Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire
Les Jeunes Agriculteurs prêts à se retrousser les manches en local !

Marc Labille
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L’exemple de l’Autunois inspire les JA qui croient beaucoup à l’action collective locale pour pérenniser l’agriculture et soutenir l’installation. 

Les Jeunes Agriculteurs prêts à se retrousser les manches en local !
Le nouveau conseil d’administration de JA 71 : Badot Baptiste, Beauchamps Jérôme, Beaudot Joffrey, Belicard Antoine, Bernollin Loïc, Bonnot Florian, Bonnot Loïc, Bonnot Maxime, Briel Rémi, Carette Tom, Carré Alice, Colin Emilie, Comeau Kylian, Cottin Reynald, De Lachaise Tanguy, Dufour Loris, Dupont Arnaud, Eysseric Vincent, Fontaine Dorian, Gravallon Jérémy, Hyvrier Alexis, Morin Loïc, Nidiaut Denis, Pannetier Benjamin, Perret Etienne, Perrousset Emilien, Peulson Florian, Ravier Maxime, Renaud Thibault, Rozier Benoit, Seckler Marine, Serrier Damien, Vermeil Loïc, Witkowski Damien.

Cette année, les Jeunes Agriculteurs de Saône-et-Loire ont choisi l’Autunois comme cadre de leur assemblée générale. Cette localisation géographique n’était pas sans lien avec le thème de la table ronde organisée par JA 71 à Curgy. C’est en effet de politique agricole à l’échelon local que les jeunes ont voulu parler et l’exemple de l’Autunois était le support idéal de leur démonstration. Au lendemain des manifestations de cet hiver au sein desquelles les jeunes avaient été particulièrement actifs, JA 71 faisait montre de beaucoup de responsabilité en optant pour un sujet résolument constructif.

Devant les jeunes agriculteurs et leurs invités, l’expérience de l’Autunois-Morvan a été contée par quelques-uns des acteurs de cette belle aventure de territoire. C’est par la perspective angoissante d’une fin annoncée que tout a commencé, rappelait Didier Talpin, président de la CSEA de l’Autunois. En 2011, le spectre de la fermeture de l’abattoir d’Autun avait été le déclencheur d’une mobilisation sans précédent. Laquelle aboutissait à la création d’une association de sauvegarde « pour essayer de conserver notre outil de travail », raconte Didier Talpin. De cette prise de conscience collective naissait une commission agricole siégeant au sein de la Communauté de communes du Grand Autunois Morvan (CCGAM) et composée d’élus et de professionnels agricoles. Un Groupement d’Intérêt Économique et Environnemental (GIEE) voyait le jour l’année suivante. Une micro-filière de viande bovine locale fournissant une GMS autunoise puis la restauration collective était mise en place. Un nouvel abattoir flambant neuf était inauguré en 2020… Son volume d’activité a doublé depuis.

De l’abattoir au Plan Alimentaire Territorial

Mobilisant les agriculteurs, ce projet n’aurait pas pu être ce qu’il est devenu sans l’implication conjointe de la collectivité locale. D’ailleurs, encouragée par cet élan autour de l’abattoir, c’est la CCGAM qui a initié un Plan Alimentaire Territorial (PAT) sur son territoire : « pour relocaliser agriculture et alimentation pour consommer local », présentait Marie-Amandine Latour, en charge de l’agriculture et du PAT à la CCGAM. Les grandes lignes de ce projet ont commencé à s’écrire en 2018 sur les thèmes de la « transition écologique, de l’économie de la ressource, de la santé, de l’environnement, du partage… ». Un des axes majeurs du PAT est l’approvisionnement d’une cuisine centrale qui produit près de 1.500 repas par jour pour les écoles et des personnes âgées du territoire. Viandes, légumes, fromages… : la gamme de produits locaux fournis à la cuisine centrale s’est étoffée au fil des années. « Plus de 40 producteurs sont aujourd’hui engagés dans le PAT, ce qui représente un tiers de nos achats de produits et 500.000 € de retombées directes pour les exploitations du territoire », faisait valoir Marie-Amandine Latour. Cet approvisionnement local a même permis une chute du gaspillage alimentaire dans les cantines autunoises. Agents techniques, cuisiniers ont été formés pour cela tandis que la CCGAM travaille main dans la main avec ses fournisseurs agriculteurs pour la bonne planification des approvisionnements à l’année.

« Transformer le cercle vicieux en cercle vertueux ! »

Le GIEE de l’Autunois est une autre conséquence de cette mobilisation territoriale. À un moment où « tout paraissait foutu, loin de Mâcon, Paris ou même Bruxelles », avec en toile de fond plusieurs fermetures d’usines…, l’envie de « redonner un avenir à ce territoire » a été plus forte. « Passer d’un cercle vicieux à un cercle vertueux », synthétise Sophie Mobillion, conseillère à la chambre d’agriculture et animatrice du GIEE. C’est en 2014 que cette envie de « reprendre le développement en main » est apparue, en même temps que la création d’une commission agricole au sein du territoire et l’embauche d’une chargée de mission à l’agriculture au sein de la collectivité. Premier GIEE agréé en Saône-et-Loire, le GIEE de l’Autunois est « un collectif d’agriculteurs engagés dans une démarche agro-écologique et territoriale », présente Sophie Mobillion. Organisé en groupes de travail, il vise l’optimisation des charges des exploitations, la valorisation des productions locales, la communication avec le grand public… Le collectif cherche à développer des filières territorialisées. Parmi ses réalisations : l’introduction de la culture de légumineuses et sa consommation dans les cantines, l’engagement 39 agriculteurs dans le label Haute Valeur Environnemental (HVE), l’animation des groupes techniques herbe et vie du sol, sans oublier des participations aux évènements grand public du territoire telle la foire économique d’Autun ou des actions auprès des écoles…

Installations favorisées

C’est d’une réflexion menée au sein du GIEE (lire encadré) qu’est né le magasin de producteurs La Station Fermière à Autun. Ce projet faisait suite au « constat qu’il n’y avait pas de magasin pour regrouper l’offre de produits locaux », explique l’un des neuf associés de ce point de vente collectif, Gabriel Joly. Au-delà de son succès commercial auprès des consommateurs de l’Autunois-Morvan, ce magasin a aussi contribué à consolider des exploitations du territoire, permettant même des installations. C’est le cas du jeune Gabriel qui, avec son associé Thomas, s’est installé en 2023 sur la ferme familiale à Monthelon. La structure pratiquait déjà la vente directe de viande bovine « grâce à l’abattoir. La vente directe nous bottait vraiment et grâce au magasin de producteurs, nous avons pu créer plusieurs ateliers sur la ferme : veaux de lait, volailles de chair, transformation boulangère et pâtes en plus des 90 vaches allaitantes », détaille Gabriel qui ajoute que « tout ce qui a été fait par le territoire nous a beaucoup aidés ».

Le Département en soutien

À l’échelle de la Saône-et-Loire, l’expérience autunoise fait un peu office « de laboratoire » et cette dynamique se décline aujourd’hui à l’échelle de tout le département, comme l’expliquait Frédéric Brochot au nom du Conseil Départemental de Saône-et-Loire. Le PAT départemental est l’un des premiers à avoir été labellisé en 2022, présentait l’élu. Venant en soutien aux Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), le Département est là pour fédérer, mutualiser, favoriser les échanges entre structures, expliquait Frédéric Brochot qui évoquait aussi la plateforme d’approvisionnement Agrilocal que gère aussi le Département et qui génère près de 900.000 € de retombées pour les agriculteurs, faisait-il valoir.

« Mouiller la chemise »

« Dans une société, soit on est acteur, soit on est spectateur », réagissait Bernard Lacour, président de la chambre d’agriculture. Par opposition « à des choses sur lesquelles on a peu de prise », le responsable incitait à « agir à l’échelle de son territoire. Tout le monde parle d’agriculture, mais c’est quand même mieux quand ce sont les agriculteurs qui en parlent ! ». De même, « il y a besoin que le territoire, avec toutes ses différences, se réapproprie son propre développement ». Et si la Chambre a bel et bien des compétences techniques, il faut que les paysans « mouillent la chemise ! », estimait le président avant d’aborder la question du renouvellement des générations, sur laquelle « un vrai travail est à faire à l’échelle des Com’com ».

Une idée que partage le JA de Haute-Saône, Gérald Pichot. Constatant que les compétences des collectivités avaient beaucoup évolué ces dernières années, les jeunes agriculteurs de ce département ont eu envie de travailler avec les intercommunalités pour l’installation. L’idée est que ces collectivités aident concrètement des jeunes agriculteurs à s’installer. Enclenchée depuis deux ans, la démarche commence à porter ses fruits, confiait Gérald Pichot.

Le revenu nerf de la guerre

Revenant sur le mouvement de blocage « historique » de fin janvier, le président de la FDSEA Christian Bajard rendait hommage aux jeunes agriculteurs qui ont pris part nombreux à cette mobilisation massive. Un mouvement « spontané qui est venu du terrain » en écho à « un gouvernement aujourd’hui déconnecté de l’agriculture », des gouvernants « tous formatés dans les mêmes écoles, souvent urbains… », regrettait le président de la FDSEA. « On a tout mis sur la table » (normes, revenu, critiques, environnement…) et désormais, il faut voir « comment on peut faire évoluer les choses ». Maintenant, « il faut transformer l’essai », en particulier sur la loi EGAlim pour que les prix soient enfin rémunérateurs. Il s’agit aussi « d’enlever un peu de pression sur les agriculteurs », résumait Christian Bajard. « Le gouvernement essaie de nous tenir avec un couvercle, mais la marmite boue toujours ! », reprenait le président de JA 71 Julien Quelin. Avouant avoir été surpris par l’ampleur de la mobilisation des jeunes sur le rond-point Jeanne Rose et sur l’A6, le président rappelait, en conclusion, les impératifs pour donner envie à des jeunes de s’installer : formation, simplification et, bien entendu revenu. Sur ce dernier point sensible, GMS, industriels… continuent de ne pas jouer le jeu, préférant se renvoyer la balle, laissant la loi EGAlim inappliquée. Pourtant, du moment où le revenu sera en face, l’installation redécollera, concluait Julien Quelin.