Élevage bovin allaitant
Une baisse des cours généralisée : la section bovine demande l’accompagnement de l’État pour retrouver du prix

Le 26 novembre, les représentants de la section bovine ont rencontré le préfet de Saône-et-Loire, Julien Charles, pour discuter de la situation de plus en plus inquiétante, de l’élevage allaitant en Saône-et-Loire. Face à la baisse généralisée des cours des bovins allaitant, la section bovine demande l’accompagnement de l’État pour retrouver des niveaux de prix justes et viables.

Une baisse des cours généralisée : la section bovine demande l’accompagnement de l’État pour retrouver du prix

Christian Bajard, président de la FDSEA, a tout d’abord rappelé le contexte ambiant du moment, « très préoccupant ». 
Les éleveurs de Saône-et-Loire subissent depuis maintenant plusieurs années un enchaînement d’aléas : sécheresses, FCO, IBR, baisse des cours…  Les dernières sécheresses ont notamment fortement impacté les trésoreries avec des surcoûts liés à l’achat de fourrage et au transport d’eau pour les animaux dans les prés secs. En parallèle, la conjoncture défavorable, avec des prix stagnant voire, diminuant continuellement, met en péril le revenu des exploitations. 
Cet enchainement de circonstances est en partie à l’origine de la décapitalisation du cheptel allaitant, entamée depuis plusieurs années. De plus, la population agricole est vieillissante (un agriculteur sur deux a plus de 50 ans) et le peu d’installations chaque année ne compense pas la perte d’agriculteurs et d’agricultrices. 
Ainsi, entre 2016 et 2019 (en quatre ans), la région Bourgogne Franche-Comté a perdu 14 % de ses exploitations ayant des vaches allaitantes. En 2019 en Saône-et-Loire, cela représente une perte de plus de 37.000 bovins allaitants, soit 6 % de moins comparé à l’effectif de 2016. La décapitalisation enregistrée sur les reproductrices charolaises en 2018 a impacté significativement à la baisse les naissances de la campagne 2018-2019, de l’ordre de -4.000 veaux, et fait ainsi descendre le total des naissances pour la première fois en-dessous la barre des 200.000 veaux nés (EDE, 2019). Un très mauvais symbole… À titre de comparaison, 70.000 naissances en moins ont été recensées au niveau national sur la période 2019-2020.
L’élevage veut donc aujourd’hui un signal fort pour motiver les jeunes à s’installer en bovins allaitant.

Une interdépendance à l’export 

Les engraisseurs italiens sont dépendants des broutards français, rappelle la section bovine de la FDSEA avec force et preuves à l’appui. En 2018, 83 % de leurs importations de bovins vivants sont d’origine française, contre 67 % en 2008. La nécessité de remplir les ateliers d’engraissement et de faire fonctionner les méthaniseurs basés sur ces systèmes renforce cette dépendance. De plus, les indicateurs de marchés fournis par les douanes françaises, et publiés chaque semaine par la FNB, n’expliquent en rien la baisse constatée depuis plusieurs mois. En effet, les exportations d’animaux vifs sont toujours stables par rapports à 2019 en semaine 46. Dès lors, comment expliquer une perte de 120 € par animal comparé à 2019 ? 
Pour remédier à cela, le ministre de l’Agriculture a organisé une première réunion en présence des trois plus grands exportateurs français pour discuter de la situation, le 16 octobre. Il a été convenu d’un nouveau rendez-vous au bout de trois semaines afin de travailler sur une feuille de route qui permettrait de retrouver un prix correct du broutard. Selon Guillaume Gauthier, président de la section bovine, « aucune proposition pour une action à court terme, d’urgence, n’a pu être obtenue de la part de nos interlocuteurs. De plus, nous ne sentons aucune volonté de la part des opérateurs pour travailler collectivement afin de ramener de la valeur dans les exploitations ».

L’engraissement des JB en grande difficulté

Le stock de jeunes bovins (JB) français a augmenté du fait du confinement (estimé à environ une semaine de retard en semaine 46) avec notamment un impact sur les viandes qui partent habituellement en restauration collective et commerciale, mais aussi certains « marchés exports » qui ont été perturbés (Allemagne par exemple), ce qui est une conséquence du Covid-19.  En parallèle, un groupe de travail a été mis en place au sein de l’interprofession pour résoudre le problème de l’engraissement du JB en France. Il vise, entre autre, à améliorer la visibilité du marché pour les engraisseurs et à travailler sur la contractualisation.

Des demandes d’accompagnement de la part de l’État

La section bovine demande désormais à l’État d’accompagner la profession dans la structuration des filières. Il est nécessaire que l’État poursuive les discussions coordonnées par le ministre de l’Agriculture et qu’il intervienne auprès des opérateurs pour faire appliquer (enfin) les ÉGAlim. En effet, la création d’associations d’organisation de producteurs (AOP) peut être un levier pour permettre une rémunération des producteurs tenant compte de la réalité des indicateurs de coûts de production. Encore faut-il que les opérateurs veuillent travailler ensemble…
De plus, l’État peut intervenir en aidant les opérateurs à accéder à certains marchés, notamment en apportant des garanties de paiement pour des exports vers les pays tiers et ainsi alléger le marché italien.
En parallèle, il est indispensable qu’un plan d’urgence, à destination des éleveurs produisant des broutards et des JB, soit mis en place si les discussions n’aboutissent pas. Cet accompagnement dans la structuration de la filière pourrait peut-être se faire à travers le plan de relance selon le préfet. La section bovine souhaite ainsi un soutien des producteurs par des dispositifs de type FAC (Fonds d’Allègement des Charges) ou prise en charge de cotisations MSA. 
Enfin, dans l’optique des négociations en cours de finalisation pour la future Pac, il y a la nécessité de conserver des soutiens spécifiques notamment pour l’élevage à l’herbe et le couplage. Sans rémunération des productions, le revenu des éleveurs allaitants est malheureusement dépendant des aides de la Pac. Une baisse de 30 % des aides couplées pourrait représenter une perte de plusieurs milliers d’euros pour l’élevage départemental, « ce qui risque de provoquer une décapitalisation de plus en plus importante », a mis en garde Christian Bajard…
Le préfet reconnaissait l’urgence de la situation et envisage d’organiser des rencontres avec les opérateurs du département pour entamer les discussions, mais aussi avec les GMS. La profession est donc en attente de résultat et reste vigilante sur ce dossier.

Loïc Belin

Les discussions dans l'impasse

La réunion qui rassemblait éleveurs de broutards et exportateurs au ministère de l'Agriculture, vendredi 11 décembre, « n’a abouti à aucune solution concrète de court et moyen terme visant à revaloriser le prix payé aux éleveurs », a déploré la Fédération nationale bovine (FNB) le même jour. « La "feuille de route" présentée par les groupes d’export au ministre ne contient aucune proposition traduisant cet objectif », dénonce l'association spécialisée de la FNSEA, remontant depuis des semaines le mécontentement des éleveurs dans les départements. Avec des prix en berne pour les broutards et les jeunes bovins engraissés (JB), « c’est (…) toute la voie mâle française qui est aujourd’hui à l’agonie », alerte la FNB. D'après le syndicat, les producteurs de broutards ont perdu depuis la mi-juillet « environ 150 euros » par animal, « soit une perte de 30 % de leur revenu annuel, déjà extrêmement bas ». Quant au prix des JB, il se situe 1 €/kg en dessous du coût de production, « soit un manque à gagner de 450 euros par animal depuis le début de l’année ». Dénonçant la « désinvolture coupable dont font preuve certains acteurs de la filière - y compris coopératifs - », la FNB annonce « recentrer sa mission » pour « encourager les éleveurs à reprendre la main sur la commercialisation de leurs animaux ». Ce mercredi 16 décembre, la FNB réunissait son conseil pour réfléchir aux actions à mener à l'avenir.