Alors que des crues exceptionnelles ont touché le Chalonnais et la Bresse sur la seconde quinzaine de juillet, à ce jour très peu de mesures d’accompagnement ont pu être débloquées pour les agriculteurs impactés. Face à la détresse des exploitants frappés par ces inondations, la FDSEA et les JA ont organisé la semaine dernière deux visites sur le terrain avec les sous-préfets et les élus concernés. L’occasion de maintenir la pression et de rappeler l’importance de trouver des solutions à court et moyen termes.

Mobilisation tous azimuts
L’ampleur des dégâts a malheureusement été confirmée par les nombreux agriculteurs du secteur.

C’est au Gaec Doussot à Gergy, le 9 novembre dernier, que se retrouvaient les élus du Chalonnais (maires, conseillers départementaux et régionaux, mais aussi communauté de communes ou encore l’assistante parlementaire du député) avec le sous-préfet de Chalon et les agriculteurs sinistrés. Comme le rappelait en préambule Hélène Doussot, « sur mes 240 ha exploités, suite aux inondations, 100 ha étaient totalement sous l’eau ». Dénonçant les lacunes des systèmes d’alerte, elle rappelait aussi avoir dû « retirer en urgence plus de 100 bêtes (soit en les ramenant dans les bâtiments ou bien en les mélangeant dans d’autres lots) ». Autant de bêtes qu’il a fallu ensuite affourager plus d’un mois, sans parler du stress pour les bêtes gestantes ayant engendré des avortements. Elle insistait également sur les dégâts sur les foins qui ont été souillés et récoltés seulement début septembre, et le tout avec une très mauvaise qualité. En ce qui concerne les grandes cultures, près de 35 ha ont été totalement sous l’eau et pour les seuls maïs, les pertes se chiffrent en dizaine de milliers d’euros. Mêmes constats désespérants lors de la visite en Bresse organisée à Saint-Germain-du-Plain à la SCEA de Marosse chez Guillaume Chaumont, le vendredi 12 novembre. Là aussi les élus (députée, maires, conseillers départementaux) avaient répondu présents pour constater l’ampleur des dégâts et pertes : sur les 300 hectares de l’exploitation, 74 ha avaient été inondés, (dont 64 hectares de prairies). Là aussi, l’exploitant avait dû évacuer dans l’urgence une cinquantaine de bovins avec à la clé près d’un mois et demi d’affouragement. En parallèle, le retard de fauche a créé un décalage dans la pousse de l’herbe, et les animaux n’ont pu être remis dans ces parcelles inondées qu’au 14 octobre au lieu de la mi-août. Ce qui souligne la problématique plus globale de remise en état des prairies. En effet, comme le précisait l’exploitant, « il est encore difficile de quantifier la dégradation des prairies, dont le réensemencement naturel a été perturbé par les inondations arrivées en période de floraison des graminées », précisait-il. Et de rajouter : « cette année, contrairement à l’année dernière nous ne manquons pas de volume de foin, mais le manque d’appétence et de qualité nutritionnel va nous obliger à complémenter en céréales l’alimentation des bêtes ce qui engendrera des coûts importants sur nos exploitations ».

Des demandes fortes…

Tous les exploitants présents soulignaient tout d’abord le caractère dérisoire des indemnisations prévues : dégrèvements de TFNB sur prairies (uniquement en fauche tardive) et sur cultures, prises en charge MSA et une demande de reconnaissance calamités mais limitée aux prairies en fauche tardive, soit à peine 10 % des surfaces inondées. Des « mesurettes » d’autant plus dures à entendre que cette année les potentiels de cultures s’annonçaient particulièrement bons. À Saint-Germain-du-Plain, les exploitants présents chiffraient les conséquences financières des inondations à plusieurs dizaines de milliers d’euros par exploitation. Christian Bajard, président de la FDSEA, soulignait que « les exploitants ont besoin de comprendre qui fait quoi et comment dans cette gestion des crues ». « Si on veut protéger Lyon, cela peut se comprendre, mais il faut que cela soit dit, et qu’on en tienne compte en indemnisant la perte économique liée », réclamaient de leur côté les exploitants présents. Représentant la chambre d’agriculture, Stéphane Convert insistait de son côté sur la nécessité de revoir la charte Zones humides. « Il faut que ça avance sur ce sujet », demandait-il indiquant que la chambre y travaille. Se pose également le problème de la réglementation sur l’entretien des biefs en zone Natura 2000. « Les demandes de travaux sur le bief à Ouroux sont systématiquement rejetées, résultat : l’eau ne s’écoule plus », précisait Jean-Michel Desmard, ancien exploitant et maire d’Ouroux-sur-Saone.  

Résumant le sentiment général, Christian Bajard insistait, « sur cette question des travaux hydrauliques et plus globalement sur la gestion de l’eau face au changement climatique, on a besoin d’un État courageux et qui tape du poing sur la table » pour faire appliquer les règles et permettre aux exploitants de travailler avec de la lisibilité.

Autre sujet, celui du financement de l’entretien des casiers d’inondations et vannages. Sur le Chalonnais, les participants dénonçaient « les bricolages » faisant office de réparation sur les digues de Sassenay, qui avaient à nouveau lâché cet hiver. Plus globalement, chacun rappelait « que les associations qui gèrent les digues manquent cruellement de financement ». En conclusion, les exploitants rappelaient la demande à très court terme qui est d’obtenir des soutiens financiers à la même hauteur que ce qui a pu être mis en place pour d’autres productions touchées par des aléas exceptionnels cette année.

Thibault Laugâa

Veut-on encore de l’agriculture en zone inondable ?

Répondant à une sollicitation de la profession formulée dès le mois de juillet, le préfet a réuni ce 15 novembre au Parc des expositions de Mâcon l’ensemble des acteurs impliqués dans la gestion de l’eau. Cette réunion a notamment permis de faire un point sur la gestion des ouvrages de régulation des débits gérés par VNF sur le bassin de la Saône en amont de Lyon, mais aussi de faire un point sur le fonctionnement des casiers d’inondation ; une trentaine se trouvant en Saône-et-Loire comme le rappelait l’EPTB. Sur ce point, le préfet a demandé qu’un travail soit engagé avec l’ensemble des parties prenantes pour améliorer l’entretien et la gestion des casiers d’inondation. Il a également évoqué l’idée de lancer une réflexion sur des dispositifs permettant de compenser les pertes économiques des exploitants inondés pour protéger les villes en aval, citant comme exemple à suivre le bassin de la Seine, un secteur qu’il connaît bien étant précédemment en fonction en région parisienne. Plus largement, c’est aussi une réflexion sur la place de l’agriculture et des activités économiques dans ces zones inondables que le préfet a lancée. Une manière de répondre au cri d’alarme lancé lors de la réunion par Cédric Tissot, vice-président de la FDSEA pour la Bresse, « veut-on encore des activités d’élevage dans cette zone inondable ? ».