Fermoscopie bovins viande 2020
Productivité et souplesse pour perdurer

Marc Labille
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Sans surprise, le revenu des producteurs de bovins viande baisse encore en 2020. Pour faire face, il faut avoir l’œil sur la productivité : plus de kilos de viande, des UGB productives, un veau par vache et par an, de l’autonomie fourragère… L’époque incite aussi à savoir saisir toutes les opportunités de marché. S’adapter, évoluer…

Productivité et souplesse pour perdurer
En 2020, la chute des prix de vente des animaux a entrainé une baisse des produits bovins viande.

Cette année, CerFrance 71 inaugurait le format visioconférences pour ses traditionnelles Fermoscopies de fin d’année. « Ce nouveau procédé a permis de maintenir l’événement malgré le Covid-19 », se félicitait le président Vincent Landrot. 280 internautes, désireux de connaître les résultats économiques de l’année passée en viande bovine, grandes cultures et lait, se sont inscrits pour les trois webinaires de fin novembre. Chiffres à l’appui, les experts de CerFrance 71 sont revenus sur une année ô combien atypique. Le changement climatique s’est une nouvelle fois confirmé avec la troisième sécheresse consécutive. Pour les éleveurs, cela s’est traduit par des déficits fourragers importants, un affouragement au pré, des stocks entamés avant l’hiver… Le Covid-19 n’a pas été sans conséquence non plus pour l’élevage allaitant. « Le confinement a provoqué une hausse de consommation de steak haché et le marché italien en a été perturbé », indiquait Emmanuel Gros de CerFrance 71. Si le prix des vaches grasses s’est stabilisé, en revanche tout le reste a chuté, complétait l’intervenant qui évoquait aussi une inquiétante décapitalisation. La Saône-et-Loire a perdu 50.000 têtes de bovins allaitants en quatre ans ! Sur le terrain, cela se traduit par des exploitations qui réduisent leur nombre de têtes tandis que la surface moyenne s’accroit. Une extensification comme une réponse aux sécheresses successives, analysait-on.

Le revenu s’écroule de - 25% !

En 2020, la ferme d’élevage moyenne de Saône-et-Loire (151 ha, 89 vêlages, 1,54 UMO) a vu son revenu s’écrouler de – 25 %, atteignant son niveau le plus bas de la décennie, révélait Emmanuel Gros. Avec 14.450 €, ce "revenu" agricole est inférieur au Smic et équivaut à environ 10.000 € par chef d’exploitation. Dans le détail, le produit brut des exploitations est en baisse de – 2,5 %. La chute des prix de vente a entrainé une baisse des produits bovins viande. Les aides Pac sont stables mais les autres produits chutent de manière importante, notamment en raison d’une mauvaise année en grandes cultures (-20 %). Les charges de structures sont stables mais les charges opérationnelles augmentent de + 1,4 %. En baisse de – 10 % par rapport à 2019, l’EBE est à son niveau le plus bas depuis dix ans. Une fois les frais financiers et les amortissements couverts, la part disponible pour le revenu est insuffisante. 

Situation financière saine jusqu’alors…

Paradoxalement, la situation financière de la ferme moyenne de Saône-et-Loire restait saine jusqu’alors. Le taux d’endettement n’était que de 36 % en 2019, ce qui est modéré, commente Emmanuel Gros. Mais cet endettement repart à la hausse en 2020. Fin 2019, la trésorerie révélait un excédent d’environ 10.000 €. Mais 2020 risque d’être moins favorable. L’analyse des critères de risque (endettement, capacité de remboursement, solvabilité, rentabilité) permettait de conclure que 84 % des exploitations étaient en bonne santé car étant en risque nul ou modéré. Une situation bien différente des grandes cultures ou ce taux n’était que de 46 % en 2019, faisait-on remarquer. Cela tend à montrer que si les revenus sont plus faibles en élevage allaitant, la gestion y est visiblement plus prudente.

Un sur deux gagne moins de 10.000 €/an

En 2020, les experts constatent à nouveau une grande hétérogénéité de revenus par exploitation allant de – 20.000 € à plus de 40.000 € en bovins viande. « Un exploitant sur deux gagne moins de 10.000 €/an ce qui est très insuffisant », constate Emmanuel Gros. Mais un exploitant sur trois gagne plus de 20.000 €/an, « preuve qu’il y a des éleveurs qui continuent de s’en sortir », fait cependant remarquer l’expert. Les 10.100 € de revenu par chef d’exploitation masquent une disparité entre systèmes avec des écarts qui se creusent entre les naisseurs et les autres. Alors que le "revenu" moyen d’un naisseur n’est que de 510 € par mois, celui d’un engraisseur (femelles ou mâles et femelles) atteint tout de même 1.250 € par mois. Cela traduit « une meilleure résistance pour ceux qui engraissent », fait valoir l’intervenant.

Le manque de rentabilité de l’activité élevage est un de ses points faibles. Pour rendre les trésoreries moins fragiles, il faudrait une rentabilité supérieure à 30 % alors que la rentabilité moyenne des élevages de Saône-et-Loire, en baisse, n’est que de 24 %, indique CerFrance 71.

Produire 33 tonnes de viande vive par UMO

Au terme de ce panorama préoccupant, Emmanuel Gros rappelle les fondamentaux d’une bonne santé économique. En premier lieu, la productivité de la main-d’œuvre avec ce chiffre à retenir de 33 tonnes de viande vive produite par unité de main d’œuvre. Autre point important : la productivité du troupeau doit atteindre 310 kg par UGB présente. Cela signifie qu’il faut faire la chasse aux UGB improductives et qu’il faut maîtriser l’IVV (intervalle vêlage vêlage) et un veau sevré par vache et par an. La productivité implique aussi l’autonomie du système fourrager. « 4 kg de viande vive sur 5 doivent être produits rien que grâce à l’herbe de l’exploitation », indique l’expert. Enfin, le coût de production ne doit pas dépasser 3,50 € par kilo de viande vive. Autrement dit, « le système doit produire plus de kilos à l’herbe de sorte à diluer les charges et abaisser le coût de production », synthétise Emmanuel Gros.

 

Gagner en souplesse de production

L’analyse des résultats économiques des exploitations met en évidence aussi « qu’une certaine souplesse de production, passant par un pilotage adapté », pouvait porter ses fruits. Ainsi, Cerfrance 71 incite-t-il les exploitants à savoir saisir les opportunités techniques. Par exemple, être capable d’un allongement des cycles de production dans certains cas (alourdir des animaux). Il peut être opportun de savoir faire preuve de plus de souplesse commerciale. Exemple : vendre maigre quand les cours sont moins favorables en gras… Il existe aussi des opportunités économiques : par exemple la vente directe. Dans le contexte du confinement, ce mode de valorisation a fait des émules. Emmanuel Gros évoque enfin des opportunités climatiques. Par exemple quand le printemps sec autorise une mise à l’herbe avancée, générant des récoltes précoces dont il faut savoir profiter pour faire une seconde coupe…