Vitiscopie 2021
En 2021, « l’optimisation générale » de l’exploitation a permis de différencier les meilleurs bilans comptables

Cédric MICHELIN
-

Le 2 mars dernier à Sennecé-lès-Mâcon, le Cerfrance 71 comparait les trois grands systèmes viticoles présents en Saône-et-Loire : des coopérateurs (en AOC régionales), des vignerons (vracs et bouteilles) et enfin des Domaines majoritairement en ventes directes (en AOC communales). De quoi avoir de grands repères économiques.

En 2021, « l’optimisation générale » de l’exploitation  a permis de différencier les meilleurs bilans comptables
« Une moyenne représente tout le monde et personne ; derrière ces moyennes se cachent de grandes disparités », redisaient philosophiques les analystes du CERFrance 71 pour rappeler l’importance de pondérer tous les chiffres présentés.

Après avoir décrit la situation générale (lire notre précédente édition), les deux analystes du Cerfrance 71, Émilie Golin et Arnaud Carbonnier, s’attaquaient donc à expliquer les chiffres du panel retenu, représentatif de viticulteurs en comptabilité au Cerfrance 71.
Premier groupe étudié, les coopérateurs ayant une dominante d’appellations régionales qui ont donc clôturé leurs comptes fin juillet 2021, sur la récolte 2020 et qui ont perçu les acomptes 2019 principalement. L’exploitation type est composée de 12,8 ha de vignes en production en AOC régionales (96 %) dont le rendement moyen avoisine les 59 hl/ha. Le bilan comptable s’établit alors à 527.800 €. « Les résultats sont supérieurs à la période 2011-2015 » avec une moyenne de 34.700 € / UTAF (contre 28.600 € en 2020). Des résultats qui ont pu être complétés par des VCI. La marge brute par hectare s’est légèrement améliorée à 15.050 €/ha contre 14.290 € en 2020. Les charges de structure (par hectare) sont stables. Toutefois, avec un EBE à 78.700 € et 49.300 d’annuités, le solde de trésorerie est négatif à -9.000 € après les prélèvements privés (51.100 €). « Le rapport EBE sur produit brut (33 % en 2021), c’est-à-dire l’efficacité économique de l’entreprise, est le plus mauvais de la décennie (37 %) et nous interroge. On voit une perte d’efficacité avec plus de charges. Si demain, il n’y a pas de volume, il n’y aura pas de résultat car il y aura toujours autant sinon plus de charges ». La valorisation des acomptes des caves vient fausser la lecture avec des augmentations de la valeur des stocks de +37 %. Après la récolte 2019 toutefois, les trésoreries se sont dégradées. Pas d’inquiétude toutefois, le taux d’endettement reste sain dans la grande majorité des cas puisque 89 % des coopérateurs ont un risque faible à nul. Le taux d’endettement est de 43 % en moyenne.
Si avant, chaque hectare et hectolitre supplémentaires permettaient de diluer les charges, cette règle est moins vraie en cette année comptable 2021 où c’est plutôt « l’optimisation générale » de l’exploitation qui a permis de différencier les meilleurs bilans comptables. « Même si ceux qui dégagent le plus de revenus sont les plus productifs à l’hectare », affirmaient les analystes, rajoutant toutefois un nouveau critère qui fait la différence : « les surfaces en propriété » avec derrière la question des fermages à maîtriser pour les autres.

Les vraceurs confortés

Il en va de même pour l’échantillon des caves particulières qui commercialisent plus de 20 % de leurs volumes en bouteilles et donc une majorité en vrac. Ici, le rendement moyen observé est de 48 hl/ha sur 12,4 ha de vignes. Le bilan atteint 905.000 € avec un endettement de 54 %. En 2021, le CER constate « une inflation des charges » depuis 2016 surtout. Une évolution « encore plus marquée » sur les charges de structures avec notamment le poids des investissements. L’acte de production (mécanisation, chai, main-d’œuvre…) s’élevant à 23.422 €/ha. « Tout mis bout à bout, cela vient grignoter la marge ». L’EBE s’élève à 129.000 € (contre 113 k€ en 2020) permettant des prélèvements privés de 65.300 € et un solde de trésorerie positif de 12.500 €. Le ratio EBE/produit brut (28 %) s’effrite néanmoins. « À surveiller ces signaux faibles. Il n’y a pas de petites économies, surveillez vos charges ». Le résultat courant passe néanmoins à 48 k€/UTAF « confortant le bilan » de l’entreprise.

Deux systèmes bouteilles

Autre groupe étudié, celui des Domaines réalisant 10 à 30 % des ventes bouteilles en direct. Soit un Domaine « plutôt en rouge (10 ha), avec un rendement de 52 hl/ha et vendant en direct entre 15 à 17.000 bouteilles par an (20 % du total) ». Là, la tendance se confirme, « depuis quatre ans, le revenu/Utaf recul de façon conséquente » depuis le maximum atteint en 2017 (64 k€/Utaf). La faute à la hausse des charges opérationnelles et de structures, pour produire et commercialiser, ce qui finit par « contracter » le résultat malgré des prélèvements privés encore de 50 k€ et de « faibles » annuités (25-30 k€/an). « Ces systèmes restent néanmoins sensibles aux volumes commercialisés ou non en vrac ».
La conclusion, sans être une comparaison, des deux analystes du Cerfrance 71 était donc logique : « les plus performants économiquement sont les viticulteurs en appellations régionales car ils ont plus de productivité (/ha ; par Unité de main-d’œuvre), qui amortissent plus leurs charges et qui "économise" sur les fermages en régionales. L’optimisation du système vient de la possibilité de bien valoriser le vrac, du simple au double ». Peu impactés par la crise sanitaire, ces systèmes d’exploitation sont sains (taux d’endettement de 47 % avec de la trésorerie). Par contre, « le prix d’équilibre reste très lié à l’effet volume », ce qui pose question avec la vendange 2021.

Stabiliser l’après 2020 en bouteilles

Enfin, dernier groupe étudié, les Domaines vendant eux plus de 60 % de leurs vins en bouteilles, même 78 % dans l'échantillon, plutôt en appellations communales. Domaines généralement de 12 ha, avec un rendement de 49 hl/ha, principalement en rouge pour un bilan de 400.000 €. Soit 40 à 45.000 bouteilles vendues en direct par an. Avec un EBE de 43.820 €, des annuités de 21.800 € et des prélèvements privés de 30.910 €, le solde de trésorerie est tout juste négatif (-190 €). L’analyse du risque mesuré par le Cerfrance est plus inquiétant : 43 % des Domaines sont en risque « moyen » et 33 % en risque « élevé ». Le résultat est de 28.600 €/Utaf en 2021 en moyenne. « 2020 est la première année de baisse conséquente de ces systèmes en vente directe bouteilles ».
Pourtant, les vignerons ont bien travaillé et bien que « bousculés », l’impact de la crise sanitaire a été effacé par la bonne reprise des restaurants, cavistes… mais les hausses des charges viennent pénaliser les Domaines. Reste de très belles réussites pour les Domaines en appellations communales « avec de très belles valorisations par cols liées à l’image du Domaine et de l’AOC », pour peu que le système de commercialisation soit stable et les charges maîtrisées.
Revers de la médaille, « les conséquents capitaux de 800.000 € sont à surveiller » mais le taux d’endettement est maîtrisé (40 %). La trésorerie est « à surveiller » également car les prélèvements privés et annuités sont « importants » derrière.
Alors que le « prix d’équilibre atteint des sommets », avec l’arrivée à la vente du millésime 2021 et « avec la nouvelle hausse des charges (énergie, matières sèches…), tout le monde ressent des difficultés à les répercuter. Surtout au caveau où les prix ne doivent pas afficher d’à coup mais des hausses lissées ».
La grande inconnue pour tous sera « la vendange 2022 que tout le monde espère correcte pour redonner des perspectives ». Rajoutons aussi qu’il faudra gérer l’atterrissage des « cours du vrac qui ont doublé en un an », avec les fermages et MSA derrière. Dans ce cas seulement, un retour à de bons résultats serait probable. « Le grand défi va être maintenant de conserver les clients et de bien faire les bonnes allocations ». Et ce jusqu’en 2024… « diversifiez vos secteurs de vente, vos gammes, cela sécurise. Et produire un hectolitre de plus permettra toujours de diluer charges », conseillaient-ils en conclusion.