Climat
Miser sur une combinaison de leviers d’adaptation

Cédric Michelin
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Réunie en congrès, la Cnaoc (vignerons en AOC) s’est penchée sur les « vignerons, vignes et vins AOC face au changement climatique ». Elle appelle à pérenniser l’autorisation de dépasser le rendement butoir. Sur le volet expérimentation, l’IFV dit explorer une combinaison de leviers d’adaptation et d’atténuation.

Miser sur une combinaison de leviers d’adaptation

« On avance » dans l’adaptation au changement climatique, s’est réjoui le président de la Cnaoc (vignerons en AOC) Jérôme Bauer, lors de son congrès le 27 avril en Beaujolais. « Pas une appellation ne travaille pas » sur ce sujet, a-t-il souligné : « C’est un enjeu primordial pour pouvoir, encore demain, transmettre des exploitations viables ». Différents leviers sont mobilisés. L’un d’eux concerne la gestion des rendements et des réserves. Face à des aléas climatiques de plus en plus marqués, il s’agit de profiter au maximum des années favorables. La Cnaoc a appelé à pérenniser l’autorisation de déplafonner les rendements lors d’une bonne récolte. « J’en appelle à la bienséance de l’INAO, des pouvoirs publics pour très vite travailler sur ce dispositif » de mise en réserve à titre exceptionnel, a déclaré Jérôme Bauer.

Un décret et un arrêté, parus le 31 janvier au Journal officiel, ont autorisé bourgognes blancs et champagnes 2022 à dépasser leur rendement butoir, après la faible récolte 2021. « On a une clause de revoyure », a indiqué le président Thiébault Huber (CAVB pour les appellations de Bourgogne), souhaitant « pérenniser les textes ». « Il faut réviser quelques critères, qu’on puisse éventuellement déplafonner sur deux années pour donner de la souplesse » Quelque 900 vignerons bourguignons (sur environ 4.500) ont bénéficié de la mesure l’an dernier, soit 1,750 million de bouteilles mises en réserve. En Champagne, ils sont 5.500 (sur 20.000) à en avoir profité. « Tout s’est bien passé », a souligné en marge du congrès Jérôme Bauer, regrettant que le dossier n’ait pas été rouvert. « On est prêts à porter la démonstration de la qualité à travers différents contrôles », a-t-il appuyé.

L’INAO se montre plus réactif

L’expérimentation est une autre voie pour s’adapter au climat. Jusque-là critiqué pour son immobilisme, l’INAO a présenté son nouveau dispositif permettant d’introduire des innovations dans les cahiers des charges AOC. L’institut se veut plus réactif face aux enjeux climatiques et sociétaux, tout en respectant les fondamentaux des appellations. « Un changement radical de position qui fait du bien », a salué le 27 avril Maxime Toubart, président du SGV (vignerons de Champagne). Déjà en 2021, l’INAO avait ouvert la porte aux cépages résistants aux maladies ou adaptés au changement climatique. Les ODG peuvent en effet introduire la possibilité d’essayer des variétés d’intérêt à fin d’adaptation (Vifa). Une étape supplémentaire est franchie. Le comité national des AOC vins a voté le 7 février un dispositif permettant d’introduire, pour des tests à petite échelle et sur une durée donnée, « des conditions de production innovantes », à savoir des pratiques culturales ou œnologiques. « Cela s’inscrit dans la stratégie de la filière viticole en matière d’adaptation et d’atténuation climatique », a souligné au congrès Christian Paly, président du comité national des AOC vins. Réagissant dans la salle, le patron de la Coopération agricole Vignerons coopérateurs Joël Boueilh a néanmoins regretté de voir « dans le même sac », les cépages autochtones et ceux créés de toutes pièces. Seuls les premiers ont une histoire à raconter pour séduire les nouveaux consommateurs, d’après lui.

Combiner adaptation et atténuation

Les vignerons n’ont pas attendu l’INAO pour réagir face au changement climatique. Avec l’IFV, des expérimentations sont menées à la fois sur les volets adaptation et atténuation. L’institut technique utilise un outil spécifique pour évaluer l’empreinte carbone. Enherbement, filets anti-grêle, etc. : diverses pratiques viticoles sont analysées. Autre exemple dans le Beaujolais, un programme IFV s’intéresse à l’impact de leviers d’adaptation (paillage, hauteur foliaire, ombrage, variété, porte-greffe) sur la maturité, la tolérance à la sécheresse ou encore les aspects socio-économique et environnemental. L’innovation variétale semble bien acceptée par le consommateur, d’après les résultats d’une analyse sensorielle. Encore faut-il « être transparent sur les pratiques », a souligné Taran Limousin, ingénieur à l’IFV. L’expérimentation vise maintenant à empiler plusieurs facteurs. « Il est important de combiner les leviers d’adaptation et d’atténuation », selon lui.