Élevage
Des taux de pertes CNGRA déconnectés de la réalité du terrain

La gestion des risques prairies est basée sur l'indice praire calculé via Airbus applicable pour les assurés et les non assurés. Un indice qui a prouvé des limites l'an dernier dans le cadre de la sécheresse. Le recours à des expertises terrain est demandé par la profession. Le point avec Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA.

Des taux de pertes CNGRA déconnectés de la réalité du terrain
Patrick Bénézit, éleveur dans le Cantal, secrétaire général adjoint de la FNSEA et président de la Copamac. ©SC

2022 restera dans les annales météorologiques comme l’année la plus chaude en France avec pour principale conséquence une sécheresse historique fragilisant bon nombre d’exploitations de notre territoire. Les Pouvoirs publics ont-ils bien géré cette crise ?

Patrick Bénézit : « Force est de constater que lors du CNGRA de décembre, la sécheresse historique que personne n’avait rencontré jusqu’alors n’a pas été reconnue comme telle par le ministre de l’Agriculture. Les éleveurs sont en colère. Ils ont le sentiment d’avoir été trahis par leur ministre qui s’était pourtant engagé solennellement lors du Sommet de l’Elevage à recourir aux expertises terrain en cas de défaillance manifeste du satellite. Les Pouvoirs publics se sont enferrés dans le déni, voyant de l’herbe poussée en pleine canicule ! Au final, la majorité des taux de perte relevées lors des expertises terrain a été abaissée jusqu’à 20 % par les services du ministère de l’agriculture. C’est clairement un désaveu du Ministre vis-à-vis des représentants de l’État dans les départements. Cette situation est d’autant plus inquiétante que les services de l’État se sont appuyés sur les cartes satellitaires Airbus pour diminuer les taux de perte de manière drastiques, avec pour principale conséquence, soit une indemnisation moindre, soit une exclusion pure et simple de l’aide. Seule avancée positive : le taux de prise en charge de la perte a été réévalué à 35 % au lieu de 28. »

À ce stade, le système est donc défaillant. Vous appelez donc les Pouvoirs publics a rectifié le tir d’autant plus que les cartes Airbus sont annoncées comme le socle du système de gestion des risques ?

P.B. : « En effet, depuis le 1er janvier, la gestion des risques prairie est basée sur l’indice prairie applicable pour les assurés comme pour les non assurés. Il n’est malheureusement plus à prouver qu’en 2022, alors que la sécheresse était dramatique, l’indice prairies a « buggé » sur la quasi-totalité du territoire à des niveaux de défaillance inexplicables. L’indice, le satellite, ont vu des pousses d’herbe imaginaires en février ou en pleine canicule… En clair, le futur système ne peut pas se baser exclusivement sur un indice aussi défectueux. Tant que cela ne marche pas, les éleveurs exigent un recours comme le prévoit la loi, à des expertises terrain, comme c’est le cas pour l’ensemble des autres productions (viticulture, arboriculture, céréales…). Il est aujourd’hui inadmissible que ce problème ne soit pas encore réglé. Inadmissible que le ministre de l’Agriculture n’est pas déjà pris le décret permettant aux éleveurs d’avoir un recours avec expertise terrain sur la méthode des bilans fourragers en cas de défaillance de l’indice en 2023, comme le prévoit la loi. »

Dans ces conditions, incitez-vous les éleveurs à s’assurer ?

P.B. : « Soyons clair en 2022, les assurés prairies ont été lésés par l’indice. Malgré tout, nous espérons que le Ministre prendra ses responsabilités en nous donnant le recours nécessaire. Il revient à l’État que le système fonctionne de manière honnête et objective. Le taux de perte ne doit en aucun cas être une variable d’ajustement budgétaire, qui plus est, car les sommes engagées sont conséquentes. Des sommes qu’abondent d’une part la puissance publique, mais également les éleveurs à travers les budgets de la politique agricole commune et leur contribution au fonds de solidarité. Nous appelons le ministre à résoudre le problème le plus rapidement possible, quitte à contraindre les assureurs et les éleveurs à entrer dans le nouveau dispositif c’est-à-dire à s’assurer. Si le système ne fonctionne pas et n’est pas honnête comme cela a été le cas en 2022, nous irons manifester devant les préfectures et les agences d’assurance. »

Propos recueillis par Sophie Chatenet