Blé - Breedwheat
Breedwheat accélère la sélection de nouvelles variétés de blé

Le séquençage du génome du blé et les nouveaux outils de sélection variétale mis au point, ouvrent des perspectives de recherche phénoménales. Avec à la clé des variétés de blé résistantes à tous les changements. Bilan de neuf années déjà de recherches. 

Breedwheat accélère la sélection de nouvelles variétés de blé

Les premières variétés de blé issues du programme Breedwheat seront commercialisées d’ici sept à neuf ans. Lancé par le G20 agricole en 2011, dans le cadre de la Wheat initiative, ce programme coordonne les efforts de recherche sur le blé pour développer des méthodes et des outils de sélections et d’obtentions accélérées de nouvelles variétés de blé. Elles ne seront en aucun cas des organismes génétiquement modifiés. Mais ces nouvelles variétés permettront d’avoir des gains génétiques plus importants que ceux constatés depuis une vingtaine d’années - une trentaine de kilogrammes de blé par an et par hectare, à stress hydrique équivalent – et actuellement annihilés par les conditions climatiques défavorables (excès de chaleur, déficit hydrique etc.). C’est pourquoi les rendements de blé stagnent depuis une dizaine d’années en France, expliquaient les chercheurs.

13.000 lignées de blé 

 « Le levier génétique restera prépondérant à l’avenir, à l’heure où l’agriculture doit faire face aux défis du moindre recours aux produits de protection des cultures tout en maintenant la production, et aux enjeux sociétaux (autonomie alimentaire, qualités nutritives et sanitaires des denrées alimentaires, etc.) », a déclaré Jacques Le Goui de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), coordinateur du projet BreedWheat. Par ailleurs, de nombreux outils et de méthodes de recherche ont été mis au point. Par exemple, les puces de génotypages 35K et 420K permettent de déterminer simultanément des centaines de milliers de marqueurs moléculaires dans des centaines de lignées de blé. Ainsi, 13.000 lignées de blé ont été caractérisées, dans le cadre du projet, sur la plateforme Gentyane d’INRAE-GDEC* à Clermont-Ferrand (lire encadré).

21 chromosomes et 107.000 gènes 

Mais le résultat majeur du programme Breedwheat est le décryptage, par 200 chercheurs regroupés au sein du consortium International Wheat Genome Sequencing Consortium, (IWGSC), du génome du blé. Il comprend 21 chromosomes codant 107.000 gènes. À partir des 12.000 accessions identifiées, un travail de sélection et d’identification “par entonnoir” a permis d’isoler, par étape, un panel de 450 variétés résistantes à des maladies, à la carence en azote et à la sécheresse. Et « pour introduire des sources de diversité génétique dans du matériel d’élite français, précise Jacques Le Goui, 27 populations regroupant 5.000 nouvelles lignées ont été créées à partir de ce panel de 450 variétés ».

Enfin, l’emploi de la puce 35K et de la puce 420K a rendu possible le génotypage de plusieurs milliers de lignées supplémentaires dans d’autres projets.

Sélection à la demande 

Les chercheurs ont aussi isolé, à partir des séquençages, les différentes parties du génome du blé en vue d’identifier des variétés permettant de répondre à des enjeux majeurs. Ils ont ainsi les moyens de sélectionner “à la demande”, grâce aux technologies mises au point, de nouvelles variétés pour répondre à de nouveaux besoins : teneur en protéines, tolérance aux stress biotiques et abiotiques, grosseur des grains etc. L’ensemble des résultats obtenus mais aussi des outils et des méthodes de sélection mis au point, est à la disposition de la communauté scientifique et des sélectionneurs pour créer de nouvelles variétés qui s’adapteront au changement biotique et abiotique. « Le projet Breedwheat nous a permis d’avoir accès à du matériel exotique et de caractériser au mieux sa résistance pour différentes maladies d’intérêt. Ce matériel sera déterminant dans nos futurs programmes de sélection », a déclaré Ellen Dugué-Goudemand, directrice de recherche en génétique et biométrie chez le semencier Florimond Desprez.

*Génétique Diversité Écophysiologie des céréales : gentyane.clermont.inra.fr

Plus de protéines et de rendement ?

Le changement climatique se traduit par des conditions défavorables, notamment « une forte augmentation des températures durant la dernière phase du cycle du blé » – le remplissage du grain, qui conditionne le rendement –, a rappelé Jacques le Gouis (Inrae), coordinateur de Breedwheat.

Ce phénomène fait partie des grands défis climatiques que souhaitait relever ce vaste programme de recherche qui s’est achevé l’an dernier, après neuf ans de travaux. Doté de 34 M€ avec un financement dans le Programme d’investissements d’avenir, Breedwheat a réuni 28 partenaires publics et privés, notamment l’Inrae, des obtenteurs, l’institut technique Arvalis.

La principale concrétisation de ce projet est le développement d’un modèle écophysiologique carbone-azote, capable de simuler la période post-floraison de la plante. Il tient compte de l’acquisition des ressources (photosynthèse, absorption d’azote, transpiration) ainsi que du métabolisme du carbone et de l’azote. À plus fine échelle, une plateforme informatique a été conçue pour la construction et l’analyse de réseaux d’interaction des gènes. Elle utilise des méthodes statistiques permettant de mettre en évidence les gènes clefs de sensibilité ou de résistance aux différents stress. Grâce à ces techniques, Breedwheat a permis d’identifier plusieurs protéines impliquées dans la régulation de la synthèse des protéines de réserve du grain, pouvant modifier leur concentration et leur composition. « On a identifié des régions du génome qui permettent d’avoir une teneur en protéines plus forte, à niveau de rendement équivalent », a signalé Jacques le Gouis. La tolérance à la sécheresse, mais également aux maladies, à une carence en azote, a été évaluée au champ sur 220 variétés lors de 27 expérimentations pendant trois ans. Ces données ont été analysées pour effectuer des études d’association qui permettent d’identifier les régions du génome impliquées dans ces tolérances.

Un trésor génétique à Clermont Ferrand 

Un peu plus de 25.000 accessions ou entités génétiques de céréales, composées de ressources génétiques patrimoniales (variétés de pays, lignées issues de programme de sélection, variétés inscrites) sont maintenues à Clermont-Ferrand. La collection globale se compose d'environ 12.000 blés tendres (Triticum aestivum) et apparentés, 2.800 blés durs (Triticum durum) et apparentés, 6.600 orges (Hordeum vulgare), 1.300 triticales (x triticosecale), 1.200 avoines (Avena sp.), 450 aegilops et 80 seigles (Secale secale).