Energies renouvelables
Le préfet prône le consensus

Ariane Tilve
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Nous l’évoquions dans notre précédent numéro, vendredi 9 juin s’est tenu le premier comité départemental des énergies renouvelables (ENR). Comité qui a pour objectif d’accélérer la mise en œuvre de production d’énergie solaire ou éolienne, mais pas à n’importe quel prix. Retour sur une réunion riche en rebondissements.  

Le Comité départemental des énergies renouvelables, présidé par le préfet de Saône-et-Loire, Yves Séguy, au centre, accompagné du directeur départemental des territoires, Jean-Pierre Goron, à sa droite.
Le Comité départemental des énergies renouvelables, présidé par le préfet de Saône-et-Loire, Yves Séguy, au centre, accompagné du directeur départemental des territoires, Jean-Pierre Goron, à sa droite.

Pour rappel, ce comité est un groupe de réflexion qui doit permettre à la Saône-et-Loire de répondre aux exigences de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’ENR, sachant que cette loi « appelle plusieurs décrets d’applications, dont un centré sur l’agrivoltaïsme, qui n’est pas encore publié » martèle le préfet de Saône-et-Loire, Yves Séguy. Pour ce faire il y a deux volets à traiter, celui de la procédure à suivre pour les porteurs de projets, et celui du choix du projet en tant que tel. En ce qui concerne les procédures, les représentants des collectivités locales, de la DDT, du Sydesl, du département, du Parc régional du Morvan ou encore de la Région, tous s’accordent sur l’importance de réduire les temps d’instructions. « Nous disposons d’un pôle technique, à ne pas confondre avec ce comité, qui associe les compétences des différents services instructeurs et accompagne l’instruction des dossiers pour définir et suivre le mieux possible les porteurs de projet », souligne Yves Séguy. Des porteurs de projets très nombreux, à en croire la DDT, qui rappelle qu’il existe plusieurs outils à leur service : les plans Climat Air Énergie Territorial, les Contrats de relance énergétique (CRE) d’au moins huit collectivités, les démarches Plan / paysage ou encore l’élaboration d’un PLUI (Plan local d’urbanisme) par les collectivités.


Le rôle du pôle



Le pôle de développement des énergies renouvelables a pour mission d’accompagner le porteur, ou la collectivité, dans son projet. La première étape est celle de la prospection puis de la faisabilité avec une analyse des enjeux qui peut être apportée par la DDT. La seconde étape consiste à celle de mettre autour de la table le porteur de projet, mais aussi les collectivités locales pour évoquer les enjeux, notamment de biodiversité et/ou de paysage, avec le pôle. Ensuite, une demande de permis de construire est déposée avant une mise en chantier. « Dès lors, nous ne sommes plus dans l’accompagnement, mais dans l’instruction avec l’intervention réglementaire d’un certain nombre de structures, dont la mairie », clarifie Jean-Pierre Goron, directeur départemental des territoires (DDT 71). L’instruction peut prendre un certain temps. « Bien qu’un porteur de projet n’ait pas l’obligation de se rapprocher des services de l’État, c’est fortement conseillé, insiste-t-il. « Si l’objectif est d’accélérer les procédures, il est important de faire connaître le pôle pour qu’il puisse accompagner les porteurs de projets, particuliers ou collectivités, le plus en amont possible, afin d’éviter de voir des dossiers incomplets arrivés sur le bureau des instructeurs ». En fonction de l’état des consultations et du dossier, l’autorisation peut être délivrée par le préfet. Le chantier démarre avec un certain nombre de contraintes et d’éventuels contrôles pour s’assurer que les travaux correspondent à ce qui est autorisé. Participent au pôle tous les services de l’État qui peuvent être intéressés de près ou de loin : DDT (services environnement, instructions), la Dreal, l’OFB, l’Udap mais aussi Enedis. David du Clary, conseiller énergie à la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire s’étonne de l’absence de la chambre, qui n’est pas dans la liste des interlocuteurs alors que de nombreux projets se trouvent sur des terres agricoles. Certes, elle peut être consultée dans le cadre de la CDPENAF, un outil de la stratégie de lutte contre artificialisation des terres agricoles, mais elle ne fait pas partie de ce pôle alors qu’elle accompagne de nombreux porteurs de projets. Ce que confirme Romain Chartier de la DDT : « jusqu’en 2021 les projets concernaient essentiellement les friches, mais depuis un peu plus d’un an, cela concerne surtout les terrains agricoles ». Pour rappel, et afin de faciliter le travail de ce pôle, les communes ont six mois pour établir leur cartographie. Reste à savoir quand sera donné le top départ du compte à rebours qui n’avait toujours pas été donné lors du comité.


L’épineuse question des friches agricoles


Sont considérées comme des friches agricoles des terres potentiellement agricoles, qui pourraient accueillir des centrales photovoltaïques au sol dans l’un des décrets d’application de la loi du 10 mars. Décret qui n’a pas encore été publié. « La question de la définition de la friche agricole est extrêmement complexe à apprécier. On parle de terres qui n’ont pas fait l’objet d’usage agricole depuis un certain temps. Encore faut-il préciser ce qu’est un certain temps. Ce ne sont que ces friches agricoles qui pourraient accueillir des fermes photovoltaïques. Les autres terres agricoles ne pourraient accueillir que des projets d’agrivoltaïsme. Là aussi, nous attendons des décrets d’application avec des définitions très précises. Le législateur a donc fixé un cadre très précis. Reste à savoir avec quelle facilité on pourra l’utiliser », se risque Jean-Pierre Goron.


Une course contre la montre



Comme nous le mentionnions dans notre précédent article, le département ne produisait en 2020 que 5,8 % d‘ENR et doit atteindre les 34 % en 2030. Pour y parvenir, il faudrait multiplier par 1,6 notre production de bois en énergie, par quatre le parc éolien, par 24 le photovoltaïque et par sept la méthanisation. Sachant que les plus naturels pour notre territoire sont le bois énergie et le photovoltaïque, dans des espaces qui sont déjà artificialisés, et l’agrivoltaïsme uniquement lorsque le décret application sera publié.

Pour exemple, un 1 hectare en photovoltaïque produit assez d’énergie pour 200 à 400 foyers. Bien qu’il ne fasse pas l’unanimité, l’éolien n’est pas écarté. La vice-présidente de la Région en charge des énergies renouvelables, Stéphanie Modde, évoque un dossier de la Dreal à paraître sur les sites propices en termes de couloirs aériens, mais aussi de paysages à préserver, etc. « Quand on voit la puissance d’un petit champ d’éolienne, il serait dommage de s’en priver, d’autant que certains territoires sont déjà très fortement sollicités pour ce type de projets. Il faudrait une juste répartition sur le territoire et surtout l’étude des projets en cours, même si j’ai conscience de la difficile acceptation de ces projets par les riverains », modère l’élue de la Région, membre du groupe Écologie et solidarité.

Christine robin, conseillère départementale et maire de Charnay-lès-Mâcon, lui répond qu’il faut en priorité travailler à l’acceptabilité des projets. « L’éolien sur mon territoire n’est pas souhaitable, d’abord parce que la rentabilité ne serait pas au rendez-vous, mais aussi parce que la beauté de nos paysages, qui fait l’attractivité de nos territoires, doit être préservée ». Olivier Mathieu, représentant le Parc naturel régional du Morvan, rebondit : « la loi du 10 mars introduit le RIIPM, la Raison impérative d’intérêt public majeur. Je pense donc que c’est à M. le préfet d’imposer un projet contre l’avis des collectivités ou d’autres, parce que nous avons besoin de ces ENR ». Le préfet concluait et lui répondait, sur un ton ferme, « la notion de RIIPM est une notion jurisprudentielle. Je suis d’abord partisan d’une politique de l’acceptabilité et de la pédagogie pour expliquer. Les services de l’État ne sont pas là pour diviser, mais pour rassembler ».