Interview croisée d’Arnaud Rousseau et Pierrick Horel
« Reprendre notre destin en mains »
Que représentent les élections Chambres pour les syndicats agricoles que vous représentez ?
Arnaud Rousseau : Les Chambres d’agriculture sont les organes essentiels pour agir sur le développement agricole, car c’est par les chambres que se diffusent les bonnes pratiques, les orientations innovantes, le conseil agricole et rural. Les élections de janvier 2025 revêtent un caractère très particulier dans le contexte actuel : les enjeux économiques, techniques, démographiques et environnementaux n’ont jamais été aussi nombreux. Il est donc plus que primordial de donner aux agriculteurs, à tous les agriculteurs, les moyens de les relever.
Pierrick Horel* : Sous le contrôle de la profession, les chambres exercent des missions de service public déléguées par l’État qui sont au cœur de la problématique des jeunes agriculteurs comme l’installation et dans l’accompagnement technique et administratif. Autant de domaines dans lesquels les services déconcentrés de l’État ne sont plus en mesure d’intervenir directement.
Elles ont un rôle majeur pour accompagner les nouvelles générations afin d’être mieux formées et préparées aux défis du changement climatique, notamment en favorisant l’innovation. Nous travaillons aussi à ce qu’elles puissent maximiser l’incitation à la transmission des exploitations, de sorte que chaque situation soit la mieux anticipée possible, dans des conditions favorables aux cédants et aux jeunes. C’est l’ambition que nous portons dans la loi d’orientation agricole pour le renouvellement des générations où nous proposons un guichet unique.
À l’image des scrutins précédents, la FNSEA et JA partent en rang serré, en faisant liste commune. Quel est votre mot d’ordre pour l’échéance du 31 janvier ?
A.R. : Nous devons et nous voulons reprendre notre destin en mains puisque nous constatons que l’État, les pouvoirs publics et leurs représentants sont dans la difficulté de donner de la visibilité et des perspectives aux agriculteurs. C’est une vision profondément constructive, qui ne laisse aucun agriculteur sans solution, que nous avons déclinée, avec Jeunes Agriculteurs dans la loi « Entreprendre en Agriculture », que nous avons écrite pendant l’été, tout en étant au plus près des agriculteurs qui vivaient une période estivale aux conséquences économiques et sanitaires dévastatrices. Notre vision à long terme pour la Ferme France tient en trois mots : revenu, production, dignité. Sur le revenu, nous nous battons depuis plus de six ans pour la construction du prix en marche avant. Les lois Egalim que nous avons portées constituent une grande avancée, mais nous demandons encore plus de transparence et de rigueur dans leur application et leur élargissement au niveau européen.
P.H. : Il nous faut aussi une fiscalité agricole adaptée qui soit incitative et non punitive, comme nous l’avons obtenu sur le GNR ou la TFNB. Il nous faut aller plus loin encore. C’est particulièrement important à l’heure où nous affrontons une chute démographique agricole qui appelle un renouvellement des générations.
A.R. : Aujourd’hui, en raison de surtranspositions absurdes qui donnent plus de crédit à des concepts idéologiques qu’aux résultats scientifiques, l’agriculture française croule sous les normes qui la pénalisent économiquement et socialement. Ce n’est pas avec de tels boulets administratifs, législatifs et réglementaires que nous parviendrons à atteindre les objectifs environnementaux que les instances françaises, européennes et internationales nous ont fixées. Je pense que dans ce domaine, notre expertise est bien plus avancée que d’autres.
Un récent sondage Ifop/Ouest France indique 88 % des Français soutiennent le mouvement de revendication que vous avez engagé l’hiver dernier. Cela vous rassure-t-il ?
P.H. : Leur soutien est notre victoire la plus précieuse et nous sommes heureux que les Français aient tout à fait compris que nous sommes utiles à la société.
A.R. : Il reste encore du chemin à parcourir pour améliorer le quotidien des exploitants quelle que soit leur production et leur territoire. C’est d’autant plus exigeant que nous vivons des temps d’instabilité politique qui entrainent de profondes incertitudes et déceptions. C’est notre combat du quotidien et nous ne ménageons pas notre peine.
Au soir du 31 janvier 2025, aurez-vous conservé la majorité absolue ?
A.R. : Notre projet est clair, et il est assumé : gagner ! Partout. Je sais que nos réseaux FNSEA et JA mettrons tout en œuvre pour parvenir à ce résultat, car ils ont pour eux de porter une ambition forte, un projet solide, et d’être soutenus par la force d’un collectif, héritiers du Serment de l’Unité Paysanne. JA et FNSEA sont des syndicats responsables, crédibles, porteurs de résultats, avec un ancrage territorial solide. Nous sommes fédérateurs et nous ne nous amusons pas à faire du buzz en intimidant et agressant d’autres agriculteurs : que des paysans s’en prennent à d’autres paysans, c’est une attitude que je trouve totalement indigne.
P.H. : Changer le logiciel est notre mot d’ordre. De nombreux agriculteurs et agricultrices veulent que les choses changent en profondeur, et ils attendent de leurs représentants qu’ils soient déterminés, motivés et unis. Nous y travaillons en proposant des choses très concrètes et faisables comme les contrats et plans d’avenir.
* Pierrick Horel est à la fois agriculteur en Saône-et-Loire et dans les Alpes de Haute-Provence