. Avant, il n’avait encore jamais été obligé de donner du foin à ses animaux au pré. Depuis 2018, l’éleveur a connu « quatre sécheresses en cinq ans ! Du jamais vu ! », faisait-il remarquer. « Notre métier consiste toujours à s’adapter sans tout révolutionner. Mais avec le réchauffement climatique, c’est un sacré challenge ! Désormais, nous commençons l’année en partant du principe que nous aurons une sécheresse », confiait Dominique Gateau. Devant un paysage de prés en fond de vallée encerclés de bois, dans une partie reculée et giboyeuse de la ferme, l’éleveur ne boudait pas le plaisir qu’il éprouve à contempler chaque jour la nature. À la question des prédateurs posée par l’un des visiteurs, il répondait qu’un loup avait été abattu dans le secteur il y a seulement deux mois… Un défi supplémentaire à surmonter.