Abeilles et agriculteurs
Cantines dans les champs

Françoise Thomas
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Le Réseau biodiversité pour les abeilles n’y va pas par quatre chemins : les abeilles ne vont pas bien. Sur certains secteurs, il y aurait jusqu’à 90 % de taux de mortalité à la sortie de l’hiver. Or, s’il faut lutter contre les parasites qui détruisent les colonies, il faut aussi en parallèle fournir aux abeilles une nourriture de qualité en quantité. Et c’est là que les agriculteurs peuvent donner aux pollinisateurs un "Coup d’pousse"…

Cantines dans les champs
Les producteurs qui ont demandé d’être fourni en semence dans le cadre du programme Coup d’pousse sont les premiers satisfaits et fiers de montrer la réussite de leurs implantations en partageant leur expérience par des photos.

Cela fait plusieurs années désormais que les apiculteurs alertent sur l’état de leurs colonies d’abeilles dans certaines régions tout particulièrement. Les origines sont multiples : l’évolution climatique et les pratiques agricoles, la raréfaction et l’homogénéisation des cultures, et depuis quelques années, le varroa. Cet acarien venu d’Asie parasite les abeilles jusqu’à épuisement : « aujourd’hui tous les ruchers de France sont touchés à plus ou moins grande échelle, analyse Marc Piard du GDSA71, mais plus aucun apiculteur n’est épargné ». Les traitements font encore effet… mais même cette efficacité tant à se réduire et avec l’augmentation des phénomènes de résistance.

Une année comme 2021, catastrophique au niveau climatique pour les abeilles, n’est certainement pas venue tempérer une situation très alarmante. Les gelées très tardives d’avril ont réduit à néant les fleurs du printemps et par voie de conséquence la nourriture des abeilles et leur production de miel. L’été pluvieux n’a rien arrangé.

Or c’est un fait, on ne résiste mieux à un virus ou tout autre agresseur que si on est en bonne santé. Devant le manque récurrent de nourriture, le Réseau biodiversité pour les abeilles a lancé en 2018 Coup d’pousse, un programme visant à instaurer des zones mellifères et des espaces de biodiversité, et ce, sur les exploitations agricoles.

Le plus longtemps possible

L’idée est « d’améliorer l’offre florale des territoires agricoles » présente le Réseau. Et pour cela « nous fournissons gratuitement trois types de couverts aux agriculteurs, détaille Clara Amy, la directrice technique de l’association, que ce soit pour mettre en place de la jachère apicole, de la jachère diversifiée, ou des intercultures, et nous avons deux campagnes : au printemps pour les jachères et en été pour les intercultures ».

Le fait de couvrir le sol avec des variétés choisies spécifiquement permet de proposer un aliment sur une durée la plus longue possible aux pollinisateurs domestiques et sauvages et auxiliaires de culture.

« Nous avons mené des études, et il s’avère que sur les jachères de biodiversité, on retrouve coccinelles et chrysopes, coléoptères et syrphes », précise ainsi Clara Amy.

En ce qui concerne les intercultures, celles-ci sont composées a minima de quatre espèces : moutarde, phacélie, tournesol, radis fourrager, etc.

Ces semences sont les mêmes pour tout le monde, quelles que soient la production ou la région, « mais nous choisissons des espèces qui s’adaptent à un maximum de types de sol ».

Basé sur la confiance

L’objectif souhaité par le réseau biodiversité de 80.000 ha de jachères véritablement pensées comme réserves de biodiversité n’est pas encore atteint (voir encadré). Mais Clara Amy constate que « les agriculteurs participants viennent de toutes les productions, de tous les coins de la France, ils sont en conventionnel ou en agriculture de conservation des sols ».

Pour l’instant, les agriculteurs bio ne sont pas particulièrement ciblés « car nous ne pouvons pas leur fournir des semences bio. Nous prenons quand même leurs coordonnées pour les contacter dès que nous trouverons une solution pour eux à un prix abordable ».

Aucun contrat n’est signé entre les deux parties, « tout est basé sur la confiance, et nous restons là comme accompagnement technique si les agriculteurs ont besoin dans la gestion de leurs semences ».

Entreprises et particuliers peuvent, eux aussi, participer : en s’inscrivant ils parrainent l’achat des semences, qui sont ensuite fournies gratuitement aux agriculteurs.

Le réseau sert aussi à mettre en relation agriculteurs et apiculteurs si ces derniers sont en recherche de zones où placer leurs ruches.

Évolution des implantations Coup d’Pousse

2018 : 43 ha jachères mellifères* et 54 ha intercultures 
2019 : 23,9 ha jachères mellifères et 35 ha intercultures  
2020 : 57 ha jachères mellifères et 27,5 ha intercultures (159 agriculteurs servis) 
2021 : 508 ha jachères et 212 ha intercultures (358 agriculteurs servis) 
2022 : 346 jachères mellifères (218 agriculteurs servis pour les jachères) 
* jachères mellifères = jachères apicoles + jachères diversifiées