ANALYSE
Egalim 1 et 2 : un long chemin vers une juste rémunération

L’enjeu d’une rémunération plus équitable aura traversé le quinquennat d’Emmanuel Macron à travers les lois Egalim 1 et 2 impliquant le vote des députés de l'Assemblée nationale. Décryptage avec Jean-Marie Séronie, secrétaire de la section « Économie et politiques agricoles » à l’Académie d’agriculture de France.

Egalim 1 et 2 : un long chemin vers une juste rémunération
La loi Egalim 2 a durci le ton en imposant la non-négociabilité des matières premières agricoles. ©Adobe Stock

Adoptée le 2 octobre 2018, la loi Egalim 1, portée par son rapporteur Jean-Baptiste Moreau, député (LREM) creusois, a quelque peu jeté de la poudre aux yeux des agriculteurs. Une loi aux apparences flatteuses mais trompeuses, du moins dans ses résultats. Son point de départ remonte à la campagne de l’élection présidentielle où Emmanuel Macron a annoncé la mise en place des États généraux de l’alimentation, lancés le 20 juillet 2017, deux mois après son élection. Deux questions majeures émergent : l’environnement et la séparation de la vente et du conseil de produits phytosanitaires. 

Egalim 1, la symbolique

Alors qu’elle se veut avant-gardiste sur la question de la prise en compte des coûts de production et du prix payé aux producteurs, cette première loi Egalim ne donne pas les résultats escomptés et ne permet pas de revaloriser les revenus agricoles. « Le gouvernement se rendait bien compte depuis quelques années que la consommation commençait à stagner, que la guerre des prix pratiquée par la grande distribution détruisait de la valeur », recontextualise Jean-Marie Séronie, agroéconomiste. « Il était urgent d’agir, mais la symbolique l’a emporté sur l’efficacité. » Dès le début des négociations, la FNSEA a décidé de se saisir de la question, en entreprenant une stratégie de lobby auprès des pouvoirs publics. Les principales mesures mises en place (relèvement du seuil de revente à perte, encadrement des promotions, indicateurs des coûts de production) et « cette idée de casser la guerre des prix sans trop le faire peser sur le consommateur » ont rapidement montré leurs limites. Cette loi, considérée trop « incitative » et pas assez « coercitive » par bon nombre de producteurs, aura quand même eu quelques répercussions, notamment sur la filière lait, et le mérite de désamorcer la question primordiale de la rémunération des agriculteurs. Il n’en reste pas moins qu’en matière de construction des prix, elle reste inachevée en l’état.

Egalim 2, la bascule

Étant donné les enjeux économiques et sociétaux que cette loi représente, trois ans plus tard, c’est au tour d’Egalim 2 de « durcir » le ton. Début 2020, missionné par Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, et Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’Industrie, Serge Papin, ancien patron de Système U, rend son rapport. Il énonce neuf préconisations dont celle qui fera couler beaucoup d’encre : la non-négociabilité des matières premières agricoles entre le premier transporteur et le producteur sur la base d’un indicateur référent. Un dispositif qui ne pourra se faire, d’après lui, que dans le cadre d’accords pluriannuels sur trois ans, voire six, si des investissements lourds sont nécessaires. « On parle là d’une réglementation plus stricte qui amène à un vrai point de bascule », commente Jean-Marie Séronie. Portée par Grégory Besson-Moreau, député (LREM) de l’Aube à la vision « moins terrain » et « plus techno » que l’agriculteur Jean-Baptiste Moreau, Egalim 2 devra prendre en compte les variations de prix, à la hausse comme à la baisse, des intrants dans la production agricole. « Cela demande de prouver le pourcentage précis de la matière première agricole, de rédiger pour chaque filière les clauses d’indexation. C’est un exercice nouveau pour les producteurs mais aussi pour les premiers acheteurs. Le dialogue change et cette nouvelle loi oblige à établir une relation de confiance entre les parties », ajoute l’agroéconomiste. Adoptée le 14 octobre 2021 pour un début d’application en janvier 2022, Egalim 2 a évolué pendant les premiers mois de l’année dans un contexte d’inflation alimentaire. Même si les prix baissent, aucune diminution des charges n’est constatée dans l’immédiat. « Dans ce contexte, ils ont plutôt tendance à stagner pendant un ou deux ans », précise-t-il. « L’idée pour le moment est plutôt de laisser les mécanismes d’Egalim 2 agir, sans trop se projeter vers une éventuelle loi Egalim 3 ». Morale de ces cinq années de législation agricole : la théorie du
« ruissellement
» qui fixe le prix à partir du distributeur ne semble pas être la bonne solution. La construction du prix par la « marche en avant » reste le leitmotiv des professionnels. Si les prix augmentent trop, le juge final arbitrera en caisse, en achetant des produits moins chers. La vérité sortira du portefeuille du consommateur. 

Alison Pelotier