Les récentes propositions de la Commission européenne sur le transport des animaux d’élevage n’ont pas provoqué de remous chez les ministres de l’Agriculture de l’UE. Les organisations professionnelles, elles, s’inquiètent des conséquences économiques pour les filières, quand les ONG estiment que le projet présente beaucoup de lacunes.

Accueil mi-figue mi-raisin aux propositions de Bruxelles

Les ministres de l’Agriculture de l’UE, réunis le 11 décembre à Bruxelles, ont réservé un premier accueil globalement positif aux propositions de la Commission européenne visant à renforcer les conditions de transport des animaux d’élevage. Les pays (Pays-Bas, Danemark, Suède, Belgique, Allemagne, Luxembourg) qui poussaient depuis plusieurs années pour que soit mise en place au niveau européen une limite au temps de transport des animaux se sont félicités des propositions mises sur la table par Bruxelles, déplorant toutefois l’absence d’un paquet global sur le bien-être animal. Les Pays-Bas jugent que ces propositions ne sont pas suffisamment ambitieuses. Même critique de la part du Luxembourg, qui aurait souhaité une interdiction de l’exportation d’animaux vivants vers les pays tiers.
Au contraire, Marc Fesneau, le ministre français, a salué le fait que cette interdiction ne soit pas mise sur la table. Il salue une proposition équilibrée. Pour l’Irlande aussi il s’agit « d’une bonne base de travail ». Certains, toutefois, n’ont pas manqué d’exprimer leurs réserves (Roumanie, Lettonie et Estonie notamment) quant à la limitation du temps de transport. La République tchèque et la Pologne ont prévenu que des périodes transitoires suffisamment longues seront nécessaires. Stella Kyriakides, la
commissaire européenne à la Santé, a reconnu que le défi serait de trouver un équilibre pour tenir compte des spécificités des États membres (éloignement, structures commerciales, conditions météorologiques).

Mitigé

L’accueil est beaucoup plus frileux chez les organisations professionnelles. Les organisations et coopératives agricoles de l’UE (Copa-Cogeca) s’inquiètent, dans un communiqué du 7 décembre, de propositions « arbitraires », « restrictives » et « discriminatoires pour certains États membres ». Une de leurs principales craintes concerne l’interdiction de transport des jeunes animaux au-delà de 100 km : « L’augmentation de l’âge minimum pour le transport des veaux à cinq semaines (contre 14 jours dans la réglementation actuelle), ou trois semaines pour les porcelets, agneaux et chevreaux, conduirait de nombreuses exploitations agricoles […] à entièrement reconstruire et rénover leurs structures, ce qui serait irréalisable pour beaucoup ».
« Des restrictions trop sévères en termes de temps de trajet entraîneraient de lourdes conséquences économiques et sociales pour les éleveurs, ainsi que pour les exploitations agricoles non continentales et les plus isolées », complètent les jeunes agriculteurs de l’UE (CEJA).
Du côté des ONG, le constat est tout aussi mitigé. Welfarm salue des avancées, mais pointe un texte lacunaire sur la protection des femelles gestantes ou les jeunes animaux. Et Slowfood rappelle l’absence d’un paquet global sur le bien-être animal tel que l’avait promis la Commission européenne. Le travail se poursuit sur les autres propositions du paquet sur le bien-être des animaux, promet la commissaire
Stella Kyriakides.

Pas le tsunami annoncé

Cela fait des mois – depuis le lancement de la stratégie De la ferme à la table en réalité – que le secteur agricole de l’UE alerte sur le trop-plein réglementaire en matière environnementale en passe de submerger les agriculteurs. Alors qu’approche la fin du mandat de la Commission européenne, les textes réellement adoptés s’avèrent assez éloignés des objectifs initiaux de Bruxelles qui a, de plus, décidé d’une pause réglementaire en lançant un dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture. Dernier dossier en date : la révision de la directive sur les émissions industrielles voit sa portée, certes, étendue dans le secteur agricole, mais dans une mesure bien moindre que prévu. L’élevage bovin ressort épargné de l’accord trouvé entre les institutions européennes. Constat similaire avec
l’accord sur la restauration de la nature que les eurodéputés de la commission de l’Environnement viennent de valider. Le texte final, même s’il inquiète toujours, prévoit un certain nombre de garde-fous. Le règlement Pesticides, lui, semble enterré suite à son rejet pur et simple par le Parlement européen. Et le glyphosate,
dont l’avenir dans l’UE a un temps été menacé, vient finalement d’être réautorisé pour 10 ans dans l’UE sans réelles mesures contraignantes de gestion des risques. Enfin, sur le bien-être animal, la Commission européenne a décidé de présenter une proposition uniquement sur le transport. Le projet qui sera publié
le 6 décembre ne paraît pas trop ambitieux et il sera, comme les précédents, vraisemblablement édulcoré au fil de son examen.

Œufs : la filière tire la sonnette d’alarme

Œufs : la filière tire la sonnette d’alarme

Alors que les œufs n’ont jamais connu un tel succès en France, avec un record de consommation annoncé à 229 œufs par habitant pour 2023, la filière française tire la sonnette d’alarme. Deux sujets d’inquiétude majeurs du côté de la production d’œufs : l’annonce d’une nouvelle réglementation européenne inadaptée sur l’environnement avec la directive IED qui prévoit un abaissement des seuils de 40.000 à 21.400 poules et l’arrivée potentielle massive d’œufs ukrainiens sur le territoire. Sur ce sujet, le plus important producteur d’œufs ukrainiens, Avangard, ouvre plusieurs bureaux de vente en France, annonçant leur prochaine commercialisation sur le territoire. La France pourrait ainsi devenir la destination privilégiée des œufs ukrainiens. Sur aucun de ces périls imminents, la filière n’a reçu un quelconque soutien de l’État. Elle appelle donc le Gouvernement à passer urgemment de la parole aux actes afin de préserver la souveraineté alimentaire du pays et assurer la sauvegarde des élevages comme annoncé. « Sans action rapide, le pays sera en proie à des importations à bas coût et de piètre qualité, soustraites aux exigences et bonnes pratiques françaises attendues des consommateurs », déplore le Comité interprofessionnel de l’œuf (CNPO). Ajoutant que « l’avenir s’annonce sombre pour les 3.000 élevages du territoire et les 11.400 emplois de la filière ».