Samedi 12 octobre, Joncy accueillait plus de 400 maires et adjoints, à l’image de l’Association des maires ruraux de Saône-et-Loire qui rassemble de plus en plus de communes. L’occasion de rappeler au Préfet et tous ses sous-préfets, ainsi que les directeurs départementaux, devant la quasi-totalité des parlementaires, le rôle et les missions essentiels d’un Maire rural, « premier maillon de la République ». Qui doit être un véritable couteau suisse, en plus de sa neutralité bien souvent.

La Salle d’animations de Joncy portait bien son nom ce 12 octobre. Elle débordait même littéralement. Le président de l’Association des Maires ruraux de Saône-et-Loire, Jean-François Farenc devant presque dire aux parlementaires où se trouvaient les dernières chaises pour s’assoir. Pourtant Joncy n’est pas la commune la moins bien équipée. Bien au contraire. Son Maire, Christian Morelli listait son « mini-bassin d’emploi » avec un Esat, un Ephad, un foyer de travailleurs, une zone artisanale, un cabinet vétérinaire, un marché, de nombreux commerces… et encore une « centaine d’enfants avec Genouilly (RPI) dont 42 à Joncy et une école privée ». De quoi montrer l’exemple pour le thème du jour : « quel avenir pour le commerce rural ». Car derrière, son discours courtois, l’édile rappelait « les errements de la politique des territoires », lui qui a « changé » plusieurs fois de Communauté de communes, pour finir aujourd’hui au nord du Clunisois, à la frontière « à l’Ouest du Charolais et à l’Est des premiers vignobles de la Côte Chalonnaise ». Le président de la Comcom justement, Jean-Luc Delpeuch comptabilise 14.500 habitants sur ses 41 communes, soit 350 habitants en moyenne mais en réalité, « sans la ville centre (Cluny) », et en comptant Joncy, 250 habitants en moyenne « donc, très très rural ». Avant l’arrivée du président du Département, le conseiller, Jean-François Cognard évoquait l’Agence technique départementale (ATD71) qui « après une période difficile » a changé de modèle économique et compte aujourd’hui 13 agents au service de l’ingénierie des porteurs de projets dans les petites collectivités. Et sachant les transferts de compétence, les nombreuses législations, corps de métier et demandes du quotidien, le maire de Chaintré sait que l’ATD « sera un peu l’église au milieu du village et sera répondre à une recrudescence des demandes » des maires à l’avenir, assurait-il au nom du Département.
Pas le dernier, mais le premier décisionnaire
De quoi répondre aux besoins donc, ce que ne manque pas de faire non plus, l’Association nationale des maires ruraux de France. Son président Michel Fournier « ne veut plus être assujetti aux décisions descendantes » centrales, venant de Bruxelles, de Paris, des Régions, voire même « par obligation de regroupement et de fusion des communes depuis la loi Marcellin de 1971 » des Intercommunalités. « Le patron, ici, c’est le maire », regardait-il droit dans les yeux le préfet, Yves Séguy et tous ses sous-préfets. Le combat des Maires ruraux de France est de « prendre les décisions, non pas du dernier kilomètre, mais bien du premier kilomètre en montant » tous les échelons. Ce qui n’empêchera en rien « de se regrouper si les Maires en ressentent la nécessité, mais pas par obligation ». En France, 13.000 communes adhèrent (contre 8.000 en 2020) à l’AMRF basé à Lyon. Cette « structure légère », avec ses trois juristes répondant à toutes les questions de ses adhérents, se bat également pour faire reconnaitre la « notion de territoire, c’est-à-dire la notion de surface pour l’eau, pour la forêt, pour l’alimentation, pour la terre… » qui sont autant de ressources (aménités dans le langage administratif) rurales qui profitent à tous les habitants et pas qu’aux ruraux, loin de là. L’eau est l’exemple parfait, mais demain, il citait l’agrivoltaïsme ou l’agriculture pour la souveraineté énergétique et alimentaire.
Pas être des villages dortoirs
Et la profession agricole de Saône-et-Loire a déjà largement travaillé dessus avec les Maires ruraux. Le président de la Chambre d’Agriculture étant déjà intervenu l’an dernier sur ce thème pour parler de la charte départementale améliorant la loi ou avec les services juridiques de la FDSEA71, représenté par son président, Christian Bajard ce jour.
Le président des Maires ruraux de Saône-et-Loire est en phase et conscient des atouts du département constitué à 97% de territoire rural où vit 57 % de la population, soit 10 points de plus que la moyenne nationale. « On doit agir pour une ruralité vivante et qui se développe », plaidait donc Jean-François Farenc qui avait préparé sa petite liste de revendications. À commencer par l’Éducation nationale, devant la directrice départementale (Dasen). La suppression annoncée de 42 postes d’enseignants (20 en maternelle et 22 en élémentaire) en milieu rural n’est pas acceptable pour les familles, surtout en raison des temps de transport à rallonge. « On ne veut aucune suppression de classes si l’effectif est au minimum de 16 élèves, engagé sur 3 ans », idéal pour bien apprendre en plus.
Car les villages ne veulent plus être « uniquement des dortoirs », que ce soit pour les enfants ou pour les parents travaillant. Thème de l’an dernier, la loi Zéro artificialisation nette (Zan) a été aménagée pour que les Maires ruraux « ne soient pas privés » d’un hectare si des besoins urbanistiques sont nécessaires. « C’est notre droit, à nous de savoir le déclencher si besoin », invitait-il à prendre le temps aussi d’étudier toutes les solutions pour préserver les terres agricoles en premier lieu. Jean-François Farenc distribuait d’autres bons points, pour les Gendarmes, Pompiers, Procureurs de Justice ou encore sur les 48 points France Services, ou plutôt « multiservices » tant les administrations se sont retirées. Car, Marc Labulle, en charge des relations postales, a dû écrire à la Ministre Catherine Vautrin pour déplorer la dégradation des livraisons Postale (qui affecte aussi votre journal, NDLR) alors que le Gouvernement, cherchant partout à économiser, voulait une cure d’austérité malvenue pour ce service essentiel dans la ruralité.
Des maigres retours par rapport aux apports
Pas question donc de toucher aux « ressources » des Maires ruraux. À commencer par le Fonds Verts « qui fond comme peau de chagrin », ou encore sur la dotation aux aménités rurales. « Une commune sur cinq la touche seulement si elle est dans un Parc naturel régional ou avec du Natura 2000 », plaidait-il devant les parlementaires pour « élargir la base dans la prochaine loi de Finances ». L’argument imparable est qu'un « urbain touche deux fois plus qu’un rural » en dotation globale de fonctionnement, redisait-il. Et c’est aussi déséquilibré pour les énergies renouvelables dont seule une petite partie de l’ifer est reversée aux communes productrices.
Dernier « cheval de bataille », les exonérations fiscales pour les communes classées en zones de revitalisation (ZRR devenue FRR). 89 communes de Saône-et-Loire avaient été exclues du dispositif le 1er juillet dernier. Elles ont été « repêchées », suite à la saisie du Premier Ministre Attal et le député Benjamin Dirx confirmait « que toutes ces communes éligibles à ce soutien ont été préservées ».
Un statut en vuede nouveaux maires
Saluant également la présidente des Maires de Saône-et-Loire, Marie-Claude Jarrot, Michel Fournier plaidait pour la création d’un « statut élu » même s’il n’aime pas au fond cette « forme de professionnalisation » mais qui lui parait de plus en plus juste face au travail effectué. Ce qui pourrait aussi « inciter des jeunes, professionnels notamment, à venir », avec d’autres idées pour faire fonctionner les communes. L’an dernier, 1.500 démissions ont été enregistrées, « la plupart lors d’un premier mandat » car « à minuit, la Gendarmerie vous appelle pour des vaches lâchées ou un habitant qui a perdu la clé de son logement social », parlait-il d’expérience.
La proximité est aussi celle des maires avec les Départements. Le président de la Saône-et-Loire, André Accary ne cachait pas la bataille budgétaire. « Au total, il va manquer 27 millions d’€ ». Pour autant, pas question de toucher au soutien aux projets des communes, ni à la rénovation des Gendarmeries, ni à la recherche de médecins. Il sait d’avance cependant comment l’État va avoir « la tentation de dégrader pour dire, après, le peu de fréquentation », comme l’illustre les établissements scolaires, agricoles notamment comme au Velet. Le Préfet, Yves Séguy ne démentait ni n’infirmait et se rangeait toutefois plutôt du côté « de la logique de proximité » se montrant plutôt favorable à reposer sur la table les questions de la « décentralisation et son corollaire, la déconcentration ». Un plébiscite pour une politique d’aménagement des territoires en faveur de la ruralité ?