Gelées de printemps
Des dégâts très importants mais difficiles à chiffrer

Régis Gaillard
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Catastrophiques et sans précédents, les épisodes gélifs des 6 au 9 avril ont touché tous les secteurs de Saône-et-Loire de manière plus ou moins marquée. Avec des températures qui sont descendues jusqu’à -8 °C (sous abri) à hauteur des bourgeons. Les parcelles les plus atteintes correspondaient en grande partie aux vignes les plus précoces, notamment les chardonnays. Des dégâts accentués par les averses de neige qui se sont produites dans la nuit du 6 au 7 avril. 

Des dégâts très importants mais difficiles à chiffrer

Bien évidemment, les Maranges n’ont pas été épargnées par cet épisode de gel comme le confirme Nicolas Perrault. « Les dégâts sont très variables d’un secteur à l’autre. C’est notamment fonction des modes de taille et du stade végétatif. Ce ne sont pas les endroits habituellement gélifs qui ont gelé. Certains endroits n’avaient jamais gelé. J’espère que nous aurons quelques raisins. Mais l’étendue des dégâts est difficile à évaluer aujourd’hui. Il y a dix jours, il y avait encore des gelées avec des températures de l’ordre de -1 °C, -2 °C. Nous sommes encore loin du bout. Les vignes vont être plus fragiles, plus sensibles aux maladies, avec aussi plus de travail pour nous. Mais nous savons que nous dépendons de la nature. Il nous faudra faire le dos rond ».

Jusqu’à -8 °C

De son côté, Laurent Demontmerot évoque la situation du Couchois avec fatalisme. « Après les deux premiers jours de gel, nous n’étions pas catastrophés. Mais le gel qui a suivi a vraiment fait du mal. Si nous faisons 20 % des rendements en blanc, ce sera bien. Nous aurons peut-être de l’ordre de 30 % à 40 % pour l’aligoté et une demi-récolte pour le pinot. C’est vraiment très variable d’un endroit à l’autre. Les bas de coteaux sont moins touchés. Nous commençons vraiment mal l’année. Avec moins de récolte, nous aurons autant voire, plus de travail ». Pour sa part, Pierre de Benoist estime que la situation à Bouzeron n’est pas fameuse. Avec un versant Est considérablement touché, de l’ordre de 75 % à 90 % pour le coteau. Un village qui a subi des températures descendant jusqu’à -8 °C. « J’ai le sentiment que la neige a fait des dégâts. Le repiquage 2018-2019 a été touché par le gel et est très mal en point ». Un épisode de gel qui amène Pierre de Benoist à s’interroger sur la manière de travailler et à regarder de plus près ce que faisaient les anciens.

À Rully, la situation n’est pas meilleure lorsque l’on écoute David Lefort. « Les bourgeons qui étaient sortis ont été grillés, soit 80 % à 100 % en chardonnay. Aujourd’hui, les nouveaux bourgeons sortent. Les pertes pourraient être de l’ordre de 50 % voire, de 80 % sur certains secteurs. En pinot noir, il y a un peu de perte, mais pas tant que cela. Peut-être 20 % à 40 % de pertes. Une nuit, il y a eu jusqu’à -5 °C. Les vendanges seront plus tardives, vers la mi-septembre. Avec de petits volumes ». Toujours dans la Côte chalonnaise, Loïc de Suremain décrit une situation très proche pour Mercurey. « Il est un peu tôt pour évaluer les pertes. La vigne végète un peu. Nous sommes en attente des contre-bourgeons. En pinot noir, 50 % des bourgeons ont gelé. En chardonnay, cela représente 80 % à 100 % des bourgeons. Les températures sont tombées jusqu’à -5 °C, avec la sève dans les bois ». Avec, de ce fait, de réelles inquiétudes quant au matériel végétal. « Par rapport à 2016, tout a été inversé sur mon exploitation. Là, c’était une gelée noire. En outre, ce n’est pas normal d’avoir eu de telles températures au mois de février ».

Un gel atypique

Plus au sud, la région mâconnaise n’a pas été épargnée. Comme le confirme Jérôme Chevallier, président de l’UPVM. « Les dégâts seraient de 40 % à 90 % selon les vignes. Mais c’est très hétérogène d’une parcelle à l’autre. Il y aura sans doute une demi-récolte en moins. C’est un gel un peu bizarre. Certains pieds ne sont pas repartis. Il faut vraiment attendre pour voir comment cela va évoluer ». Le vignoble de Viré-Clessé a également été certes très affecté par le gel mais de manière hétérogène. Comme le précise Benjamin Dananchet. « Pour l’instant, nous sommes bien touchés. Mais il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions définitives. Il faut attendre le deuxième bourgeon que nous ne voyons pas venir pour l’instant. C’est hyper compliqué pour estimer au plus juste les pertes. Clessé a été beaucoup touché, Quintaine un peu moins. À Viré, la plaine et le coteau ont été touchés, le village moins. Nous avons rarement vu un tel gel, très hétérogène. Nous ne sommes qu’au début. Nous ne sommes pas à l’abri de maladies, de grêle, de sècheresse… Enfin, les vendanges seront un peu plus tardives, sans doute vers le 20 septembre voire, début octobre ». Le sentiment est très proche du côté de Kevin Tessieux pour Saint-Véran. « A priori, il y a des vignes touchées à 90 % voire 95 %, d’autres à 50 %. Il n’y a pas vraiment de logique quant aux vignes touchées. Il y a un vrai questionnement concernant les dégâts subis par le matériel végétal. Cela aura un impact sur le futur. Il a aussi fait vraiment trop chaud en février. À l’avenir, il y aura d’autres risques d’aléas comme la grêle et le sec. Voire les maladies ». Son de cloche sensiblement identique pour Pouilly-Loché et Pouilly-Vinzelles avec Françoise de Lostende. « Les dégâts sont très difficiles à évaluer. Dans les vignes, il n’y a pas toujours de grappes. Certaines parcelles ont été très touchées, d’autres moins. Il y a de grandes incertitudes et des réflexions à mener quant au futur et à notre manière de travailler ». La situation est sensiblement la même pour Pouilly-Fuissé comme le confirme Aurélie Cheveau. « C’est un peu difficile de donner des chiffres. On ne voit pas totalement l’impact du gel. Il y a eu des secteurs fortement touchés sur les hauteurs ; cela peine à repousser. À mi-coteau, on s’en sort mieux. Il y a eu 50 % à 80 % de dégâts en bas de coteau. Il y a le risque d’avoir d’autres aléas climatiques dans les mois à venir. Les vignes ont été stressées et la météo n’est pas, pour l’instant, favorable. Nous partons avec un gros handicap. On peut sauver une demi-récolte si tout se passe bien. Je suis inquiète au niveau des très jeunes pieds, pas forcément en production, qui ont fortement gelé ».