Gaec des Riaudes à Ciry-le-Noble
800 brebis en plein-air toute l’année au Gaec des Riaudes !

Marc Labille
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Au cœur du Charolais, Alexandre Saunier a choisi de convertir son élevage ovin à une conduite 100% plein-air. La production est désormais calée sur la pousse de l’herbe. Pâturage dynamique, report sur pied et pâturage de couverts en hiver sont les leviers de cette conduite plus résiliente.

800 brebis en plein-air toute l’année au Gaec des Riaudes  !
Pour conduire ses 800 brebis en plein-air, Alexandre Saunier travaille avec deux salariés et il se fait aider d’un chien de troupeau et d’un chien de protection – patou.

Après un début de carrière dans l’agroéquipement, Alexandre Saunier s’est installé en 2009 en Gaec avec son père sur une exploitation qui comptait alors trois poulaillers label, 70 hectares de cultures céréalières et 30 hectares de prairies. Un quatrième poulailler était ajouté ainsi qu’une bergerie pour une troupe de 500 brebis. La production ovine est devenue la plus importante de l’exploitation. Alexandre s’est pris de passion pour cet atelier et il a opté pour un système productif : trois périodes d’agnelages et de lactations en bergerie avec une alimentation en ration complète mélangée. Grâce aux cultures, l’éleveur a dès le début privilégié l’autonomie alimentaire en incorporant dans la ration du maïs grain, épi et ensilage, des céréales à paille, du pois protéagineux, de la luzerne… L’autonomie était atteinte à 100 % pour les brebis. Seuls les agneaux à l’engraissement avaient besoin d’un peu de concentré du commerce. Bien calé, ce système demeurait coûteux malgré son degré d’autonomie, explique Alexandre. Les rendements des céréales à paille et de maïs étaient trop moyens, la culture de pois trop irrégulière, sans parler des problèmes de résistance aux herbicides… Dans la tête du jeune agriculteur, un changement de schéma s’est dessiné au fil des années. Au printemps 2022, le Gaec qu’Alexandre et son cousin formaient depuis 2014, s’est scindé en deux : Alexandre a conservé l’élevage ovin tandis que son associé a gardé les poulaillers.

L’herbe, une ressource à exploiter

Aidé de deux salariés, l’éleveur conduit désormais une troupe de 800 brebis sur 115 hectares. Et il a décidé de réorienter son élevage vers un système plein air, tant par conviction personnelle qu’en vertu d’un raisonnement économique. La clé de cette nouvelle approche réside dans la gestion de l’herbe. Dans une région herbagère par excellence, l’herbe est une ressource en qualité et en abondance, pointe Alexandre qui préfère se consacrer à une meilleure exploitation de ses prairies qu’à la conduite mécanisée de ses cultures. Et ce mode d’élevage plus naturel et plus proche des aspirations des consommateurs s’avère plus résilient face aux aléas climatiques, fait valoir l’agriculteur.

« L’objectif, c’est que les brebis soient 12 mois sur 12 dehors et donc de se passer de bâtiment. Dans une logique de réduction des charges maximale, cela doit même à terme dispenser de récolte de fourrage et donc de matériel (fenaison, pailleuse, mélangeuse, chargeur, épandeur…). Ce qui signifie moins de travail, moins d’énergie… », développe Alexandre. Mais la conduite en plein air n’en est pas moins exigeante. Aussi, l’agriculteur entend-il réduire au maximum la partie cultures de son exploitation en même temps que le pâturage est étendu.

Reproduction calée sur la pousse

Dans son nouveau système, le challenge consiste à utiliser au mieux la pousse saisonnière de l’herbe, décrit l’intéressé. Une gestion difficile avec des brebis dehors toute l’année, dont les besoins fluctuent en fonction de la reproduction et avec une production herbagère en dent de scie… La première chose a été d’adapter les périodes de reproduction. Une première période d’agnelage intervient fin mars début avril pour une lactation en pleine pousse sur mai-juin. Le sevrage des agneaux à partir de trois mois d’âge coïncide avec le creux d’herbe de juillet-août, explique Alexandre. Une seconde période de naissance est programmée sur septembre pour coller à la reprise de la pousse d’automne. La troisième période d’agnelage de janvier a été supprimée car les températures auraient été trop froides pour des agneaux et l’herbe insuffisante pour des lactations.

Report sur pied et pâturage additionnel

Plutôt que de récolter du foin au pic de pousse printanier, l’agriculteur pratique le report sur pied. L’excès d’herbe n’est pas fauché, mais il est conservé sur pied pour la période estivale. Le foin monte en graines et donne une végétation haute et ligneuse. Mais à ses pieds, si la pluviométrie le permet, un couvert bien vert se développe. Cette herbe permet de nourrir les animaux en été en cas de sécheresse. En 2022, grâce à ce report sur pied, Alexandre n’a eu à affourager ses brebis que pendant deux semaines.

L’alimentation des 800 brebis est plus délicate en hiver lorsque la pousse herbagère est à son plus bas niveau sur une longue période. Pour pallier ce déficit, l’éleveur recourt à du « pâturage additionnel ». Des lots de brebis partent brouter des couverts chez des céréaliers. Alexandre dispose ainsi de 17 hectares sur la commune voisine de Saint-Vallier ainsi que 50 ha à Fontaines. Ce déchargement évite aussi de pénaliser le redémarrage des prairies au printemps.

S’adapter en permanence

Cette nouvelle conduite demande un véritable « techno-pâturage » qui nécessite de s’adapter en permanence. Alexandre a converti son troupeau au pâturage dynamique. Lors de la pousse printanière, les lots changent de paddocks tous les jours pour un pâturage à une hauteur optimale (lire encadré).

Valorisés pour la plupart en filière de qualité, les agneaux continuent d’être engraissés en bâtiment. L’éleveur reconnaît aussi que la gestion du parasitisme est plus compliquée en plein air. Mais ce virage vers plus de pâturage, moins de mécanisation, moins de charges est en accord avec les convictions d’Alexandre. C’est aussi une adaptation concrète au changement climatique.

Au cœur du Charolais, les prairies sont plus résilientes que les céréales, conclut l’agriculteur.

300 brebis en pâturage dynamique sur 80 paddocks !

En pâturage dynamique, chaque lot doit disposer d’une vingtaine de paddocks car les prairies ont besoin de 21 jours pour se régénérer. Cette gestion implique un redécoupage adéquat des parcelles en autant de paddocks que nécessaire. Chez Alexandre Saunier, l’une des parcelles dédiées à ce pâturage dynamique couvre une vingtaine d’hectares de forme rectangulaire. Elle est découpée en 4 couloirs eux-mêmes scindés en 20 paddocks chacun. Chaque couloir accueille un lot de 80 brebis gestantes qui changent de paddock chaque jour. Cette rotation implique une intervention quotidienne de l’éleveur. Alexandre est équipé d’un quad et de clôtures mobiles électrifiées. Il se fait également aider par des chiens de troupeaux et un chien de protection (patou) qui vit parmi les brebis. Introduit sur l’exploitation lorsque le loup sévissait dans le Charolais, il éloigne les renards.

L’abreuvement est organisé en conséquence. L’éleveur a déployé un réseau d’eau mobile, alimenté par une pompe solaire à partir d’un puits. Les abreuvoirs sont déplacés avec les lots de brebis. À terme, le réseau d’eau sera enterré. Des clôtures fixes remplaceront les clôtures mobiles.

« En pleine période d’agnelage, ce sont entre 10 et 40 agneaux qui naissent chaque jour », informe Alexandre. Les brebis qui viennent de faire leurs petits ne changent pas de paddocks. Aussi, l’éleveur doit-il chaque jour trier les femelles gestantes des suitées. Le chien de troupeau assure cette mission. La seconde tâche consiste à peser, identifier, boucler, soigner le cas échéant chaque nouveau né. Pour ce faire, Alexandre dispose de tout l’équipement nécessaire dans la caisse fixée à l’arrière de son quad. Un parapluie de pêcheur lui sert aussi à se protéger des intempéries.

 

Un Forum de solutions climatiques

Du 29 novembre au 2 décembre dernier, le Forum Agriculture et changement climatique organisé par le Conseil Départemental proposait sept portes ouvertes dans des fermes qui innovent face au changement climatique. Le Gaec des Riaudes en faisait partie.