Crémants de France et du Luxembourg
Un futur qui suscite plus d’interrogations que de réponses

Régis Gaillard
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La table ronde des crémants de France et du Luxembourg du 7 mai dernier était dédiée au changement climatique. Un rendez-vous qui aura apporté beaucoup d’informations, suscité pas mal de questions et invité à évoluer pour s’adapter.

Un futur qui suscite plus d’interrogations que de réponses

Lors du congrès annuel des crémants qui s’est déroulé en Bourgogne, à Pont-de-Pany en Côte-d’Or au mois de mai dernier, une table ronde, animée par Grégoire Pissot œnologue et maître de chai à la Cave de Lugny, était consacrée au changement climatique et à ses conséquences pour les vignobles, plus particulièrement ceux dédiés aux crémants du Luxembourg, de France et donc de Bourgogne.

Changement de la structure des vins

À cette occasion, Thomas Canonier, conseiller viticole au sein du Vinipole Sud Bourgogne à Davayé et spécialiste des aléas et du changement climatique, s’est attaché à rappeler les conséquences présentes et futures des évolutions du temps. Ainsi, en viticulture, les changements climatiques peuvent s’observer via, par exemple, le prisme des dates de vendanges, de plus en plus précoces. Mais aussi par l’intermédiaire de l’évolution de l’acidité totale dans les moûts ; avec une baisse constante et progressive depuis les années 1970. Par ailleurs, « le profil aromatique des vins a changé. Dans les années 1990, les vins étaient assez acides avec des teneurs en sucre assez basses. Aujourd’hui, on s’oriente vers des vins très chargés en sucre avec une acidité basse ». Pour ce qui est de l’avenir, « on peut regarder les prévisions du Giec pour envisager le futur, très dépendant des hausses de températures ». Lorsqu’il s’agit de faire des choix, de mettre en place des stratégies, plusieurs solutions s’offrent aux professionnels. On peut ainsi envisager de remonter l’aire géographique pour maintenir le type de vin (matériel végétal, vinification, typicité, etc.). Ou alors maintenir la production en Bourgogne, avec tout son savoir-faire, son patrimoine, ses vignerons… Il faut alors s’adapter et innover. Dans ce cas, il est indispensable d’atténuer les effets de ce changement climatique. Cela passe par la réduction de l’empreinte carbone de la filière, par la préservation de la ressource du milieu (eau, biodiversité) et par la réalisation d’économies d’énergie dans les chais et au vignoble. Il conviendra aussi d’adapter le matériel végétal, son parcellaire et ses pratiques de vinification. Mais aussi de suivre au plus près la maturité et de lutter contre les aléas climatiques en viticulture (gel, sècheresse).

Maintenant on sait

Président de l’Union des producteurs élaborateurs de crémant de Bourgogne (UPECB), Édouard Cassanet a rappelé que le changement climatique est « une thématique qui nous préoccupe tous. Tout ce qui avait été prédit est juste. On ne peut pas dire qu’on ne savait pas. Quand on voit les projections pour les 30 ou 40 prochaines années, il faut les prendre au pied de la lettre. Ce qui est important est d’agir le plus vite possible ».

Pour sa part, Charles Schaller, président de la Fédération nationale des crémants, a estimé que, à la suite de cette table ronde, « on ressort avec plus d’interrogations que de certitudes. Mais, avec beaucoup de bon sens paysan, on peut dans un premier temps essayer de s’adapter au mieux. Il va falloir, en parallèle, qu’on commence à travailler pour avoir des moyens d’action plus efficaces, plus réactifs. On est au pied du mur, peut-être pas si difficile à franchir. Il va juste falloir qu’on nous en donne l’occasion, qu’on s’en donne les moyens, notamment sur les systèmes de conduite. Il y a plein de pistes à voir ».

La Grande-Bretagne, nouvel eldorado des vins pétillants ?

Désormais installé de l’autre côté de la Manche, Mathieu Elzinga, consultant et vinificateur en Angleterre, a profité de cette table ronde pour présenter un marché que l’on connait certes bien, mais qui est en pleine mutation et progression. Après avoir rappelé qu’il y avait une longue tradition viticole en Grande-Bretagne et que les vins tranquilles ont longtemps été assez médiocres, Mathieu Elzinga a évoqué le tournant des années 2000. Avec une expansion assez phénoménale du vignoble depuis 2017. Un vignoble qui occupe aujourd’hui une surface de 3.500 hectares, surtout dans le Sud-Est de l’Angleterre. Et l’on trouve même quelques vignobles jusqu’en Écosse. Actuellement, on recense 770 domaines viticoles, très éparpillés, en Angleterre. Quant aux cépages présents, les trois principaux sont le pinot noir, le chardonnay et le pinot meunier, installés sur trois quarts des surfaces. En 2019, la production atteignait 10,5 millions de bouteilles dont seulement 28 % de vins tranquilles. Une proportion entre vins tranquilles et vins pétillants qui s’est inversée en deux décennies. Le premier marché à l’export est la Norvège. À noter que les Britanniques n’ont pas encore donné véritablement de nom à leur vin pétillant, parlant de méthode classique pour faire des vins avec bulles. Lorsque l’on se projette dans l’avenir, on devrait passer de 10,5 millions de bouteilles aujourd’hui à 40 millions en 2040. Et, d’ici à 2100, la vigne devrait de plus en plus remonter en direction de l’Écosse. « Le Sud de l’Angleterre devrait voir une vraie qualité, avec de beaux domaines. Ce n’est pas pour rien que les grandes maisons champenoises sont venues s’installer dans le Sud de l’Angleterre ».