Poulets de chair
Le cas d’école retenu par Agridées

Cédric Michelin
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Dans de nombreuses filières agricoles et agroalimentaires, notre pays s’est laissé distancer par ses voisins européens. Un poulet sur deux consommé en France est importé. Le Think tank Agridées montre la voie à suivre pour reconquérir sa souveraineté alimentaire en s’appuyant sur la filière poulet avec comme objectif, accroître sa production de 160 000 t par an.

Le cas d’école retenu par Agridées

Sans les céréales et les boissons, le solde commercial agricole et agroalimentaire français de 2023 serait déficitaire de 15 milliards d’euros (Md€). On ne compte plus les filières déficitaires. Celle des volailles est l’une d’elles. L’an passé, son déficit a franchi le seuil du milliard d’euros (1,045 Md€). En valeur, notre pays importe 2,3 fois plus de viande qu’elle en exporte. Les Français consomment en moyenne 22,5 kg de poulet par habitant et par an (kg/ha/an). Ces dix dernières années, la viande consommée en plus (7 kg/ha/an) est essentiellement de la viande importée. « La violente asymétrie entre les tendances de consommation et de production conduit à l’explosion des importations, 50 % des poulets consommés sont importés sans préciser l’origine », souligne Yves Le Morvan directeur filières et marchés à Agridées, dans une note de 56 pages intitulée « Souveraineté alimentaire ? Le cas du poulet ».

100 €/an

« En fait, il y a deux agricultures en Union européenne, celle qui est importée et qui échappe aux règles de la Pac et celle des Vingt-sept États membres qui croule sous les normes », relève Jean-Michel Schaeffer, président de l’interprofession de volailles de chair (Anvol). Le programme de reconquête de modernisation visant par exemple à réduire le déficit commercial français en viande de poulet était un des thèmes des tables rondes organisées dans un colloque par Agridées fin février. L’objectif affiché est de produire en France 160.000 tonnes de poulet en plus par an, soit un cinquième des quantités de viande actuellement importées. Dans sa note, le plan proposé par Yves Le Morvan s’élève de 2 Md€. Il vise entre autres à construire 600.000 M2 de nouveaux bâtiments (400 millions d’euros – 400 M€) et à rénover le parc existant de 4 millions M2 (800 M€). Si on retient une durée d’amortissement de 15 ans, le coût du plan de reconquête proposé ramené à la tonne de poulet est de 100 € par an.

Il reste à convaincre le citoyen de la nécessité d’accepter la conception des bâtiments pour produire 160.000 tonnes équivalent carcasses (téc) de plus de viande par an. Le programme de reconquête de souveraineté serait incomplet si l’industrie de l’alimentation des volailles ne relocalisait pas ses sources d’approvisionnement. Elle est actuellement très dépendante des importations de soja américain et brésilien.

Dumping

Pour produire plus de protéagineux, Yves Le Morvan suggère justement de majorer les aides allouées aux cultures de protéagineux et de créer un label mentionnant que les animaux ont été nourris avec des aliments produits en France. Quant au soja et aux poulets importés de pays tiers, la Commission européenne doit s’assurer que ces denrées ne résultent pas de terrains déforestés. « Une reconquête, même partielle de la souveraineté, impose des mesures pour se protéger d’une concurrence établie via d’autres modèles sociétaux et environnementaux », avertit Yves Le Morvan. Seule, une faible partie du poulet importée en France provient d’Ukraine (4.000 tonnes en 2022). Mais cette année-là, le pays a exporté 170.000 t de viande en Union européenne, dont 90.000 t vers les Pays-Bas où la denrée est ensuite réexportée. Depuis, les expéditions de poulets se sont nettement accrues. La Commission européenne ne doit pas attendre. « Elle doit activer une clause de sauvegarde pour limiter les importations de poulets qui relèvent du dumping dans tous les sens du terme », recommande Agridées. Par la suite, les nouveaux accords commerciaux devront être assortis de clauses miroirs et de garde-fous en matière de bien-être animal et d’alimentation des animaux notamment. En France, les consommateurs doivent savoir ce qu’ils ont dans leur assiette. Aussi, l’origine de la viande utilisée en RHD ou employée pour élaborer des produits transformés doit être mentionnée. Pour garantir une bonne rémunération aux éleveurs, l’idée d’étendre la loi ÉGAlim à toute la filière volaille et dans les autres pays européens fait mouche.