Exportations de vins et spiritueux
Vins et spiritueux : Les exportateurs craignent toujours pour 2021

Les taxes Trump et la pandémie ont provoqué une chute des exportations françaises de 14 % en valeur l’année dernière. Le durcissement des sanctions américaines en décembre dernier pourrait encore retarder la reprise.

Vins et spiritueux : Les exportateurs craignent toujours pour 2021

Les exportations françaises de vins et spiritueux ont subi un décrochage massif en 2020, a indiqué le 11 février la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS). « Les ventes des entreprises à l’étranger ont baissé de 5,8 % en volume l’année dernière, mais surtout de 14 % en valeur, à la faveur d’une baisse des prix et de produits haut-de-gamme plus touchés », a résumé César Giron, le président de la FEVS. En un an, deux milliards d’€ de vente se sont ainsi envolés, le bilan des exportations fondant de 14 milliards d’€ (Md€) à 12 Mds€. Les deux grandes familles de produits que sont les vins d’une part et les spiritueux d’autre part ont été également pénalisées, chaque secteur ayant perdu un milliard d’€ dans l’année écoulée. Mais ce sont cependant les spiritueux, partant d’une base moins élevée, qui ont payé le plus lourd tribut à la crise avec une chute des ventes en valeur de 19 %, le Cognac perdant à lui-seul 700 millions d’euros (M€) sur l’année. Les vins tranquilles ont plutôt bien tiré leur épingle du jeu, à la différence du champagne (-20 % en valeur) qui a subi de plein fouet la fermeture des bars et restaurants dans de nombreux pays. La bonne tenue des vins tranquilles s’explique notamment par la façon dont les exportateurs ont su contourner la première salve de sanctions américaines d’octobre 2019 en développant les ventes en vrac, celles-ci ayant été épargnées dans un premier temps. Car si la pandémie a eu un effet aggravant sur l’activité d’export, ce sont bien les sanctions américaines qui ont pesé le plus lourd sur la balance du commerce des vins et spiritueux français, a insisté César Giron, le président de la FEVS.  « Les 670 M€ de baisse de ventes aux États-Unis représentent à eux seuls plus d’un tiers de la baisse du chiffre d’affaires enregistrée par les vins et spiritueux français en 2020 », a-t-il indiqué. Les dégâts sont particulièrement importants pour certaines appellations comme Bordeaux, qui a vu ses ventes dans ce pays chuter de près d’un quart.

L’inconnue américaine

Si certains marchés ont repris une courbe ascendante en Asie, l’inquiétude reste vive sur l’évolution des relations avec les États-Unis. L’extension des sanctions américaines en fin d’année dernière aux vins de moins de 14°, aux vins en vrac et à des catégories supplémentaires de spiritueux pourrait peser encore plus négativement sur les comptes des entreprises cette année. « Si le contexte ne change pas, nous anticipons un recul des ventes aux États-Unis de 700 M€ en 2021, soit d’1 Md€ en deux ans pour les seuls vins tranquilles », a estimé Antoine Leccia, vice-président de la FEVS.

Autant dire que la levée des sanctions américaines constitue la priorité n°1 des exportateurs de vins et spiritueux français. Les dirigeants de la FEVS espèrent bien sûr que la nouvelle administration à la tête des États-Unis infléchira ses positions sur le sujet. « Mais compte-tenu du rythme des réexamens des sanctions (tous les 6 mois, Ndlr), il y a fort à craindre que rien ne change avant le mois d’août prochain », a estimé César Giron. Celui-ci compte néanmoins sur la pression exercée par le secteur des bars et restaurants aux États-Unis qui fait également les frais des taxes américaines. En Europe, la Copa-Cogeca et la FNSEA font pression sur tous les élus.

Les dirigeants de la FEVS ont également appelé le gouvernement français à prendre conscience de l’importance des vins et spiritueux pour le commerce extérieur et l’économie français en général « et à ne pas sacrifier les vins et spiritueux sur l’autel de l’aéronautique ». Ils ont notamment relevé que le secteur aéronautique, premier contributeur à la balance commerciale française (16 Md€), avait été aidé à hauteur de plusieurs milliards d’€ en raison de la crise actuelle, à la différence de celui des vins et spiritueux. « Si l’on tient compte de cette différence de traitement, c’est bien aujourd’hui le secteur des vins et spiritueux qui est aujourd’hui le premier contributeur net au commerce extérieur français », a assuré César Giron.

Une dépendance croissante aux pays-tiers

Avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 1er janvier, la proportion des exportations française de vins et spiritueux destinée aux pays tiers s’est encore accrue pour atteindre potentiellement les deux tiers des ventes. « Une dépendance qui constitue actuellement une faiblesse dans un contexte de retour des politiques de tarifs à l’importation », a reconnu César Giron, le président de la FEVS. Sur les dix premiers clients de la France à l’export, seuls l’Allemagne (3e) et la Belgique (6e) sont désormais des pays de l’UE. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne fait d’ailleurs craindre aux exportateurs un report d’une partie des sanctions américaines sur les pays membres de l’UE actuelle. Les exportations intra-européennes ont plutôt bien résisté à la crise (en Belgique, aux Pays-Bas ou encore en Suède), grâce notamment à d’importants reports sur la consommation à domicile. La Bourgogne viticole s'inscrit particulièrement dans ce schéma.