Section des anciens exploitants
Retraites agricoles : les anciens exploitants restent mobilisés !

Frédéric RENAUD
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Après les mobilisations du réseau syndical en début d'année, les anciens exploitants de la FDSEA 71 se sont rassemblés à Saint-Bonnet-de-Joux, le 15 mars, pour l’assemblée générale de la SDAE. Le thème de l’amélioration des retraites reste un sujet de préoccupation constant, présent parmi les 120 demandes de la FNSEA auprès du gouvernement. Aurélie Lucas, la juriste de la FDSEA de Saône-et-Loire, a aussi livré des recommandations de prudence face aux propositions de contrat de "production agrivoltaïque" qui parviennent régulièrement aux anciens exploitants.

Retraites agricoles : les anciens exploitants restent mobilisés !
Robert Martin, de la section des propriétaires-bailleurs, et Christian Bajard, président, ont rejoint Danièle Jaillet et le bureau de la section des anciens exploitants à la tribune, pour expliquer les batailles menées par la FNSEA

« Le chemin est difficile, très long, suradministré ; il n’est pas facile de faire entendre sa voix », clame Danièle Jaillet, en rappelant les mobilisations du début de l’année. « Le retournement des panneaux aux entrées des villages, en fin d’année, annonçait un début de révolte, que nous avons vécue en janvier et février ». Les anciens exploitants aussi protestent : les motifs ne manquent pas. « C’est pourquoi il ne faut rien lâcher et toujours répéter nos attentes ».

Mobilisés !

L’assemblée générale de la section départementale des anciens exploitants de la FDSEA s’est tenue le 15 mars à Saint-Bonnet-de-Joux. Le président de la FDSEA 71 s’est exprimé en premier pour rappeler « la fatigue mentale des agriculteurs face à l’abondance des normes. » Pour autant, lors des mobilisations, Christian Bajard n’a ressenti « aucune résignation : les adhérents ont encore envie de se battre ».

En témoignent les « 120 demandes de mesures que nous avons portées au niveau national » malgré les oppositions de toutes sortes. « Il faut remercier l’imposant travail mené par la FNSEA pour rassembler les demandes venues de tous les départements. La FNSEA reste la seule organisation en capacité d’amener des solutions sur l’agriculture aux gouvernements. C’est une belle organisation, qui traite les sujets agricoles et sociétaux, grâce à la cotisation des agriculteurs », salue encore Christian Bajard

En Saône-et-Loire, la FDSEA fédère les espoirs de 1.600 cotisants actifs et de 1200 retraités. Les anciens exploitants se mobilisent depuis plusieurs années pour les retraites agricoles. « La promulgation de la réforme des retraites a été votée le 14 avril dernier », rappelle Danièle Jaillet dans son rapport moral. « À ce jour, nous sommes malheureusement en attente du décret d’application. Il est urgent de finaliser le texte sur les meilleures années » (lire encadré).

En retard…

La proposition de loi prévoyait « qu’un rapport précisant les modalités de mise en œuvre devait être réalisé dans les 3 mois après la promulgation », cite la présidente des anciens exploitants, « mais n’a été rendu qu’en janvier 2024. Ces semaines de retard risqueront de manquer à la MSA pour appliquer correctement le dispositif en 2026 ».

Sur le fond, la FNSEA reste dubitative quant à l’esprit de la loi. « Le calcul de la retraite sur les 25 meilleures années n’a guère de sens dans le système actuel d’acquisition de droits à la retraite », proteste Danièle Jaillet. « La FNSEA est favorable à une retraite "comme les autres", qui serait gérée par la MSA. C’est-à-dire, une convergence des règles applicables aux agriculteurs avec celles en vigueur pour les salariés et indépendants ; un système fondé sur le calcul des meilleures années de revenu, un minimum de retraite unique pour toutes les carrières complètes, la liquidation unifiée pour les poly-pensionnés. La FNSEA demande aussi une attention particulière portée aux petites retraites et aux membres de la famille. »

Les anciens exploitants poursuivent aussi le combat mené en faveur « des petites retraites. Nous exigeons un accès à la retraite minimum à 85 % du Smic net pour tous les futurs retraités à carrière complète ; la référence au Smic agricole doit disparaître », poursuit la présidente. « Nous voulons aussi une revalorisation pour les conjoints retraités, dont la retraite minimum est fixée à 787 euros par mois. Il est indispensable que toutes les retraites à carrière complète, inférieure à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa – 1.012 €) soient remises à niveau ».

Face aux retraites faibles, certains pourraient être tentés de céder aux sirènes du moment autour des énergies renouvelables (lire encadré). Pour ce sujet, « la prudence est recommandée, face aux commerciaux qui battent la campagne », signale Aurélie Lucas, juriste à la FDSEA, qui a aussi informé les anciens exploitants de l’actualité des fermages et des transferts de baux entre successeurs.

Agrivoltaïsme : soyez prudents !

La juriste de la FDSEA, Aurélie Lucas appelle à prudence concernant particulièrement "l’agrivoltaïsme". La loi Aper de 2023 le définit comme une combinaison entre agriculture et photovoltaïque. Là encore, « un décret est en cours d’élaboration, depuis un an, pour préciser cette définition. Ce n’est pas du photovoltaïque au sol : l’agrivoltaïsme suppose qu’une activité agricole se produise sous les panneaux », stipule Aurélie Lucas. « Cet équipement de production est censé contribuer à améliorer l’activité agricole, au travers de 4 services rendus : l’amélioration du potentiel agronomique, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas et le bien-être animal ».

Le photovoltaïque au sol est bien différent : « ce sont des panneaux photovoltaïques qu’on déploie au sol ou à 30 centimètres du sol, sur 10 ou 20 hectares, et on ne peut rien faire dessous. Ces panneaux, s’ils consomment du foncier agricole, constituent l’option la plus rentable des deux, parce que les panneaux sont très concentrés et que le coût d’installation est plus mince », ajoute Aurélie Lucas.

Lors du montage d’un projet, « un ensemble de préalables restent nécessaires, études d’impact ou environnementales, dépôt de permis de construire, dossier de la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF)… Lorsqu’un énergéticien se lance dans un projet, il faut s’attendre à une durée de 3 ou 4 ans, avant que les équipements arrivent sur les parcelles », annonce la juriste. « Son premier travail, c’est d’identifier les parcelles intéressantes par rapport au poste source, qui permet de vendre l’électricité produite au réseau de distribution. Plus la parcelle est proche de ce poste source, plus c’est intéressant ; et plus vous recevrez de propositions d’énergéticiens ».

Aurélie Lucas poursuit son travail d’information. « Le premier objectif de l’énergéticien sera de vous faire signer un contrat. Dès cette signature, vous êtes engagé dans une démarche avec un fournisseur d’énergie, pendant les 3 ou 4 ans nécessaires à l’instruction du projet. Ce qui signifie que vous ne pouvez pas discuter avec un autre énergéticien ».

Et tout en se préparant à signer, « il faut aussi se poser la question du devenir de l’installation à la fin du projet, après 35 ans d’exploitation. Normalement, tout doit être retiré des parcelles ; en principe, c’est l’installateur de l’équipement qui doit en assurer le démantèlement », complète Aurélie Lucas. « Selon la loi Aper, cette obligation de démantèlement pèse sur le propriétaire de la parcelle. Selon la chambre d’agriculture, la dépense à prévoir pour le retrait de l’équipement agrivoltaïque s’avère désagréable par rapport au revenu effectivement récolté. Donc, il faut bien vérifier la clause du démantèlement dans votre contrat et insister pour que votre partenaire la prenne en charge ». Encore faudra-t-il encore que la société ne soit pas liquidée avant donc…

Retraites sur 25 meilleures années : Fesneau persiste

À l’occasion de l’examen au Sénat, le 19 mars, d’une proposition de loi LR qui vise un scénario « sans perdant » dans l’application de loi Dive de 2023 instaurant le calcul des retraites agricoles à partir des 25 meilleures années, Marc Fesneau a maintenu l’objectif d’associer à cette réforme une « convergence » vers un calcul sous forme de revenu et non plus de points, ce dernier n’étant « pas fait pour durer, car moins avantageux », selon le ministre. En commission des Affaires sociales, les sénateurs avaient retiré cet objectif prévu dans le texte initial, pour éviter un décalage de deux ans de la réforme, pour une application dès 2026, et non 2028. « Attention à ne pas créer une proposition de loi à durée limitée, a prévenu Marc Fesneau. Car à partir de 2028, nous pourrons appliquer la réforme sur la base des 25 annuités de revenus », mais pas avant pour un « problème technique » de manque d’archives à la MSA, selon le ministre. C’est notamment sur ce motif de report de la mise en œuvre de la réforme que la FNSEA a quitté une réunion de travail à Matignon le 15 mars. Le vice-président du syndicat majoritaire Luc Smessaert avait appelé « le politique à s’intéresser à ce sujet ». « Nous avons claqué la porte, car on nous avait promis des avancées juste avant le Salon, et aujourd'hui les conseillers proposent l'entrée en application non plus en 2026, mais éventuellement en 2028, et d'appliquer le principe des meilleures années sur une période qui ne remonterait que jusqu'en 2016, autrement dit un quart de la carrière », s'impatiente l'agriculteur de l'Oise. Pour appliquer la loi Dive, le gouvernement privilégie jusqu'ici le scénario 4c dit « de double liquidation » (nouveau calcul appliqué uniquement après 2016), pour lequel il peine à ne pas faire de perdants. Lors d'une audition le 7 mars, la directrice de la réglementation de la CCMSA Christine Dechesne-Céard avait indiqué que cette PPL LR permet effectivement de ne pas faire de perdant, mais entraine une redéfinition de la valeur du point, qui « risque de reporter la date de mise en œuvre de la réforme », attendue pour 2026. 

Le dossier fait partie des points de cinq « blocs » de mesures prioritaires mis en avant par la FNSEA en vue d’une réunion avec le président de la République, pour lequel Matignon recherche des mesures de « sortie de crise ». Le texte a été adopté par le Sénat, ce 19 mars, avec avis défavorable du ministre.