ÉLEVAGE
Rémunérer les éleveurs pour leur production de cuir
Des associations s’engagent pour rémunérer les agriculteurs qui produisent un cuir de haute qualité. C’est le cas du projet Fecna (filière excellence cuir de Nouvelle-Aquitaine) qui valorise l’exigeante filière de veaux sous la mère.
Certains éleveurs qui produisent un cuir très qualitatif peuvent prétendre à une plus-value, grâce à une traçabilité et une redistribution des bénéfices. C’est le projet Fecna, lancé par Reso Cuir. « Nous souhaitons remettre tous les éleveurs au sein de la course », affirme Félix Lafleurie, directeur de l’association Reso Cuir. Le projet Fecna s’appuie en effet sur des volontés de développement local, d’économie circulaire et de maintien des surfaces en herbe avec une place importante donnée au pâturage. La filière souhaite avant tout valoriser la part de l’éleveur dans la production de cuir et cela commence par une mise à disposition de la traçabilité de ses peaux. « Nous avons mis en place une base de données solide, unique en Europe, de l’éleveur à l’abattoir, puis des tanneries jusqu’aux maroquineries », explique le directeur. Ce qui n’était pas initialement le cas, ou seulement de manière partielle. La plupart des éleveurs n’avaient aucune idée de la valeur ni de l’issue de cette production. Chaque éleveur adhérant au projet reçoit désormais un bilan deux fois par an, qui lui permet de savoir si les outils mis en place pour garantir la qualité du cuir son efficaces. Car pour obtenir des cuirs de qualité, les éleveurs doivent protéger les animaux de tout ce qui peut provoquer des marques sur la peau. « Les prix sont déterminés en fonction de la qualité du cuir. C’est aussi pour cela que l’on fait uniquement du veau sous la mère, pour obtenir la crème de ce que recherchent les marques de luxe, que ce soit en maroquinerie, sellerie ou autres », assure Félix Lafleurie. D’autant plus que ces dernières sont en déficit de cuir de veau de qualité.
Remettre les éleveurs dans la chaîne de valeur
« Initialement, ce qui nous intéresse, c’est d’avoir un veau conformé, gras, de la bonne couleur, pour pouvoir valoriser sa viande. On ne pense normalement jamais aux problématiques du cuir, c’est le cadet de nos soucis ! » explique Franck Terrieux, éleveur en Corrèze. La production de veaux sous la mère en label rouge représente seulement 5 % du marché de veaux actuel. Et jusqu’ici, le cuir restait l’affaire des abattoirs. « Les abattoirs en ont besoin, surtout au vu de leur posture actuelle. Et je vois difficilement comment cela pourrait changer », constate-t-il. Pourtant, en tant qu’éleveur, Franck Terrieux aspire à bénéficier d’une partie de la plus-value générée par le cuir. C’est en rejoignant le projet que le directeur de l’interprofession des veaux sous la mère (Civo) a reconnu l’intérêt d’une traçabilité précise, et que réaliser un bénéfice sur ses cuirs était une réelle opportunité. « C’est la première fois que l’on obtient un retour de plus-value sur le cuir, cela n’était jamais arrivé ». Et au-delà d’un élevage exigeant qui nécessite de garder les veaux en bâtiment, nourris seulement au lait de leur mère, des peaux sans aspérités ne sont également pas simples à garantir : entre parasites (mouches, teignes, poux…) et bâtiments inadaptés, les grattages provoquent des traces irréversibles sur les peaux. « Il existe quatre ou cinq catégories de qualité du cuir », précise Franck Terrieux. « Vous n’obtiendrez une plus-value seulement si votre produit est sans défaut, d’une qualité quasiment parfaite. C’est la qualité de votre cuir qui est reconnue », ajoute-t-il. Un défi difficile à relever, donc, mais le projet Fecna permet tout de même de donner une précieuse place aux éleveurs dans la chaîne de valeur de la filière.
Charlotte Bayon