Biocontrôle
La pulvérisation au centre des préoccupations

Régis Gaillard
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Le 24 novembre dernier, le Pôle Technique et Qualité du BIVB proposait un webinaire sur le biocontrôle et la pulvérisation. Dans un contexte de réduction de l’utilisation des intrants par la filière vitivinicole, les nouveaux produits de traitements et la qualité de pulvérisation sont deux leviers pour tendre vers cet objectif. Sans oublier une meilleure détection en amont.

La pulvérisation au centre des préoccupations
La qualité du traitement résulte en particulier d'une bonne répartition. (photo : Sophie Trouvelot)

Cette matinée aura permis d’assister à des interventions particulièrement instructives. Ainsi, Xavier Daire (Inrae), chercheur à l’UMR Agroécologie de Dijon, s’est plus particulièrement intéressé au biocontrôle. Un biocontrôle dont l’ambition est de proposer des alternatives. Lequel biocontrôle est un ensemble « d’agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». Il est possible de recenser quatre catégories d’agents de biocontrôle. À savoir les macroorganismes auxiliaires (invertébrés, insectes, acariens, nématodes) utilisés contre les prédateurs, les parasitoïdes ou les entomopathogènes. Il y a également les micro-organismes (champignons, bactéries, virus) pour lutter notamment contre les parasitismes ou aidant à la stimulation des défenses des plantes. On n’oubliera pas les médiateurs chimiques (phéromones, kairomones ou allomones) centrés sur la confusion sexuelle et le piégeage. Et, enfin, les substances naturelles - d’origine végétale, animale, minérale ou microbienne - ayant un effet pesticide, aidant à la stimulation des défenses des plantes et à la répulsion. À l’exception des macroorganismes auxiliaires, les trois autres agents de biocontrôle sont soumis à une autorisation de mise en marché (AMM). À noter que la réglementation applicable pour les produits de biocontrôle est différente de celle visant les produits autorisés en Agriculture biologique (AB). En effet, les produits AB sont des produits phytosanitaires d’origine naturelle avec AMM. Il y a de nombreux produits de biocontrôle autorisés en AB : soufre, huiles essentielles, etc. Mais aussi des produits de biocontrôle interdits en AB (phosphonate par exemple) et des produits AB exclus du biocontrôle, notamment au regard de leur effet sur l’environnement (cuivre...).

Des efficacités variables

Pour ce qui est des biostimulants, il existe une réglementation des matières fertilisantes. Ils agissent par stimulation de processus biologiques de la plante sans être des substances fertilisantes (nutriments) en soi. Ils ont souvent un effet hormonal. On peut citer, à titre d’exemple, les extraits de plantes, d’algues, les substances humiques ou encore les microorganismes. Lorsque l’on se penche sur les produits de biocontrôle en viticulture, les principaux sont les phéromones (RAK), l’anti-mildiou (phosphonates, huiles essentielles d’agrume, SDP), l’anti-oïdium (soufre, armicarb, huiles essentielles, SDP) et l’anti-pourriture (micro-organismes du type Bacillus subtilis).

En guise de conclusion, Xavier Daire estime que les produits de biocontrôle sont une catégorie phytosanitaire « fourre-tout ». Mais aussi qu’il s’agit de produits aux modes d’action très divers. « En pratique, contre le mildiou et l’oïdium, les produits de biocontrôle les plus efficaces sont les fongicides (phosphonates, soufre, armicarb, huiles essentielles…). Les SDP (Stimulateurs de Défense des Plantes) peuvent compléter l’action des fongicides mais leur utilité pratique est controversée ».

Des différences entre SDP sous serres et au vignoble

Pour sa part, Sophie Trouvelot (IUVV), chercheuse à l'UMR Agroécologie de Dijon, s’est plus particulièrement intéressée lors de son intervention à l’efficience de la pulvérisation. Avec, comme constat, que l’efficacité des SDP diminue dès que l’on passe au vignoble (in natura). En effet, les SDP ont une bonne efficacité sous serres mais celle-ci devient très aléatoire au vignoble. Un certain nombre de SDP (et notamment les polysaccahrides extraits d’algues) sont hydrophiles et ont donc peu d’affinité pour la cuticule (i.e. couche cireuse recouvrant les organes). Cela pose un réel souci en termes de pénétration foliaire (car pour être actif un SDP doit franchir la cuticule puis la paroi cellulaire) et donc d’efficacité. La question est de savoir si la perte d’efficacité observée dans l’induction de résistance par des SDP au vignoble peut être, pour partie, expliquée par un différentiel entre la dose appliquée lors du criblage sous serres et celle réellement retenue (à concentration équivalente en produit) sur des feuilles développées au vignoble. Afin d’amener des éléments de réponse, a été mis en place le projet Delivra (Dose effective du laboratoire au vignoble et pulvérisation adaptée). L’occasion d’apporter plusieurs conclusions particulièrement intéressantes. À commencer par le fait que, concernant l’évolution du taux de rétention d’un traitement au cours de la saison et entre feuilles de natures différentes (boutures vs vignoble), il y a un possible lien avec la texture des feuilles. En effet, la présence de cires cristallines épicuticulaires sur les feuilles et baies du vignoble, déposées progressivement au fil de l’avancée dans les stades phénologiques, peut moduler l’adhésion, donc la rétention, du traitement. Par exemple, le système de buses PréciJet apporte une très bonne répartition du traitement et des niveaux de rétention équivalents (ou très proches) entre face supérieure et face inférieure des feuilles. Il y a, en outre, une bonne couverture de la face inférieure, indispensable dans la lutte contre le mildiou (car l’agent pathogène pénètre par les stomates, type de cellule présent quasi-exclusivement à la face inférieure des feuilles). À noter aussi, que la buse Lechler (à limitation de dérive) apparaît prometteuse. Il convient de garder en tête qu’une feuille de vignoble retient trois à cinq fois moins de produit (par unité de surface) qu’une feuille de bouture.

Répartition du traitement

Cependant, avec un pulvérisateur viticole de type PréciJet, la répartition du traitement est très homogène, contrairement au spray manuel utilisé sous serres. Dans ce contexte, il faudrait envisager de multiplier par cinq la dose efficace sous serres pour avoir une dose équivalente au vignoble. De plus, lors des étapes de criblage il est nécessaire de faire attention à la qualité de pulvérisation utilisée sous serres (gouttelettes de tailles diverses et couverture hétérogène de la surface), qui ne reflète pas ce qui sera fait au champ (gouttelettes fines et répartition plus homogène). Enfin, il y a une moins bonne rétention de nouveaux traitements si des résidus du traitement précédent sont toujours en surface. Ce point de vigilance est à garder en tête, d’autant plus quand les deux traitements consécutifs n’ont pas les mêmes objectifs ou cibles.