Souveraineté alimentaire
Souveraineté alimentaire : de quoi parle-t-on ?

La région Nouvelle Aquitaine, en partenariat avec les organisations agricoles locales, inauguraient début février, un cycle de conférences autour de l’alimentation de demain. Le premier débat était consacré au thème : « La souveraineté alimentaire, utopie ou réalité ? ». 

Souveraineté alimentaire : de quoi parle-t-on ?

Le sujet est d’actualité et renvoie à la crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons car la peur de manquer a été très présente pendant le premier confinement de 2020. « Qu’on se rassure, en France et en Europe, nous sommes en sécurité alimentaire tant en quantité qu’en qualité », a certifié Sébastien Abis, directeur du Club Demeter et chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). Et les faits lui ont donné raison. Si la souveraineté alimentaire est pour l’heure assurée, son modèle interpelle : Quel est l’échelon pertinent ? Quelles exigences en ont les producteurs et les consommateurs ? Ici, les approches sont différentes.

Malnutrition

Philippe Mauguin, président de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) considère que cette souveraineté doit être conçue à l’échelle des territoires et de l’Union européenne « sans occulter une vision mondiale ». Car « cette souveraineté alimentaire mondiale n’est toujours pas assurée », a-t-il insisté expliquant que la production agricole et alimentaire avait été multipliée par trois au cours des 70 dernières années et que la planète compte toujours un tiers de sa population qui souffre de malnutrition. « Avec l’augmentation démographique, c’est la moitié de la population mondiale qui risque d’être mal nourrie d’ici 2050 », a-t-il dit. En France

« Le prix, c’est la valeur »

Si chacun des orateurs a plaidé pour une souveraineté alimentaire « solidaire et durable », tous se sont interrogés sur la résilience de ce modèle. « Les consommateurs veulent savoir ce qu’ils mangent. Soit. Mais ils ne doivent pas oublier qui le nourrit. La résilience alimentaire passe par plusieurs types d’agriculture et plusieurs types de circuits », a précisé Sébastien Abis, expliquant par exemple qu’on « ne produira jamais de café sur le sol français » mais que le consommateur français a du mal à s’en passer. Il est vrai que 90 % de la population française boit du café et que nous sommes, avec 6 kg/personne/an, les huitièmes plus grands consommateurs de café au monde. Parce que le « consommateur est pluriel et non monochrome » selon Sébastien Abis, plusieurs agricultures doivent cohabiter et se renouveler. Ce qui renvoie à « la vraie question du prix pour les agriculteurs qui ont besoin de long terme et de revenus », a-t-il insisté. D’autant que le consommateur veut une « montée en gamme, avec des produits qui respectent l’environnement, le bien-être animal, etc. », a-t-il ajouté. Pour l'académicien, Erik Orsenna, c’est bien là une question essentielle : « Avec le système actuel, on demande aux agriculteurs toujours plus en quantité et en qualité en les payant moins cher ! On les détruit psychologiquement et on les fragilise économiquement. Or le prix c’est la valeur », s’est-il exclamé. L’attractivité du métier et le renouvellement des générations dépendent aussi de cette donnée. Et sans nouvelles installations, la souveraineté alimentaire française peut-être menacée, ont en substance souligné les intervenants.