Corel avicole Bourgogne Franche-Comté
La Région appelée à accompagner ses éleveurs de volailles

Cédric Michelin
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Ancien éleveur de volailles à Versaugues et président du Comité d’orientation régional de l’élevage (Corel), section avicole, Louis Accary est déterminé à défendre les intérêts des éleveurs de volailles face aux élus du Conseil Régional qui ne soutiennent plus du tout la deuxième filière viande de Bourgogne-Franche-Comté. Après une année blanche sur les aides aux bâtiments d’élevage, la situation n’a que trop duré.

La Région appelée à accompagner ses éleveurs de volailles

Au cœur du débat se trouve une question fondamentale, une interrogation qui résonne dans les campagnes avec la crise des fonds Feader et qui s’invite désormais au sein des instances décisionnelles : « est-ce que la région Bourgogne a encore envie de soutenir son agriculture ? ». Cette question, lancée par Louis Accary, résume à elle seule les défis et les tensions auxquels sont confrontés les éleveurs de volailles de la région. Et pas que.

Louis Accary est prêt pour cette réunion cruciale, tout comme les membres du Corel qui rassemble l’ensemble des acteurs et faiseurs de la filière volailles en Bourgogne-Franche-Comté (éleveurs, abatteurs…). Suite à une précédente rencontre en février avec le Conseil régional, « fin d’année dernière, j’avais dit que c’était hors de question de continuer comme ça, qu’il fallait absolument qu’on se voit en tout début d’année », rappelle-t-il, soulignant l’urgence de la situation.

Une année blanche 2023 pour les bâtiments avicoles

La controverse a notamment émergé autour du financement des bâtiments d’élevage, une pierre angulaire pour le maintien et le développement de l’activité avicole. « Au départ, la Région ne voulait même pas financer les bâtiments en standard », déplore Louis Accary. Un combat a été mené, et des victoires arrachées, mais non sans peine, selon ses mots.

La politique régionale en matière d’agriculture est perçue par Louis Accary et ses pairs comme étant en décalage avec les réalités du terrain et les besoins des éleveurs. « La majorité des élus du conseil régional semble chercher la bagarre », affirme-t-il, évoquant une année blanche marquée par l’explosion des coûts des matériaux et une complexification administrative jugée atroce.

Il reste encore bien des difficultés. Le système de points, instauré par la région pour l’octroi des aides, est un autre point de friction. Louis Accary le décrit comme un système si restrictif que « personne n’est finalement capable d’atteindre ce nombre de points minimum ». Cette situation, loin d’être isolée au secteur, touche également l’ensemble des productions, du bio, AOP au label, semant le doute et l’incertitude parmi les éleveurs.

Face à ces défis, le Corel avicole Bourgogne-Franche-Comté propose des solutions concrètes. Une révision de la fameuse grille de points, un rehaussement du seuil pour les aides, et une simplification significative des dossiers sont au nombre des demandes formulées. « Le Corel est là pour construire l’avenir », insiste Louis Accary, qui a également proposé aux conseillers régionaux une visite en élevage pour mettre à jour leurs connaissances sur l’élevage en 2024.

L’importance de la consommation standard

L’enjeu dépasse largement la question des aides et des réglementations. Il s’agit de l’avenir même de l’agriculture régionale, de sa capacité à répondre aux attentes des consommateurs, à maintenir sa compétitivité et à préserver son autonomie. « Il y a une demande de poulets standards. C’est encore ce qui se consomme le plus et qui continue à se développer », rappelle Louis Accary, soulignant l’importance de ne pas perdre de vue les réalités du marché en Bourgogne-Franche-Comté.

Dans ce contexte tendu, la future réunion s’annonce comme un moment clé. Elle réunira les acteurs du secteur dans l’espoir d’arriver à des résolutions concrètes et rapides. « Après cette visite et réunion de travail, il faut qu’il sorte des choses concrètes et qui soient activées très vite. On a perdu un an, on ne peut pas se permettre de perdre une deuxième année », insiste Louis Accary, mettant en avant l’urgence de la situation et la nécessité d’agir avec célérité.

L’appel à un sursaut des élus régionaux

Cette réunion est aussi le théâtre d’un dialogue nécessaire entre les éleveurs et les responsables politiques, un dialogue qui, espère Louis Accary, permettra d’éclaircir les malentendus et de poser les bases d’une collaboration fructueuse. « On espère qu’il y aura quand même quelques administratifs », dit-il, soulignant l’importance de la présence de ces « décideurs » comme des élus politiques.

La crise avicole en Bourgogne-Franche-Comté n’est pas seulement un enjeu économique ; elle touche également à la souveraineté alimentaire de la région et, par extension, du pays. « Quand on voit qu’au niveau national, on a dépassé les 50 % d’importation en volailles, c’est fou ! Et puis ça monte, ça monte », alerte Louis Accary qui siège au national à la CFA et à l’Itavi. Cette dépendance croissante vis-à-vis des importations est une menace directe pour notre souveraineté alimentaire, un sujet qui, selon lui, nécessite une action immédiate et résolue de la part des pouvoirs publics.

Ne plus faire l’autruche

Louis Accary ne manque pas de souligner l’ironie de certaines situations, comme celle de l’approvisionnement des cantines des lycées, qui, malgré les discours favorables au local et à la qualité, continuent d’acheter du poulet standard, faute de budget pour passer au label. « Ou alors, puisque vous ne voulez plus de standard qui ne vient souvent pas de BFC ni de France, faute de budget. Est-ce que vous avez le budget pour mettre que du label, AOP ou du Bio dans les cantines ? Car là, ça ne va pas être le même budget », pointe-t-il du doigt, mettant en exergue les contradictions entre les discours et les pratiques.

Au-delà des enjeux économiques et politiques, c’est une question d’identité et de patrimoine qui se joue. L’aviculture est une composante majeure du paysage agricole de la Bourgogne-Franche-Comté, et sa disparition entraînerait des répercussions bien au-delà des seuls chiffres de production. « C’est la deuxième viande abattue en Bourgogne. Ce n’est quand même pas de la rigolade », rappelle Louis Accary, soulignant l’importance de ce secteur pour l’économie régionale et pour l’emploi, avec 3.000 emplois directs et indirects.

Délocalisation et perte de souveraineté alimentaire

Le président du Corel avicole Bourgogne-Franche-Comté ne mâche pas ses mots et lance un avertissement clair : si les besoins et les réalités du secteur ne sont pas pris en compte, la région risque de voir disparaître une partie importante de son agriculture. « Si les élus régionaux ne veulent plus d’aviculture, qu’ils le disent franchement, mais à ce moment-là, ne soyez pas surpris que toute cette partie-là d’élevage et d’abattage parte de la région », prévient-il. La région Aura n’attend que ça.

En Bourgogne-Franche-Comté, une région pourtant fière de ses terroirs et de son patrimoine agricole, ce combat se joue pour l’instant loin des regards du grand public, mais au centre des préoccupations des acteurs du monde agricole. La crise agricole actuelle n’a pas voulu soulever les difficultés propres à chaque région et production. Dans cette bataille pour l’avenir de l’aviculture en Bourgogne-Franche-Comté, Louis Accary vient donc armé de propositions concrètes et d’une volonté inébranlable de voir son secteur survivre. La future réunion pourrait bien être un tournant décisif dans cette lutte pour la reconnaissance, le soutien et la valorisation de l’aviculture régionale. « Nous voulons pouvoir garder la possibilité d’avoir une agriculture diverse avec l’opportunité de se diversifier. De plus en Bourgogne-Franche-Comté, l’aviculture est très complète sur ses modes de production (standard, label, Bio, AOP) et dans ses types d’animaux (poulets, pintades, canards, dindes, poules pondeuses), ce qui est une vraie richesse pour notre région », insiste Louis Accary qui conclut : « Ne vaut-il pas mieux avoir la production sur notre territoire qui est suivie pour répondre aux demandes sociétales et sanitaires plutôt que d’importer de l’étranger des produits dont on ne connaît que le prix, élevés avec des produits et des pratiques interdites en France. Nous voulons continuer de pouvoir intervenir avec le "bon sens paysan" ».