Gaec de Vauzelle à Saint-Romain-sous-Gourdon
A Saint-Romain-sous-Gourdon, le Gaec de Vauzelle est en bio depuis plus de 30 ans !

Marc Labille
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En bio depuis plus de 30 ans, le Gaec de Vauzelle a mis au point un système de production de viande bovine à la fois vertueux, productif et autonome. 

 A Saint-Romain-sous-Gourdon, le Gaec de Vauzelle est en bio depuis plus de 30 ans !
A l’occasion de la Bioloweek en octobre dernier, Joffrey et Josselin Beaudot ont pris soin d’exposer leur système devant un public d’éleveurs et de jeunes en formation.

En octobre dernier, dans le cadre de la Bioloweek organisée par la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, le Gaec de Vauzelle ouvrait ses portes aux visiteurs. Fondé par la famille Beaudot, le Gaec de Vauzelle est l’un des pionniers du bio dans le département et l’exploitation est certifiée depuis 1992. Elle est aujourd’hui constituée de trois associés : Danielle, Joffrey et Josselin. François, l’époux de Danielle, vient de prendre sa retraite et c’est leur fils Josselin qui le remplace. L’exploitation couvre 350 hectares répartis entre Saint-Romain-sous-Gourdon et Ciry-le-Noble. L’élevage compte environ 160 vaches allaitantes ainsi que des chevaux de course. Les charolaises vêlent entre le 15 décembre et le mois de mai. Les femelles sont toutes engraissées. 40 % des mâles sont valorisés en bœufs bio tandis que le reste est conduit en broutards repoussés.

Rotation de cultures

Une centaine d’hectares sont consacrés à une rotation de cultures comprenant céréales à paille, colza, maïs, betteraves fourragères, méteil grain, prairies temporaires, luzerne. Les récoltes de colza et de blé bio sont vendues et les autres cultures servent à l’alimentation du troupeau. « L’engraissement est réalisé avec les produits de la ferme : ensilage d’herbe de première coupe, maïs, betteraves fourragères, céréales… Nous cherchons à limiter l’emploi de correcteur azoté très cher en bio. Mais sur l’exploitation, nous sommes limités en protéines sèches. La culture des protéines est très aléatoire et les valeurs des fourrages sont variables. Nous faisons en sorte de faucher tôt et de privilégier la part des légumineuses sur les graminées », explique Joffrey Beaudot.

Autonomie protéique en ligne de mire

En hiver, les animaux reçoivent une ration mélangée à volonté. « La priorité est donnée à l’engraissement », confie le jeune éleveur. Moins riche, la ration des animaux d’élevage est juste équilibrée pour couvrir les besoins du vêlage, de la lactation et de la reproduction. À l’herbe, les veaux sous la mère ne sont pas complémentés. Le Gaec a adopté le pâturage tournant pour les bœufs et les génisses en finition (lire encadré).

La quête de l’autonomie protéique est un défi permanent pour l’exploitation. « Grâce à une bonne diversité des fourrages et des sources d’unités fourragères et de matière azotée, les animaux du Gaec de Vauzelle sont bien finis et à moindre coût », fait valoir Amélie Poulleau, conseillère à la Chambre d’agriculture.

Santé des animaux : prévenir plutôt que guérir

Sur la conduite des animaux, le bio exclut l’étable entravée et limite l’écornage en n’autorisant que deux interventions médicamenteuses par an et par animal. Pour ce dernier point, le Gaec recourt à des taureaux génétiquement sans corne. « En bio, il n’y a pas de traitement, sauf si on le justifie avec une coproscopie », expliquent les associés. « On fait attention tout le temps », résume Joffrey pour décrire la stratégie de prévention de la santé des animaux. « On essaie beaucoup de devancer les problèmes avec des cures (oligo-éléments) ». Les associés signalent aussi l’impact positif de la ration mélangée dont la régularité et l’équilibre contribuent à une meilleure santé des animaux. Les remèdes dont ils disposent sont l’homéopathie, les huiles essentielles, l’aromathérapie, les minéraux… Dès que les associés constatent un problème de comportement, de salissure, ils font des coproscopies ; pour y remédier, ils n’hésitent pas à agir sur l’ambiance du bâtiment : curage complet et remplacement de la paille par des plaquettes de bois - que l’exploitation produit elle-même. Dès que les veaux ont des diarrhées, « on leur administre de l’argile », ajoutent les intéressés qui sont également très vigilants sur la propreté des bottes et les règles de biosécurité.

Cultures : azote le facteur limitant

Pour la conduite des cultures, toutes les terres sont labourées et tout le fumier est composté avant d’être épandu. « Le facteur limitant, c’est l’azote », confie Joffrey qui ajoute qu’il est difficile de se procurer de l’amendement bio. L’exploitation achète de la fiente de volaille, mais aussi de la chaux. Pour contenir les mauvaises herbes, les associés pratiquent le désherbage mécanique sur les cultures en ligne. Sur les céréales, ils font passer une herse étrille par un prestataire et misent beaucoup sur la rotation.

Le Gaec de Vauzelle commercialise ses bovins auprès du groupement Feder. Bœuf, génisses et réformes sont contractualisés. Les broutards sont vendus en filière conventionnelle. Du côté des productions végétales, le Gaec livre des grains à Bourgogne du Sud et s’approvisionne auprès de la Coceby, une coopérative bio de l’Yonne. Des graines de colza sont aussi vendues à un agriculteur qui produit de l’huile.

Bio, label, HVE, bilan carbone…

Habitués à travailler selon les principes bio depuis trois générations, les membres de la famille Beaudot ne sauraient produire en conventionnel, confie Joffrey. Cette manière de faire leur correspond et « le fait de se dispenser de chimie nous apporte du confort vis-à-vis du voisinage ». Outre le fait d’être agréée bio, l’exploitation est engagée en démarche label rouge et elle est certifiée HVE niveau 3. Le but, explique Joffrey, « est de s’ouvrir les meilleurs accès aux marchés possibles ». La ferme s’est également soumise à un bilan carbone qui a mis en lumière que « ce sont les cycles longs de production qui pénalisent », d’où l’objectif de vêlages plus précoces et de plus de kilos de viande vive produits par hectare, présente Joffrey. Convaincus par leur système, les membres de la famille Beaudot ne cachent pas que « c’est plus difficile en ce moment avec la flambée du prix des matières premières et le manque de valorisation du prix de la viande bio. Il y a aussi moins d’aides au bio », signale Joffrey.

Des bœufs bien finis et à moindre coût

Des bœufs bien finis et à moindre coût

Les bœufs « mangent beaucoup et ont besoin d’une alimentation riche », explique Joffrey Beaudot. Ils sont conduits en pâturage tournant durant leur deuxième et troisième printemps. Leur finition se déroule en bâtiment avec 4 kg de concentré. Vendus à trois ans, ils donnent des carcasses de 480 kg classées R + U- avec une note d’état de 3. Les génisses d’un an et deux ans sont nourries en hiver avec de l’ensilage d’herbe, de l’enrubannage, de la paille et du foin. Elles sont conduites en pâturage tournant lors de leur troisième printemps avant une finition à l’herbe ou en bâtiment avec 3 kg de concentré. Elles donnent des carcasses de 400 kg classées R + avec une note de 3. Quant aux vaches, finies au pré ou en bâtiments, elles donnent des carcasses de 450 kg, classées R + avec une note de 3. Depuis peu, le Gaec de Vauzelle s’est mis à élever des bovins de race Angus.

Marché moins attractif en ce moment…

« Le bio a connu une progression importante ces dernières années jusqu’à 2022 qui a été plus stable », présente Christophe Fouilland de Feder. Comme tous les bovins de qualité, le bio n’a pas profité de la revalorisation des prix du conventionnel. La filière doit aussi faire face à la difficulté d’un prix acceptable pour le consommateur. « En bio, environ 70 % de la viande est hachée », pointe l’intervenant. « Le bio est un marché de niche avec de petits volumes sur de petits marchés et une succession de pénuries et d’afflux. Cela nécessite un travail d’organisation avec de la contractualisation, de l’étalement de la production. Il faut toujours se demander s’il existe un débouché pour ses produits ». Si le marché est moins attractif en ce moment, à plus long terme, « le bio aura toujours sa place », estime encore Christophe Fouilland. Les attentes de la société vont dans ce sens et les exploitations bio ont l’avantage d’être plus résilientes que les conventionnelles, complète-t-il.

Soigner l’engraissement en bio

L’engraissement est un enjeu important en bio car les animaux maigres bio sont difficiles à valoriser. « 59 % des mâles issus du bio ne sont pas valorisés en bio », rappelait Amélie Poulleau de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. Un soin tout particulier doit être apporté à la finition des animaux bio. Car de manière générale, les bovins bio ont des poids de carcasse, des conformations et des notes d’engraissement inférieurs, d’où des pertes de 10 à 30 centimes d’euros par kilo de carcasse, signalait la conseillère. Le prix élevé des aliments bio pèse sur la qualité de finition, de même que l’obligation d’autonomie et des durées de finition plus longues. « Viser l’autonomie alimentaire et protéique est un impératif économique », incite Amélie Poulleau. Les leviers sont le pâturage tournant, les fauches précoces, les analyses de fourrages, le calcul de rations… La diversification des sources d’unités fourragères et de matière azotée, comme la pratique le Gaec de Vauzelle, est aussi recommandée : ensilages d’herbe et de maïs, foin, regain, méteil ; betterave fourragère, luzerne…