Gaec les Yguesses à Dompierre-les-Ormes
Une modernisation avec des gains de productivité à la clé

Marc Labille
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Benoît Renon a rejoint son frère Matthieu en 2018 en remplacement de leur père retraité. Cette installation a été l’occasion de moderniser le parc bâtiments de leur exploitation diversifiée. Le Gaec a notamment investi dans un robot distributeur de concentrés ainsi qu’un stockage à toiture photovoltaïque, le tout dans une optique d’améliorer la productivité des ateliers.

Une modernisation avec des gains de productivité à la clé
Profitant de l’installation de Benoit qui a rejoint son frère Matthieu au départ en retraite de leur père, le Gaec les Yguesses a choisi de moderniser l’outil de travail de la ferme.

À Dompierre-les-Ormes, le Gaec les Yguesses est une exploitation diversifiée de longue date dans trois productions : bovins charolais, lait de chèvres et volailles standard. Aujourd’hui, le Gaec est composé de Matthieu et Benoît Renon qui élèvent 85 charolaises, 270 chèvres alpines et exploitent un poulailler de 9.000 poulets. Matthieu s’est installé le premier en 2007 en Gaec avec son père. À l’époque, le choix avait été fait de développer la production de lait de chèvres avec la création d’une nouvelle chèvrerie équipée d’une salle de traite 2 x 8 postes. Le troupeau est alors passé de 80 à 200 chèvres. L’installation de Matthieu s’était aussi accompagnée de l’extension de la stabulation bovine d’une quinzaine de vaches allaitantes supplémentaires (lire encadré). Après huit ans passés comme salarié au sein d’un service de remplacement, Benoît a rejoint le Gaec à son tour en succédant à son père parti en retraite en 2018. Cette seconde installation a fait de nouveau évoluer l’exploitation avec des investissements destinés à optimiser l’existant, sans trop agrandir la structure. « Le but était d’essayer de faire la même chose en mieux avec moins de misère », explique Matthieu. Les frères Renon en ont donc profité pour moderniser l’ensemble de leur outil de travail avec comme objectif des gains de productivité et de main-d’œuvre, des économies de concentrés et des améliorations en confort tant pour les animaux que dans les conditions de travail. Le projet s’est accompagné « d’un raisonnement global appliqué à toute l’exploitation », confient les deux frères. 

Mélange de matières premières

À partir de 2017, le Gaec s’est mis à travailler avec un nutritionniste pour l’alimentation de ses chèvres laitières. « La production de nos chèvres n’était pas à la hauteur et nous consommions trop de concentrés. Nous devions diminuer notre coût alimentaire », se souvient Matthieu. Pour cela, les éleveurs ont fait le choix de remplacer l’aliment du commerce par un mélange fermier de matières premières. Pendant onze ans, Matthieu et son père ont distribué les céréales et le complémentaire azoté à la main, à raison de trois distributions quotidiennes pour leurs 200 chèvres. Les premiers mélanges de matières premières ont été confectionnés à l’aide d’une petite bétonnière. « Cela représentait 120 tonnes par an, tout avec des seaux ! », fait remarquer le jeune éleveur. Un travail pénible à la longue, sans compter la poussière, complète-t-il.

Un robot distributeur

En 2018, Matthieu et Benoît ont donc profité de l’agrandissement de leur chèvrerie pour y loger un robot distributeur de concentrés. L’allongement du bâtiment a permis de loger 80 places de chèvres supplémentaires ainsi qu’une zone de stockage d’aliments et de stationnement pour le robot. À l’arrêt, le robot est parqué à l’extrémité de la chèvrerie. Là, il se branche pour le rechargement de ses batteries. Il est aussi réapprovisionné en matières premières par un jeu de vis reliées à des silos extérieurs. La machine dispose de six petits silos pour les matières premières de la ration sèche : pulpe de betterave, tourteau de soja, orge aplatie, maïs grain, drèche de blé et minéral. L’outil permet de fractionner la distribution et de donner une ration différente en fonction des lots, explique Matthieu. Au départ, l’éleveur effectue un paramétrage de l’appareil en tenant compte du nombre de lots à alimenter, du nombre de places de cornadis et du nombre de chèvres par lots. Ce paramétrage permet de programmer les interventions du robot de sorte qu’il distribue les quantités adéquates par place de cornadis. Il intervient quatre fois par jour pour distribuer la ration et effectue trois passages supplémentaires pour repousser l’aliment. Les animaux sont répartis en trois lots différents : les chevrettes primipares, les chèvres hautes productrices et les chèvres moyennes productrices. Au démarrage des lactations, les éleveurs programment une augmentation progressive de la ration pendant quatre à cinq semaines. Les frères Renon font jusqu’à six lots différents dont un lot de chèvres taries auxquelles le robot ne distribue pas de concentré. 

Historique des consommations

Le robot du Gaec les Yguesses est doté d’une interface de commande relativement simple, signalent Matthieu et Benoît. Outre le paramétrage de l’appareil, elle donne accès à un historique des consommations du troupeau qui peut être extrait au moyen d’une clé USB. Une modalité « gérer les stocks » permet d’être alerté lorsqu’une matière première vient à manquer. 

Le robot se dirige dans le bâtiment en suivant un fil électrique inséré dans le sol qui matérialise son circuit. Un premier circuit dessert les deux rangées de cornadis de la chèvrerie. Un second circuit dirige le robot vers les chevrettes. En cas d’obstacle ou d’anomalie, le robot avertit l’éleveur par sms. 

Le mélange des matières premières s’effectue à la distribution par un jeu de vis qui acheminent vers une goulotte unique les six matières premières contenues dans le robot. Le dosage se fait en fonction des tours de vis et de la densité des produits après un étalonnage en début de saison.

Gain d’une heure de travail par jour

L’installation du robot sans les vis et les silos de stockage est revenue à 32.000 €, révèlent les associés. Une somme importante certes, mais qui équivaut au prix d’une presse à balle ronde neuve, fait valoir Matthieu. « C’est un investissement raisonné. Le robot nous a permis d’être beaucoup plus pointus dans la distribution des concentrés que les seaux. En recourant à des matières premières et avec une meilleure précision dans le rationnement, nous avons réduit notre consommation de concentrés et augmenté la production de lait. Et nous gagnons une heure de travail par jour », fait valoir le jeune éleveur. Une évolution qui s’accompagne d’une meilleure exploitation des fourrages : fauches plus précoces, fourrages de qualité réservés aux chèvres…

Stockage financé par le photovoltaïque

La construction d’un bâtiment de stockage à toiture photovoltaïque fait partie de cette stratégie. L’achat de matières premières (tourteau, pulpe, drèche…) en semi-remorques de 25 à 30 tonnes nécessitait de disposer d’un stockage à plat fonctionnel. Le photovoltaïque était une bonne opportunité pour financer ce stockage. Les frères Renon ont investi 85.000 € pour leur toiture photovoltaïque aux conditions de 2018-2019. En 2020, ils ont vendu pour 15.000 € d’électricité, font-ils valoir. Le stockage est quant à lui revenu à 120.000 €. 

Dans leur projet, les associés ont également construit une nouvelle nurserie dans le prolongement de la chèvrerie. D’une capacité de cent chevrettes (de 0 à 1 an), il bénéficie d’une ventilation et d’une ambiance optimale. Isolé, il est équipé d’un système de lanterneau et de volets latéraux réglables comme dans un bâtiment de volailles, font valoir les deux frères. Il dispose également d’un chauffage au gaz permettant de tempérer l’atmosphère à 15 degrés et de chauffer les cases de démarrage. Le coût de cette belle nurserie est revenu à environ 70.000 €.

110.000 € d’aides

Pour le Gaec, l’installation de Benoît a été l’occasion d’investir de manière conséquente dans l’outil de production. Tous les ateliers en ont bénéficié puisque la stabulation des vaches allaitantes a été agrandie et le poulailler a été rénové pour les économies d’énergie. Le projet a été bien aidé dans le cadre du PCAE, confient les intéressés qui signalent que l’exploitation est en zone de montagne et que Benoît bénéficiait du statut JA. 110.000 € ont ainsi été octroyés à Benoît dans le cadre du PCAE. Le bon niveau d’aide et des taux d’intérêts avantageux ont encouragé les associés dans leurs investissements, reconnaissent-ils. Ils ont même construit des silos couloirs qui n’étaient pas envisagé au départ. C’est une subvention qu’ils n’avaient pas prévue sur le bâtiment de stockage qui les a finalement décidés à investir dans des silos bétonnés. 

Pour les frères Renon, la réussite de leur projet tient aussi beaucoup à la qualité de l’accompagnement dont ils ont pu bénéficier auprès de la chambre d’agriculture à travers le service bâtiments. 

Pente paillée sur couloir raclé

Dès 1999, la famille Renon avait opté pour une stabulation avec une pente paillée sur un couloir raclé. Au fil des années, le bâtiment a évolué en s’allongeant de travées supplémentaires pour les vaches allaitantes, mais le principe de la pente paillée et du raclage ont été conservés. « Nous utilisons une botte de paille de 450 kg par jour pour 85 vaches à veaux ainsi que 65 génisses », font valoir les associés. Une consommation modeste qui devrait s’améliorer encore avec l’installation d’un racleur automatique en remplacement du raclage quotidien au tracteur. Construite le long de l’ancienne étable entravée, la stabulation s’est élargie par l’adjonction de cases pour les génisses. Elles aussi disposent d’un large couloir bétonné raclé. Côté vaches, les cases à veaux ont été aménagées dans l’étable entravée qui jouxte le bâtiment. 

Lait de chèvres, volailles et vaches allaitantes

Beaucoup moins répandue en Saône-et-Loire que la production fromagère fermière, la production de lait de chèvre compte quelques élevages dans le département. Le Gaec les Yguesses est l’un d’entre-eux. Autrefois, le lait était livré à la laiterie d’Ouroux (69). La filière a connu une période difficile au début des années 2010 et désormais le lait des frères Renon est livré à la coopérative Agrial. Depuis quelque temps, la demande en lait français est soutenue et le Covid a conforté la tendance, confie Matthieu Renon. Les éleveurs profitent d’un prix du lait en hausse de + 30 € par an pour atteindre aujourd’hui 750 €/1.000 litres de lait livrés. Un niveau de prix qui rend cet atelier rémunérateur, reconnaissent les associés qui produisent 250.000 litres de lait par an avec une moyenne de production par chèvre de 900 litres.

Cela conforte pour eux l’intérêt de maintenir l’exploitation diversifiée. Les volailles assurent un revenu complémentaire intéressant toutes les dix semaines. Et la rémunération prend en compte l’augmentation des matières premières, font valoir Matthieu et Benoît. En outre, le lait de chèvre et les volailles ne sont pas des productions dépendantes de la Pac, apprécient-ils.