NUISIBLES
M Chaut : « Les deux tiers des professionnels touchés par des dégâts ne font pas de déclarations »

Depuis 2019, le terme "espèces nuisibles" a été remplacé par celui d’Esod (espèces susceptibles d’occasionner des dégâts). Le point avec Madeleine Chaut, responsable du groupe faune sauvage à la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes et représentante à la commission FNSEA.

M Chaut : « Les deux tiers des professionnels touchés par des dégâts ne font pas de déclarations »

Quels critères doivent être remplis pour qu’une espèce soit classée espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (Esod) ?

Madeleine Chaut : « Pour chaque département, les dégâts doivent dépasser 10 000 euros sur trois ans. Il faut également justifier de la présence de l’espèce sur l’ensemble du département. À l’échelle syndicale, nous faisons remonter des enquêtes qui mentionnent le nom des espèces, ainsi que la surface et la typologie des cultures touchées. Elles viennent en complément de celles menées par la fédération de chasse. Je tiens d’ailleurs à rappeler que le principe du classement Esod, ce n’est pas de détruire une espèce, mais bien de prélever les animaux qui posent un problème. Tout le monde sait qu’un renard qui a trouvé un poulailler, ne va pas se casser la tête à chasser un campagnol. »

Les déclarations de dégâts fonctionnent-elles suffisamment ?

M. C. : « Lors de ces enquêtes, il faut que chaque agriculteur ou agricultrice fassent remonter les dégâts par un écrit. Or, nous perdons toujours du monde à cette étape. Il faut contacter la fédération de la chasse, récupérer le papier, mettre le numéro de l’îlot Pac, estimer la surface… pour qu’ensuite, un estimateur vienne sur place. Parfois, il faut même faire des remises en état, puis le faire revenir. Nous remarquons que les deux tiers des professionnels touchés par des dégâts ne font pas de déclarations. Elles sont pourtant primordiales : lorsque nous demandons que le sanglier soit classé nuisible sur le département, les autorités nous répondent qu’il n’y a pas de déclarations de dégâts et qu’il n’est donc pas nécessaire de prendre une telle disposition. »

Existe-t-il un autre moyen pour communiquer ses dégâts ?

M. C. : « Cette année, le réseau Chambres d’agriculture France s’est inspiré d’une application gratuite « Signalement des dégâts de la faune sauvage », déjà utilisée en Haute-Vienne. Elle s’adresse au grand public, comme aux agriculteurs et agricultrices et est financée et développée par Chambres d’agriculture France. Chaque département peut rentrer les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts, mais également les gibiers ou les espèces protégées, dans la bibliothèque de l’application. Pour les agriculteurs touchés par des dégâts, il suffit d’indiquer la parcelle, le type de dégâts, une estimation de la surface endommagée et de joindre une photo. Une fois la surface indiquée, un calcul sera directement effectué par l’application, afin de donner une estimation financière des dégâts. Toutefois, s’il s’agit bien d’un outil pour recenser des dégâts, l’utilisation de cette application n’équivaut pas à une déclaration de dégâts auprès de la fédération de la chasse. Mais grâce aux signalements, le technicien de la chambre d’agriculture générera une carte, qui illustrera les dégâts par espèces, les surfaces endommagées et les montants des pertes. Ce recensement nous permettra d’avoir plus de poids dans les discussions et d’avancer un peu plus sur la régulation des populations. »

Les agriculteurs et agricultrices disposent-ils de moyens de prévention contre les attaques ?

M. C. : « À l’échelle de la Loire, j’ai réfléchi à un nouveau mode d’action pour le printemps 2024. Dans le cadre d’un arrêté préfectoral, je souhaiterais mettre en place une lutte collective contre les corvidés en proposant une formation de piégeurs agréés, assurée par la fédération de chasse. Cette lutte pourrait être en essai sur les cantons de Saint-Chamond ou de Saint-Étienne, qui sont des zones où beaucoup de corbeaux et de corneilles attaquent les semis de maïs. Le piégeage collectif est déjà testé en Mayenne depuis quelques années et permet de limiter la population. À la différence de l’effarouchement, cette méthode n’envoie pas l’animal chez les voisins. »

Propos recueillis par Léa Rochon

LÉGISLATION

Un classement départemental revu en juillet prochain

Depuis 2019, le terme "espèces nuisibles" a été remplacé par celui d’Esod : espèces susceptibles d’occasionner des dégâts. Ce changement permet d’avoir un régime plus souple quant à leur destruction par tir ou piégeage, que le régime applicable aux "espèces chassables". Désormais, l’administration différencie trois groupes d'espèces classés comme susceptibles d'occasionner des dégâts.

La catégorie I, classée par le ministère (arrêté ministériel du 2 septembre 2016) pour une année renouvelable, regroupe les espèces d’animaux non-indigènes classées susceptibles d’occasionner des dégâts sur l’ensemble du territoire métropolitain. Cette classification concerne notamment le ragondin, le rat musqué ou encore le raton laveur. La catégorie II regroupe les espèces d’animaux indigènes classées susceptibles d’occasionner des dégâts dans chaque département. Après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, le préfet prend un arrêté définissant les espèces classées Esod, les périodes, les modalités de destruction et délimite les territoires concernés en justifiant cette mesure par l'un au moins des motifs de classement retenus par la législation. Cette liste est arrêtée pour une période de trois ans, courant du 1er juillet de la première année au 30 juin de la troisième année. Elle sera donc revue en juillet prochain, puisque l’arrêté ministériel date du 3 juillet 2019. Enfin, la catégorie III est relative aux espèces qui, figurant sur une liste ministérielle, peuvent être classées nuisibles par arrêté préfectoral annuel, comme le sanglier ou encore les pigeons. Elle prend effet le 1er juillet jusqu’au 30 juin de l’année suivante. Le classement Esod d'une espèce des catégories II et III peut donc concerner soit l'ensemble du département, soit certains cantons ou communes, voire des territoires particuliers.

L.R.