Après les élections américaines
« America First » : Biden en fera aussi son credo

Englués dans plusieurs conflits commerciaux, les États-Unis peinent à reconquérir les marchés agricoles. Le Green Deal, qui est selon eux, la nouvelle politique commerciale protectionniste de l’UE, desservira leurs intérêts commerciaux. Alors que Joe Biden a proposé un programme qui entend verdir le Farm Bill.

  « America First » : Biden en fera aussi son credo

En 2019, l’excédent commercial étasunien agricole et agroalimentaire était de 4,6 milliards de dollars (Md$) contre plus de 43 Md$ en 2014. En cause notamment, la dégradation des relations commerciales avec la Chine. Sur les marchés des céréales, les États-Unis perdent aussi des parts de marché tandis que l’industrie du bioéthanol, consommateurs de maïs, bat de l’aile. « En conséquence, ils ont dépensé plus de 51 Md$ d’aides (soit cinq fois le budget annuel dédié à l’agriculture, ndlr) pour compenser les pertes de revenus des farmers », rapporte Thierry Pouch, chef du service des études économiques de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA). Sous la présidence Trump, les États-Unis ne sont pas non plus parvenus à résorber leur déficit commercial abyssal avec l’Union européenne de 14,5 Md$ en 2019, le seul parmi leurs partenaires commerciaux. C’est pourtant leur cheval de bataille depuis des années. Les États-Unis ne réalisent que 9,3 % de leurs exportations de produits agricoles et agroalimentaires avec l’Union européenne. Dans ces conditions, le Green Deal (ou pacte vert) européen présenté au mois de juin dernier par la Commission européenne a mal été reçu. « Selon les États-Unis, il n’est ni plus ni moins la nouvelle politique commerciale protectionniste de l’Union européenne », analyse Thierry Pouch. Il est une nouvelle brique apportée à l’édifice protectionniste sur lequel s’est bâti le projet européen depuis 70 ans.

Le Green Deal, la politique commerciale de l’UE ? 

Du reste, l’Union européenne affirme ne pas vouloir signer d’accords commerciaux internationaux s’ils ne s’inscrivent pas dans les objectifs de la conférence sur le climat de 2015. C’est pourquoi la France, les Pays-Bas et l’Autriche ont annoncé ne pas envisager de ratifier avec le Mercosur, alors que la Commission européenne l’avait signé en juin 2019. Pour les mêmes raisons, les négociations sur le Tafta (projet d’accord commercial transatlantique lancé par Obama, Merkel, Cameron et Hollande en 2013), interrompues il y a quatre ans par Trump ne sont pas prêtes d’être relancées. À moins que Joe Biden ne réintègre rapidement les Accords de Paris et relance les négociations commerciales. Cependant, le Green Deal est aussi un défi de cohérence que les vingt-sept pays membres de l’Union européenne se sont aussi lancés à eux-mêmes pour pouvoir imposer à la planète leurs propres ambitions environnementales et commerciales. Aussi, la prochaine PAC doit être compatible avec le pacte vert, avec des plans stratégiques nationaux qui ne servent pas que les intérêts de chacun des États membres. Or, le climat de crise actuel est propice à ce que les pays préservent chacun leurs propres intérêts. Mais en rejoignant l’Accord sur le climat de 2015, les États-Unis vont verdir le Farm Bill. Le nouveau président veut relancer la production étasunienne de bioéthanol et surtout construire une filière de biocarburants de seconde génération. Il ambitionne aussi le stockage de carbone dans le sol et de rendre l’agriculture globalement neutre en carbone. Joe Biden souhaite inscrire l’agriculture américaine dans la bioéconomie en créant des filières biosourcées.

Mais Joe Biden ne pourra appliquer son programme sans majorité au Sénat car aux États-Unis, le Président a peu d’influence sur l’orientation de la politique agricole. Or, une partie des membres du Sénat représente des électeurs ruraux et agricoles, pas du tout enclins à suivre la voie agroécologique du nouveau président américain. La grande majorité des farmers n’a du reste pas voté pour lui ! Et après avoir pris ses fonctions le 20 janvier prochain, il se peut que Joe Biden soit ni plus ni moins contraint de débloquer, dans l’urgence, une nouvelle enveloppe d’aides de plusieurs milliards de dollars pour préserver les revenus des Farmers.