EARL de la Tour à Lugny
La vigne autrement

Régis Gaillard
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Alors que la viticulture est en pleine mutation, notamment du fait d’un changement climatique désormais avéré, bon nombre de professionnels cherchent des solutions novatrices dans la vigne répondant à ces nouvelles contraintes. À l’image de l’EARL de la Tour à Lugny qui a apporté un important changement sur l’une de ses parcelles.

La vigne autrement
Cette parcelle est installée dans le Mâconnais, sur la commune de Fissy.

Installée à Lugny, dans le Mâconnais, l’EARL de la Tour réunit trois associés : Jérémy Lafarge ainsi que ses parents, Jean-François et Catherine. Disposant de 44 hectares de vignes sur Lugny, Fissy, Péronne et Grevilly, l’exploitation propose aussi bien du mâcon village que du mâcon-Lugny, du bourgogne rouge, du bourgogne aligoté et du crémant de Bourgogne. Une structure qui peut s’appuyer sur cinq salariés en CDI, trois en CDD ainsi que des saisonniers.

Innover pour évoluer

Parfaitement conscients qu’il convient d’évoluer dans leur métier, les trois associés ont choisi d’innover sur l’une de leur parcelle implantée sur le lieu-dit de Fissy. C’est ainsi que sur ces 80 ares de Chardonnay destinés à produire du crémant de Bourgogne, la famille Lafarge a eu recours, en lien avec la coopérative Bourgogne du Sud, à un système commercialisé par l’entreprise SCDC. Il s’agit en l’occurrence de filets de protection contre la grêle. Des filets, de couleur noire, hauts de 70 cm. À noter l’écartement entre rangs sur la parcelle qui est de 1,35 m et l’écartement entre cep de 0,90 m. « Nous avons installé nous-mêmes ces filets au début du printemps. Cela a nécessité une semaine de travail pour six personnes ». Un système qui a de multiples avantages. « Une fois les filets posés, nous ne touchons plus à rien. Il y a juste besoin de couper les dessus des vignes. Il n’y a plus besoin d’effectuer des relevages. Les rameaux poussent tout droit dans le filet. De plus, il n’y a pas de casse due au vent. L’autre atout du système est la protection contre la grêle. Et ce printemps, alors que les autres vignes ont gelé, celle-ci n’a pas subi de dégât ». Attention à ne pas confondre protection contre la grêle et protection contre le gel, les filets de la famille Lafarge ne protégeant pas du gel. « Les filets resteront ouverts jusqu’aux vendanges. Lors des vendanges, nous allons tout simplement rouler les filets de bas en haut. Nous ne sommes donc pas embêtés par les fils releveurs. L’autre gros avantage du système se trouve au niveau du travail du sol. Et quand on sulfate, il y a visiblement beaucoup moins de dérive. Le sulfate traverse très bien les filets ».

Un coût pas si élevé

Du fait de l’installation d’un tel système qui a aussi pour conséquence la baisse du travail manuel dans la vigne, cela engendre non seulement un moindre recours à la main-d’œuvre mais aussi moins de passage des machines. Donc une diminution de l’usure desdites machines et moins de consommation de gasoil.

En contrepartie de ces multiples avantages qu’il conviendra de confirmer dans la durée, il y a bien évidemment un investissement non négligeable. Mais à relativiser. Il en a coûté environ 10.000 € à la famille Lafarge en terme de matériel. Avec, toutefois, une subvention de l’ordre de 30 %. En outre, ce matériel est garanti 20 ans. « Le plus contraignant dans ce type d’installation, c’est le montage sur les piquets de tête. Et la mise en place des pièces sur les piquets, en métal de préférence. Si les résultats actuels que nous constatons se confirment, nous pensons installer ce système de filet sur d’autres parcelles, bio et non bio ».

Les filets anti-grêle compatibles avec les AOC

Suite à une expérimentation menée trois années durant, en Bourgogne, conjointement par la CAVB, le BIVB, les Chambres d’Agriculture de Côte d’Or, de l’Yonne et de Saône-et-Loire sur l’étude de l’impact de filets anti-grêle sur la physiologie et la santé de la vigne, la maturité des raisins et la qualité des vins, l’INAO s’est positionné le 20 juin 2018. Dans son rapport, la commission nationale rappelle le cadre des essais, le dispositif expérimental avec l’ensemble des paramètres suivis en 2015, 2016 et 2017. En l’occurrence suivi des maladies et des aléas climatiques, évaluation de la qualité de la pulvérisation, suivi des températures et de l’humidité relative, du rayonnement lumineux et du rayonnement photosynthétique actif, croissance végétative et surface foliaire, stades phénologiques, maturité des raisins, vinifications et suivi œnologique et organoleptique. A ses yeux, alors que le protocole complet, a été respecté par les expérimentateurs, seules manquent les données sur le paramètre impact paysager. A partir des résultats obtenus, et sur avis de la commission nationale, le comité national note que la présence de filets mono-rang verticaux n'a qu'une influence très limitée sur le mésoclimat de la vigne et ne modifie pas artificiellement et de façon substantielle les caractéristiques fondamentales du milieu naturel concerné ; ce type de matériel est donc compatible avec une production en AOC. Il considère qu’il ne peut se prononcer sur l’impact de filets horizontaux en couverture au-dessus des rangs et considère en conséquence que ce type de matériel ne peut être autorisé pour une production en AOC. En outre, il attire l’attention des opérateurs sur le fait que la présence des filets doit être limitée dans le temps, notamment afin de limiter l’effet d’ombrage ; à cette fin, il recommande aux fabricants de travailler sur des solutions permettant de retirer facilement et temporairement les filets, ou sur le maillage (interception du rayonnement lumineux).

Mise en ligne d’un simulateur

Sur le site technissage.fr, sera très prochainement mis en ligne un simulateur. Lequel permettra de comparer, quel que soit le type de plantation, deux types d’installations soit avec des fils releveurs en acier soit avec des filets de protection. Le simulateur prendra en compte le prix des intrants, la pose et la manipulation des fils afin de proposer une étude technico-économique comparative. Pour plus d’information, il est possible de contacter Jean–Marie Leclercq au 07.76. 94.04.82 ou par mail dans la rubrique contact sur le site technissage.fr.