Volailles de Bresse
Pour s’inscrire encore plus au patrimoine mondial de la gastronomie à la Française !

Cédric MICHELIN
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Le 15 juillet, la salle du palace à Louhans faisait le plein pour la présentation de la nouvelle association qui va travailler sur le dossier de reconnaissance de la volaille de Bresse AOP au patrimoine immatériel de l’Unesco. Ainsi, après les Climats de Bourgogne inscrits pour ses vins des Côtes de nuits et de Beaune, après la candidature du bocage Charolais-Brionnais et son élevage bovin, c’est maintenant au tour de la Bresse de vouloir rejoindre le panthéon de la Gastronomie à la Française.

Pour s’inscrire encore plus au patrimoine mondial de la gastronomie à la Française !
Riche de son patrimoine et de sa gastronomie, rien qu’en Saône-et-Loire, pour une reconnaissance Unesco, la course est lancée entre d’un côté l’abbaye de Cluny (2020) et l’abbaye Saint-Philibert de Tournus (2014) et de l’autre entre le bocage Charolais-Brionnais (2011) et désormais la Volaille de Bresse.

Et comme bien souvent en Bresse, ce sont les Bressannes qui sont à la manœuvre. Les « petites mains » comme elles aiment à se décrire. Celles de l’ombre, des surnoms affectueux…. Laissant à peine la lumière au centre de la table –qui voyait pourtant installés les deux co-présidents, Dominique Prudent, de l’entreprise de transport éponyme, George Blanc, chef triplement étoilé à Vonnas et président du Comité interprofessionnel de la volaille de Bresse (CIVB) ou encore l’humoriste Laurent Gerra un des deux parrains de l’association avec le chanteur, Julien Clerc.
Il faut dire que les « petites mains » –Ghislaine, Lizbeth ou encore Cathy et Katy– ont pris le dossier à bras le corps. « Cela faisait déjà quelques années que l’idée (d’une reconnaissance mondiale à l’Unesco, NDLR) nous séduisait. Le Covid a été l’élément déclencheur, un coup de massue pour notre filière qui n’avait plus de marchés », avec la restauration fermée notamment, se remémore Ghislaine. Heureusement, tout ne s’est pas effondré et les élans de solidarité, les réseaux… ont fonctionné à plein « pour passer la crise ».
Pour autant, la production n’est pas sauvée d’affaires. Les départs à la retraite ne sont pas suffisamment compensés et les mises en place ont recommencé à baisser. « La découpe va apporter de la modernité pour permettre de toucher plus de foyers et de consommateurs », espère le CIVB.
À l’image des vins de Bourgogne et leurs Climats des Côtes de nuits et de Beaune, ou encore de la candidature du bocage Charolais-Brionnais, la volaille de Bresse veut se voir reconnaître au patrimoine mondial de l’Unesco au même titre que la gastronomie à la Française ou à l’image de la baguette qui est portée par la France en 2021.

« On y dit, on y fait »

Et peu importe que le chemin soit long et tortueux. Tout le monde le sait mais chacun s’encourage et se soutient. « On y va. On y dit, on y fait ». Première étape donc de cette course de fond, la création de cette association dédiée. « Apolitique, représentant les trois départements et tous les territoires, les deux régions administratives », rien n’a été laissé au hasard pour bien se lancer. Les éleveurs sont bien sûr présents et ici représentés par Rachel Roussel-Voisard (Chapelle-Voland, Jura), Cyril Dégluaire (Saint-Cyr-sur-Menthon, Ain) et Anthony Marmeys (Saint-Usuge, Saône-et-Loire). Les limites géographiques de l’AOC, telles qu’elles ont été définies dans le cahier des charges en 1957 (AOP depuis 1996), comprennent une partie de ces trois départements voisins.
Avec le soutien des moines de Cîteaux
Absent car malade, Elizabeth Mariller lisait la lettre de l’historien Robert Michelin qui a fait un remarquable travail historique et qui sera une des premières pierres versées au dossier. Né dans une ferme à la Chapelle-Saint-Sauveur, Robert Michelin étudie en parallèle l’histoire des moines cisterciens et de la volaille de Bresse. Ces religieux mangeaient au XVIIIe siècle « des chapons –sans le savoir AOP– dans un esprit gourmet et gourmand, dans le savoureux esprit d’un Brillat-Savarin ».
Néanmoins, il va falloir comme eux faire preuve de patience, de travail, d’abnégation, de croyance… pour faire aboutir ce dossier. « C’est un marathon national et international » qui attend l’association. Maintenant que l’association est créée, il faut déposer un premier dossier au national avant le 31 mars 2022 : identification du produit, apprentissage des savoirs, transmission des exploitations, historique de l’appellation… « Quatre grandes familles » vont devoir témoigner dedans : les éleveurs, les passionnés, les grands relais (écoles, hôtellerie…) et les grands ambassadeurs (chefs du monde entier…), à l’image de Yohan Chapuis, du Greuse à Tournus. « Ce dossier Unesco me tient particulièrement à cœur. Je m’interdis de travailler une autre volaille dans ma cuisine. Et quand je vais à l’étranger, au Japon par exemple, je retrouve nos volailles de Bresse qui voyagent bien. C’est le travail d’éleveurs exceptionnels, à nous de le sublimer après. Si la volaille de Bresse est classée à l’Unesco, ce sera encore mieux ».

Partager ce rêve

Un discours passionné qui ne manquera pas de convaincre pour, espérons, passer à la deuxième étape du parcours « administratif », en date du 31 mars 2023, date de dépôt des fiches candidatures interministérielles. Une à trois candidatures seront retenues (sur une cinquantaine). De décembre 2023 à mai 2024, les candidatures seront évaluées par la France. Ces rapports devront encore être peaufinés et seront ensuite rendus disponibles aux autres États siégeant à l’Unesco. Ce n’est donc au mieux qu’en novembre 2024 que la première prise de décision ne pourra advenir.
« La tâche s’annonce rude mais passionnante. Venez partager nos rêves ». Et les rêveurs ne manquent pas à l’image de Dominique Prudent « prêt à aider par tous les moyens », notamment logistique, ou Georges Blanc « et son attachement viscéral » à la volaille de Bresse qu'il promeut via son réseau de chefs étoilés ou “Relais et Châteaux” ou encore comme Laurent Gerra qui comme tous les présents « aiment la bonne chaire, les odeurs et les saveurs d’une volaille de Bresse aux morilles et au vin jaune, comme ma maman servait ». Car comme le disait si bien l’éleveuse, Rachel Roussel-Voisard, « il n’y a ici –ou aux Glorieuses– qu’une star et c’est la volaille de Bresse avec ce lien intime et précieux derrière, presque de sacralité entre l’Homme et l’animal ». Des notions toujours d’actualité à faire perdurer.