Filière viti-vinicole de Saône-et-Loire
Sortie technique pour le Préfet dans les vignes de la Côte Chalonnaise

Cédric Michelin
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Jeudi 13 avril, le Préfet Yves Séguy a fait le tour de la Côte chalonnaise pour s’enquérir longuement des problématiques « techniques » de la filière viticole. Très à l’écoute, nul doutes que l’exercice lui aura permis – ainsi qu’à ses services à la DDT – d’entendre certains messages peu communément exprimés aussi librement. Notamment, autour de la volonté d’accélérer sur l’adaptation au changement climatique, de façon très pratico-pratique et pas du tout politico-théorique.

Sortie technique pour le Préfet dans les vignes de la Côte Chalonnaise

Cette journée viticole débutait, à l’heure du café, à la cave de Buxy. Son président, François Legros et sa responsable communication, Caroline Torland, accueillaient le petit comité, voulu par le Préfet, avec simplement la DDT (Mr Goron, Mme Cretin, Mr Charasse), le président de la chambre d’Agriculture, Bernard Lacour, accompagné de son chef du service Vigne & Vin, Benjamin Alban et enfin, Jérôme Chevalier, vice-président de la CAVB au titre des appellations des vins de Bourgogne. « Issu d’une famille viticole » du sud de la France, Yves Séguy ne cachait pas « son affection et son plaisir » d’être en Bourgogne, réputée pour « le saut qualitatif de ses vins » notamment, son « organisation pour appréhender les sujets » et « transmettre ses valeurs alors que tout le monde n’est pas un expert, mais nul Français n’ignore le vin ». Se voulant donc « à l’écoute », c’est ce qu’il fit toute la journée. Après une large présentation historique et actuelle de la cave de Buxy, François Legros évoquait notamment les labels et certifications de la cave (Vigneron Engagé, RSE, Bio, HVE…) : « en réalité, cela fait 30 ans que nous avons entamé notre mue, passant d’une lutte systématique chimique à une lutte raisonnée, basée sur les observations pour intervenir », prenant l’exemple parmi tant d’autres des acaricides, passés « de 7 à 0 ».

Contradictions des lois environnementales

Mais il relevait aussi des contradictions, à commencer par les propres contradictions des réglementations, comme les traitements obligatoires contre la flavescence dorée, nécessaires selon lui mais incompris du voisinage. « Nous avons mis un gros frein sur les herbicides, mais si on assainit nos pratiques, de l’autre côté, on alourdit notre bilan carbone avec plus de passages » mécaniques et plus de temps de travail. Et d’enfoncer le clou : « avec l’interdiction du glyphosate, on a vu revenir des herbicides en prélevé ». Autre exemple cité, « la réglementation ne nous aide pas et se contredit parfois, comme avec la loi qui va obliger des emballages réutilisables alors que nous étions partis sur des bouteilles allégées, positives pour le Climat, mais trop fragiles pour être réutilisées. C’est le retour des bouteilles étoilées semi-lourdes, 30 ans après ». Qu’on ne se méprenne pas, François Legros est résolument tourné vers une amélioration des pratiques et son propos visait à faire prendre conscience que la viticulture est aussi « une science de précision » avec des OAD, des stations météo connectées, des observations de terrain… Il y croit à tel point que la cave de Buxy envisage de dégager un budget « recherche ».

5.000 pieds/ha à tester

Car à la question du Préfet sur l’adaptation des cahiers des charges des AOC, Jérôme Chevalier évoquait quelques pistes, telles que « changer les densités pour aller vers 5000 pieds/ha, monter les vignes… mais cela nécessitera de réinvestir dans des tracteurs et conserver les enjambeurs aussi, cela prendra donc du temps ». Si les Cuma intégrales sont une solution côté machinisme, c’est là que la cave de Buxy veut participer en testant des densités de vignes semi-larges à 5.000 pieds/ha, de la viti-foresterie, des variétés résistantes… quitte à « compenser - avec l’esprit coopératif - » la perte de l’appellation Bourgogne Côte Chalonnaise pour le coopérateur, dont la parcelle sera déclassée en simple vin de France. « À nous d’ouvrir la porte de l’INAO », rajoutait Jérôme Chevalier pour la CAVB. « Les cahiers des charges sont restrictifs, il faut 20 ans pour changer les pratiques, en attendant le changement climatique continu », pressait François Legros.

Le président de la chambre, Bernard Lacour saluait ses réflexions qui rejoignent les siennes sur le « vrai enjeu : quelles perspectives on donne aux jeunes qui veulent s’installer dans un monde paradoxal où personne ne maîtrise le climat, où les marchés évoluent vite, où l’agriculture subit les procès médiatiques d’une minorité rêvant d’imposer toujours plus de contraintes, et où la société n’a pas assez confiance dans ses professionnels et cassent des dynamiques collectives », résumait-il en quelque sorte la teneur des débats de la matinée.

La HVE pour progresser, la Bio pour valoriser

C’est justement chez un jeune vigneron installé à Saint-Denis-de-Vaux que l’après-midi se poursuivait avec Quentin Joussier, entouré de ses parents Vincent et Sylvie qui s’apprêtent à lui laisser pleinement le Domaine de l’Évêché. Installé en 2018, principalement en régionale Côte Chalonnaise, avec aussi 3 ha de mercurey et 1 ha de crémant, il a la chance d’avoir 5 ha de vigne en contrebas du domaine. Son projet est de « valoriser la bouteille », se tournant vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement (désherbage 1 rang sur 2 vers 100 % enherbé…). Après avoir supprimé les produits CMR et en rajoutant plus de biocontrôles, l’IFT a été abaissé à 6,3, avec néanmoins le « frein » des passages à répétition des traitements à base de cuivre. « HVE ou Bio, il y a des intérêts des deux côtés mais l’opposition des Bio au HVE nous perturbe et nous limite » dans la volonté de progresser aussi sur les paramètres biodiversité, patrimoine… Car autre volonté, celui de « conserver le petit patrimoine », comptant 1.300 m de haies, de fossés, de mur en pierres sèches… eux qui replantent des arbres fruitiers (cerisiers, pruniers, abricotiers, noisetiers…), donnant un paysage riche. En tant que président de l’AOC bourgogne côte chalonnaise, Quentin déplorait « les domaines en déprise, sans repreneur » dans la vallée des Vaux alors qu’à quelques mètres en face, la colline est remplie de vignes en AOC mercurey.

Déprise en régionale ; débauche en communales

Une proximité qui se fait ressentir, tout comme celle de la Côte-d’Or, sur les « salaires avec des tractoristes débauchés, alors que nous ne pouvons nous permettre de payer ces salaires supérieurs », déploraient-ils. Outre les permanents et le recours accru à des « prestataires étrangers » pour les occasionnels, les vendanges sont symptomatiques de ces tensions. Le domaine a donc « renouvelé » sa machine à vendanger, pour plus de « souplesse », même si 15 ha est, selon eux, la limite pour la rentabiliser. Le préfet, Yves Séguy redisait être alerté des difficultés de recruter en agriculture, alors que toutes les filières, « industries, nucléaires, ferroviaires… recrutent plein pot ». Le préfet estime que la Saône-et-Loire est « quasiment au plein-emploi » avec un taux de chômage de 6,2 %. Il cherche à remettre environ 1 % des chômeurs en activité, les autres n’étant pas ou plus forcément en mesure.