Alimentation en élevage bovin bio
À l’épreuve du changement climatique

Marc Labille
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En élevage bovin bio, l’adaptation au changement climatique est une nécessité économique. En cela, la prairie est un atout indéniable. Des leviers existent pour augmenter la résilience des systèmes en bio.

À l’épreuve du changement climatique
Les prairies pourraient être une arme pour lutter contre le changement climatique.

L’alimentation de son cheptel dans un contexte de changement climatique était l’un des thèmes développés lors du Bio’Ti Full Day de Saint-Eugène en novembre dernier (lire notre édition du 3 décembre dernier). En bio plus qu’ailleurs, l’adaptation au changement climatique est une question prégnante tant l’autonomie alimentaire est une nécessité économique. Face à la multiplication d’aléas climatiques, la question est comment rendre les systèmes plus résilients, introduisait Sébastien Winkler de la Chambre d’agriculture du Jura. Une des caractéristiques de la nouvelle tendance climatique, c’est que la pluviométrie annuelle moyenne « ne change pas tellement », mais sa répartition dans l’année est différente, faisait remarquer le technicien. Aussi, avec la douceur des températures, peut-on profiter de pousses plus précoces et fortes au printemps et plus tardives avec du rendement en automne. Mais avec une sécheresse qui interrompt la pousse entre les deux. Cette tendance peut permettre d’alimenter les animaux au pré plus tôt ou plus tard en saison, à condition que la portance des sols le permette. Mais cela suppose aussi un risque accru de devoir affourrager en période estivale.

« Avec les prairies, on s’en sort toujours ! »

Face au changement climatique, les prairies sont un avantage incontestable, expliquait Sébastien Winkler. De fait, de par leur diversité et leur densité, elles sont les éléments « les plus adaptables au sein de l’exploitation », assure l’expert. Les prairies ont cet atout de pouvoir être exploitées toute l’année au gré de l’évolution des conditions météorologiques. « Avec les prairies, on s’en sort toujours ! », estime le technicien qui l’explique par la diversité d’espèces résultant de « la combinaison de légumineuses avec des graminées ». Une diversité qu’il faut favoriser si l’on veut améliorer encore la tolérance aux aléas en privilégiant les espèces les plus résistantes : dactyle, fétuque élevée, bromes, luzerne, lotier, sainfoin, chicorée, plantain… Il est aussi conseillé de favoriser la diversité génétique intra espèce, poursuit l’intervenant qui assure que « plus la prairie est diversifiée, plus elle s’en sort ».

Les bienfaits des haies

Pour optimiser la tolérance aux aléas, des améliorations peuvent aussi être apportées au parcellaire. Importante pour les animaux, la présence de haies et d’arbres joue un rôle protecteur vis-à-vis du soleil et de la chaleur. Cet effet positif profite aussi à l’herbe et à la pousse d’une prairie. Les haies elles-mêmes peuvent fournir une ressource fourragère, signale par ailleurs Sébastien Winkler qui évoque l’exploitation des haies dont le feuillage offre un fourrage de bonne valeur pour les animaux. Il existe des formations pour une exploitation efficace du feuillage de haie. Cela passe par « une conduite intensive » avec coupe à blanc tous les 15-20 ans pour une régénération rapide.

Favoriser la plasticité des prairies

L’adaptation au changement climatique implique de sécuriser la production des prairies. Dans le système fourrager, il faut choisir les parcelles qui se prêtent à une récolte efficace (portance, parcelles ouvertes, mécanisables…). Il faut « favoriser une meilleure plasticité des prairies » en optant par exemple pour des fauches précoces, en favorisant un meilleur enracinement, en usant d’implantation sous couvert (dans le méteil notamment)…

« La fauche précoce donne le même rendement qu’une fauche tardive, mais elle garantit une seconde récolte de foin ou de regain », expose Sébastien Winkler. Les fourrages de fauche précoce sont de meilleure qualité et permettent ainsi d’acheter moins de tourteaux, fait valoir l’expert. Mais si les avantages de la fauche précoce sont nombreux, ces fourrages riches et moins fibreux sont plus délicats à gérer dans la ration des animaux, tempère l’intervenant qui évoque la question de l’encombrement du rumen.

Pour un bon enracinement de la prairie, il est préférable de laisser monter la végétation une année sur deux, conseille Sébastien Winkler. « La potasse fait la résistance à la sécheresse », assure le conseiller qui incite à faire des analyses d’herbe. Pour maintenir du pâturage en été, le report d’herbe sur pied est une solution après un déprimage puis un pâturage estival au fil avant et arrière, décrit le technicien.

Cultures et stress hydrique

Pour les cultures, l’adaptation au changement climatique repose sur le choix des espèces et des variétés. La tolérance, au stress hydrique en particulier, de ces dernières est à étudier de près. Le maïs est sensible à la sécheresse sur une période longue (juin à août) alors que le sorgho l’est sur une période beaucoup plus courte, fait valoir le technicien. La tolérance peut être améliorée par la variété. En maïs, le maïs population est plus résistant à la sécheresse que les variétés hybrides. La diversification est une autre arme pour conjurer les aléas climatiques. Cela passe par un allongement des rotations, une diversification de l’assolement, associer différentes espèces, cultiver des mélanges variétaux… « Les meilleurs méteils ont plus de cinq espèces mélangées », illustre Sébastien Winkler qui évoque le principe de la permaculture dans lequel la densité et la diversité sont la règle.

Enfin, pour les cultures, il faut esquiver les périodes de sécheresse. Cela peut passer par davantage de cultures d’hiver. Ce peut être aussi le choix de variétés précoces ou avancer les dates de semis. L’implantation de dérobées est une autre voie (moha, teff grass, millet perlé, sorgho, colza fourrager…).

Le jeu du Rami fourrager pour y voir clair

Le changement climatique invite à penser l’adaptation de son système. Un diagnostic technico-économique permet d’y voir plus clair au niveau individuel. Il existe aussi une méthode de groupe intitulée « Rami fourrager ». Accompagnés d’un conseiller, plusieurs agriculteurs testent des aléas climatiques sur leur exploitation à l’aide d’un jeu interactif. Un logiciel permet de modéliser les changements et de voir l’incidence sur le stock annuel de fourrages. Cet outil aide à rechercher collectivement des leviers qui sont testés directement au moyen de ce « Rami fourrager ». Cette simulation va jusqu’au chiffrage économique. Évolution de troupeau, décalage des dates de vêlage, assolement, alimentation, dérobées, achat fourrages… : toutes les hypothèses sont testées.